Négociation et Vente B2B – Sylvain Fantoni

Je suis le directeur de la formation continue chez Euridis Business School, et également le responsable du pôle vente, le cœur d’expertise au sein de l’école. Euridis Business school est une business school spécialisée dans la vente complexe, la vente B2B, particulièrement dans le secteur de l’I.T et des autres technos.

Mon parcours est un parcours de sales, ça fait 26 ans que je suis commercial, et je le suis encore au sein de la sales académie puisque nous proposons nos formations auprès de nos partenaires, donc j’ai régulièrement l’occasion de faire de la vente, de faire des présentations, de faire de la négociation et ça me passionne depuis toujours, et surtout la partie méthodologique. C’est, je crois, la particularité de ce métier, on imagine beaucoup en France que tout ça ne serait que du talent et des aptitudes personnelles, et je fais partie des gens qui sont convaincus qu’au contraire, c’est un véritable métier, et qu’il y a des méthodes, des bonnes pratiques, des processus à suivre, pour pouvoir aboutir à une bonne négociation

 

C’est un point qu’on partage, on a des métiers, peut-être plus la vente que la négociation, qui souffrent d’un inconscient collectif assez omniprésent, or c’est un vrai métier, quelque chose qui s’apprend, vous, ça fait plus de 12 ans, chez Euridis, mais toi dans ton ancienne vie tu es passé par une grosse école de vente, on peut la nommer ?
Oui bien sûr, j’ai eu la chance de travailler chez un concessionnaire Xerox qui s’appelle Open, et là où j’ai découvert la vraie méthodologie qui permet de créer de la valeur, on était sur un marché extrêmement peu différencié, un photocopieur ressemble terriblement à un autre, et donc tout était basé sur la méthode de vente, avec énormément de négociations puisqu’on était sur de la vente très transactionnelle, c’est-à-dire de la vente assez rapide, basée beaucoup sur l’offre, avant de développer des offres plus complexes, et de me développer moi-même en tant que sales, vers de la vente plus complexe avec plus d’enjeux autour

 

tu fais de vraies différences entre négociation et vente, ce qui n’est pas toujours très clair, c’est souvent une question de vocabulaire. Quelles différences entre négo et vente dans ton écosystème
Déjà, comme tu viens de le dire, il y a un vrai problème de sémantique, puisqu’on utilise le terme négocier pour vendre, la plupart du temps. Déjà parce que de façon un peu marketing, nos amis éditeurs enjoignent beaucoup les personnes qui écrivent sur la vente à parler de négociation plus que de vente, donc on retrouve tout un florilège d’ouvrages qui soi-disant traitent de la négociation et qui en fait vont te reparler de toutes les étapes de la vente. Donc déjà, il y a niveau de vocabulaire à poser, c’est-à-dire que la vente c’est vraiment la partie où on va trouver une adéquation forte entre des besoins et une offre, le commercial et son acheteur, et une fois que ça c’est fait, la négociation intervient pour pouvoir contractualiser tout ça et aplanir les difficultés qu’on a rencontrées , qui peuvent être de divers ordres. Ça peut être le prix, mais la réalité nous montre que le prix n’est qu’un élément de la négo, et qu’il peut y en avoir plein d’autres.

Une phrase me vient toujours à l’esprit quand on veut parler de négo, qui vient, je crois, de Philippe Korda de la Cegos, qui a écrit un ouvrage de référence, négocier et défendre ses marges, et qui nous dit, la négociation intervient après la vente. Et cette phrase met toujours un petit malaise quand je l’évoque, quand je partage cette vision, j’ai toujours ce petit moment où on me dit, ben non, si on a terminé la vente, c’est qu’on a fait aussi la négo, et en fait les gens confondent la contractualisation d’une affaire, qui peut passer d’ailleurs parfois par des étapes juridiques extrêmement longues et fastidieuses, entre deux grosses compagnies qui vont faire un deal, et le fait d’avoir vendu, c’est-à-dire  d’avoir en face de nous quelqu’un qui a décidé d’acheter. Et ça, c’est quelque chose sur lequel on n’insiste pas assez, c’est que démarrer la négociation avant d’avoir terminé la vente, c’est le plus pur moyen de se retrouver dans des phases de négociation extrêmement complexes à gérer, d’ailleurs dans lesquelles moi je n’ai pas de clé, je ne sais pas si toi tu en as, mais quand on n’a pas bien fait la vente, se retrouver face à un acheteur qui a plusieurs propositions et qui nous considère comme étant l’égal des autres, nous met en très grande difficulté en phase de négo.

Moi mon seul objectif est de minimiser la négociation, en maximisant la qualité de l’approche vente et du cycle de vente

 

(communication formation)

 

 

 

 

cette notion de vente pour toi est vraiment très en amont, qui est de trouver cette adéquation entre le besoin et l’offre,  ces phases de découverte, de création de désir, de compréhension de ton partenaire. Et la négociation intervient sur la phase de closing, sur cette bascule où tu viens contractualiser l’accord

Exactement même si j’ai presque parfois envie de dire que le closing est encore une autre étape, un autre sujet, mais oui, l’idée est vraiment de se dire, on ne doit rentrer en phase de négo qu’avec des gens qui ont admis, qui ont évoqué le fait qu’ils ont envie de travailler avec nous. C’est vraiment basé sur un sujet que tu connais bien, qui est la négociation raisonnée,  de Fischer et ?? dans lequel on ne doit pas être dans une forme de bataille, et d’ailleurs, très souvent, les gens ont en tête une espèce d’imagerie de la négociation avec des attitudes extrêmement conflictuelles, avec un antagonisme très fort entre le commercial et son client, les deux essayant de gagner des choses complètement différentes, et moi je crois à une vision très différente de ça. Je crois qu’on ne doit aller en phase de négo que quand on est nous-mêmes convaincu que l’affaire est bonne pour nous en tant que vendeur, et que le client est convaincu que c’est avec nous qu’il faut faire cette affaire.  Et à partir de là, les difficultés globalement s’aplanissent de manière assez naturelle, et en tout cas, sans qu’il y ait cette forme d’antagonisme que je n’apprécie pas, ce n’est pas pour ça que j’ai choisi de faire ce métier. J’ai une phrase qui me vient très souvent à l’esprit quand on parle du métier de commercial, c’est que notre job est d’être le médecin du business de nos clients,  est-ce qu’on peut imaginer une seule seconde un antagonisme entre un médecin et son patient, la réponse est non, et je crois qu’on doit arriver à avoir ce même état d’esprit extrêmement qualitatif dans la relation entre nous, les commerciaux, et nos prospects et nos clients.

 

sauf que le médecin n’est pas intéressé par le fait que tu prennes des médicaments ou pas, alors que ton sales est intéressé par le fait de faire la vente
Merci julien de cette remarque, je crois beaucoup à ce qu’on appelle le futur de la vente, Graham Hopkins qui est un Australien qui travaille beaucoup sur le sujet nous annonce une nouvelle ère des entités commerciales dans lesquelles le commercial ne sera apriori plus forcément payé sur une affaire qu’il rentre, et avec une notion de prime qui soit beaucoup plus globale et qualitative. Et je pense vraiment que ce sera un des éléments qui va permettre la réalisation de ce projet que j’ai de faire de nous des médecins de la vente. Effectivement quand on a cette tentation de vendre un produit qui n’est pas forcément le meilleur pour le client, parce que c’est là où on gagne le plus d’argent, ça existe, c’est parfaitement humain, et de tout temps, en tout cas jusqu’à aujourd’hui, on sélectionne beaucoup les commerciaux pour leur appétence à gagner de l’argent.

 

tu vas sur la motivation intrinsèque et extrinsèque, et tu dis d’une certaine manière que motiver son collaborateur juste avec une variable qui est une motivation extrinsèque qui est la carotte et le bâton, ce n’est pas forcément le meilleur moyen de rémunérer son sales, même si aujourd’hui toutes les structures font ça. Et ça rejoint quelque part les travaux de Dan Pink qui dit que tu peux travailler sur la notion d’autonomie, de maturité , de finalité
Oui merci de citer Daniel Pink, j’allais le faire, je trouve que toute son étude sur la motivation est captivante et nous permet de vraiment remettre en ligne de mire une autre vision de ce qu’on peut attendre d’un commercial, en le motivant de manière très différente, et je crois que tout cela va concourir à cette nouvelle vision du métier, et tendre vers  cette image du médecin du business. Et il y a de plus en plus d’entreprises qui réfléchissent à ça, certaines même le mettent en œuvre, je pense à Lemelist, les équipes de Guillaume Moubèche, qui ont adopté un système de rémunération qui n’est plus du tout lié au fait de signer une affaire, est-ce ton client, le mien,   ou pas, et qui génère une dynamique ultra collaborative, et surtout le fait de se dire,  je ne vais faire la vente que si cette vente a du sens.  Et c’est évidemment ce que l’on espère de la part de notre médecin,  et c’est ce vers quoi on devrait tendre dans cette fonction commerciale, et c’est un des objectifs d’Euridis aujourd’hui de modifier à la fois les comportements et l’image qu’on a de ce job qui est un job ultra noble, puisque pour moi, la vente consiste vraiment à apporter des solutions à des clients qui en ont besoin

 

tu retrouves un positionnement de neutralité, d’impartialité, qui renforce d’une certaine manière la confiance de ton interlocuteur, prospect, client, par rapport à ta démarche qui est désintéressée d’une certaine manière
Clairement. Elle ne le sera jamais complètement, il faut être honnête, il y a une activité commerciale, il y a une réalité économique, les entreprises doivent se développer, doivent vendre leurs solutions, mais une fois qu’on est sorti de ce schéma qui peut être un schéma négatif si on le traite mal, on peut avoir l’ambition d’aller chercher les bons clients qui ont vraiment besoin de nos solutions, et de faire le job comme il faut, jusqu’au bout. Et ça, je pense que c’est une tendance de fond, pas une vue de l’esprit, et d’ailleurs, on voit que la quête de sens est quelque chose dont on entend de plus en plus parler, on a une nouvelle génération qui est quand  même de plus en plus titillée par cette quête de sens, et je crois que c’est le meilleur moyen de les emmener vers cette fonction commerciale que de leur dire que, OK, il se trouve que de manière mécanique c’est un métier où on gagne de l’argent, où on gagne très bien sa vie, mais ça peut ne pas être la finalité, et on peut le faire d’une manière extrêmement éthique, voire noble, en étant concentré chaque fois qu’on a des clients, sur comment je vais résoudre des problématiques pour eux. Et dès qu’on est dans ce schéma-là, la négociation prend une autre dimension.

 

j’aimais beaucoup ta définition sur laquelle on est revenu, c’est vraiment une question de vocable là-dessus. Sur mon périmètre, on a deux phases sur cette phase de négociation, on a une phase généralement qu’on va simplifier qui est une phase de création de valeur où tu vas coconstruire avec ton interlocuteur, qui peut être liée à une phase de vente d’une certaine manière, mais en tout cas tu vas créer du désir et de la tension, ce désir, cette capacité de récompense, et cette tension, cette capacité à perdre quelque chose. Donc tu vas osciller entre les deux pour créer de la confiance, pour comprendre les positions ou les attentes, quels sont les besoins, et pour y apporter potentiellement ta réponse qui est potentiellement la meilleure. Et il y a une phase, qu’on appelle le kairos, qui est le moment opportun, qui est la bascule, où on arrive sur une phase de réclamation de valeur, et dans cette phase, à ce moment-là c’est cette notion d’engagement, que toi tu appelles contractualisation, mais le qui , quoi, le où, le comment, et qui demande des qualités différentes de la première, parce qu’on demande peut-être plus d’assertivité, là-dedans que de l’empathie dans la première phase,  et donc j’entends que toi tu fais une vraie différence sur toute cette phase en amont avec vraiment un terme qui est spécifique, et qui a du sens, qui est vraiment le processus de vente, mais que tu changes ce vocabulaire de vente sur la  phase de contractualisation, en tout cas sur le fait de se mettre d’accord, ce que nous on appelle la phase de réclamation de valeur
C’est ça, je partage parfaitement, même si mon instinct a envie de te dire que la première étape dont tu parles, pour moi ne peut pas rentrer dans une phase de négociation. Je ne peux pas appeler négociation le moment où je coconstruis de la valeur avec mon client,  c’est vraiment pour moi la phase de vente qui doit être dissociée, je milite pour qu’on mette les bons vocables sur les bons concepts. C’est vraiment de se poser… pour moi déjà la négociation, j’ai toujours du mal quand on l’imagine comme une étape, je trouve ça très problématique d’imaginer que la négo soit un point, un Momentum dans le cycle de vente. Pour moi la négociation est une trajectoire, qui doit s’initier quasiment dès la phase de prise de contact avec notre prospect ou notre client (c’est un objectif). C’est la partie d’un tout en tout cas,  et qui ne peut pas être décorrélée du reste. J’ai vu des entreprises où de manière quasi systématique, dans les phases de négo, on envoyait les managers, c’est-à-dire  que le commercial avait travaillé pendant des semaines sur un deal avec ses prospects, qui avait créé de l’intimité, de la relation, qui avait compris des enjeux, des spécificités, qui avait su se positionner par rapport à tout ça, et au moment où il faut négocier, où arrive le fameux service achat qui est quasiment le grand méchant loup du commercial, quand on l’imagine mal en tout cas, on envoyait un manager pour, l’expression usitée à l’époque c’était, pour faire péter les galons, et de dire, voilà je mets quelqu’un  d’autre dont c’est le métier, lui va négocier. Bon, j’avoue que j’ai un peu de mal avec cette vision décorrélée, où ce n’est plus la même personne, où on crée ce moment. Que le commercial soit accompagné au moment de la négociation, pourquoi pas,  parce que parfois la négociation fait appel à des expertises extrêmement fortes, et j’imagine qu’on en reparlera, mais pour moi la clé de la négociation, c’est la qualité des concessions contreparties qu’on est capable d’imaginer.

 

c’est une question de vocable, j’entends ce que tu dis, et j’ai du mal à être d’accord,  pour nous la négociation est une discussion sur le pourquoi, alors que quand tu es sur une discussion qui est sur le critère, sur des concessions, des contreparties, tu restes dans un processus de négociation,  mais sur un truc qui est très spécifique qui s’appelle le marchandage, qui a une connotation négative, mais je veux dire que le marchandage est une tactique à disposition du négociateur, mais ce n’est pas une fin en soi. Pour illustrer mon propos, et c’est pour ça que j’ai du mal avec les gens qui disent que la négo commence quand la vente s’arrête parce que c’est assimiler la négociation à du marchandage. Dans beaucoup de mes clients qui font appel à nous, ils font appel à nous alors que leurs clients, leurs prospects, leurs fournisseurs n’ont aucune volonté de trouver un accord, au contraire, ils sont sur de la menace, de l’ultimatum, et donc on n’est pas que, dans cette phase de négociation, sur cette volonté de contractualiser mais dans une volonté de revenir à l’origine du problème, de recréer du lien, de retrouver une adéquation possible entre ce que l’un attend et ce que l’autre peut proposer, et c’est vraiment intéressant parce qu’on a deux visions, qui ne sont pas différentes, mais on a deux vocabulaires, je pense, qui le sont

Exactement, je pense qu’au final, on a strictement la même vision de ce qui fait que nous pouvons aboutir à un accord que ce soit dans le business, dans l’univers personnel, ou que ce soit dans des négos plus « dramatiques », je pense aux négociateurs du RAID, du GIGN, etc., on est toujours dans ce schéma-là. Et je pense vraiment que quand tu parles de, on doit être dans le pourquoi, pour moi le pourquoi doit être un préalable à ce que nous sommes en train de faire, c’est-à-dire que si effectivement on a face à nous des gens qui ne savent pas pourquoi ils doivent nous acheter, et d’ailleurs, j’ai une phrase que j’utilise assez souvent, c’est que vendre, c’est d’abord et avant tout aider à acheter, on ne se rend pas compte à quel point, à part quand on le vit, il y a des petits moments dans notre vie où on s’en rend compte, quand on doit choisir entre deux voitures, quand on doit acheter un appartement, sa maison, dès qu’on fait un achat un peu conséquent, on se rend compte à quel point c’est juste horrible, on a toujours peur de se tromper, de ne pas faire le bon choix, on a peur de passer à côté d’une meilleure affaire, c’est un moment qui n’est agréable pour quasiment personne. Et souvent on oublie que notre job est d’aider nos interlocuteurs à répondre à trois questions fondamentales. Tu parlais du pourquoi, pour nous en vente,  quand on est vraiment axé sur le côté business, B2B, sales process, on a trois questions permanentes, que nos interlocuteurs doivent être en capacité de répondre, même dans un cas de multi interlocuteurs, c’est ce qu’on appelle les trois Why. C’est why anything, pourquoi est-ce qu’on doit faire ce qu’on est en train de faire, c’est ce fameux pourquoi initial que tu évoquais. Mais au-delà de ça, il faut aussi qu’on accompagne, et je parle bien d’accompagner, c’est là où on n’est pas du tout dans l’antagonisme, c’est vraiment, je t’aide à répondre à ces trois questions, que sont, pourquoi est-ce qu’on doit faire un projet ensemble ? Pourquoi avec nous ? Et pourquoi maintenant ? Parce qu’en négociation, un des ennemis, peut-être le pire ennemi du commercial, c’est le critère de temps du côté du client. Il n’y a rien de pire qu’un client qui ne se sent pas dans l’urgence de faire ce projet, parce qu’il a de son côté, toujours, en permanence, une dizaine d’urgences à gérer

 

c’est ton need to payoff du spin d’une certaine manière
Exactement. le need payoff du spin est encore un petit peu particulier, c’est quelle valeur je vais créer pour toi, dans ton environnement, mais au-delà de ça, cette valeur-là si tu ne l’avais pas, on est en train de discuter d’une valeur ajoutée que je vais te proposer. C’est bien joli, mais tu ne le faisais pas avant et aux dernières nouvelles, tu as parfaitement bien survécu sans, donc ça ne génère pas ce côté why now, pourquoi est-ce qu’il faut le faire maintenant. Là on va plus sur une notion fondamentale de la négo, enfin de la vente, mais sur la partie négociation, c’est la notion de Compelling Events, le Compelling Event, c’est quelque chose, un évènement qui se produit soit chez toi, dans ton entreprise, soit sur ton marché, l’arrivée d’un nouveau compétiteur, d’une nouvelle règle, d’une nouvelle régulation de l’État, etc., qui fait qu’on ne peut pas se dire qu’on fera ce projet dans trois mois, dans six mois ou dans un an. Et effectivement, chez Euridis on aime beaucoup tous les Frameworks de vente  de nos amis éditeurs en sas anglo-saxons,  qui ont ce rythme de business  complètement incroyable qui est le quarter, qui dirige à peu près toutes les actions de l’entreprise, et le cours de l’action en bourse par la même occasion, et ça génère une forme de vente un peu particulière, OK c’est bien beau de réussir à convaincre mon client que j’ai une solution pour lui,  j’ai trouvé un problème, j’ai présenté une solution qui crée de la valeur, mais au-delà de ça, pourquoi il faut qu’on le fasse maintenant ? Et ça, c’est des why qu’il faut avoir traités en amont  de la négo.

Tu parlais de marchandage, et je comprends parfaitement l’appellation, moi je serais plus à parler de zone d’accord commune.  Si mon prix est trop élevé par rapport à ton budget, on n’est pas en train de marchander, c’est-à-dire que si j’ai une solution à un million d’euros, et que techniquement tu ne disposes que de 800 000 euros,  en vrai, on ne va pas marchander longtemps, tu as 800 000 euros, et ma solution vaut un million, donc là on va trouver des adéquations, on va trouver des pistes intelligentes. J’évoquais la notion de concession contrepartie, qui n’est pas forcément une forme de marchandage. Le marchandage c’est quand on joue une forme de jeu, pour moi, en tout cas, on est toujours dans la sémantique, pour moi la notion de marchandage…

 

c’est ce que tu rapportes au souk ( ?) quand tu te mets d’accord sur la théière

Exactement, c’est une forme de jeu. Sandler selling, c’est un dispositif de vente, et monsieur Sandler, il y a plus de 60 ans déjà avait une phrase que je trouve extrêmement intéressante, il disait aux commerciaux, arrêtez de jouer aux commerciaux, vous verrez que les acheteurs arrêteront de jouer aux acheteurs. Ça veut dire  que si à un moment donné on arrête tous d’être dans la posture, et qu’on se pose vraiment les bonnes questions, déjà de rappeler à ses interlocuteurs quels sont les trois why,  pourquoi est-ce qu’on est en train de faire ce projet ensemble,  pourquoi c’est avec nous qu’il faut le faire, et pourquoi il faut le  faire maintenant, quand les gens sont capables de répondre à tout ça,  la négociation pour moi ressemble assez peu à du marchandage, parce qu’il y a cette notion d’intérêt commun, qui n’est pas là dans la vente.

Tu parlais du souk pour illustrer le propos et on voit bien que là c’est vraiment deux objectifs totalement antagonistes, tu as un vendeur qui a survalorisé son produit, et tu as un acheteur qui veut impérativement faire une bonne affaire. Aucun des deux ne prend en compte l’attente ou l’intérêt de l’autre, on est vraiment dans une bataille, et donc dans le marchandage. Je crois que trouver ensemble des solutions, d’ailleurs même plus, on parle de concession contrepartie parce que ce sont les termes les plus usités, mais la réalité c’est surtout trouver une solution,  acceptable, et pérenne et intéressante pour les deux, parce que je crois qu’il faut quand même le dire à tous nos amis commerciaux et négociateurs, négocier en ayant obtenu gain de cause au détriment de l’autre est une victoire à court terme et on le voit bien, on est sur des marchés qui sont extrêmement connus, tout le monde connait tout le monde, la réputation d’une entreprise se fait rapidement, se défait encore plus rapidement, mais c’est la même chose pour un commercial. J’aime les commerciaux qui après 25 ans de métier peuvent toujours regarder droit dans les yeux et saluer dans la rue tous les gens avec qui ils ont fait du business, parce que tout le monde y a vu son intérêt, et c’est quelque chose dont on ne parle pas assez, et je pense vraiment que c’est basé sur cette idée d’être capable d’avoir une approche quasi scientifique

 

 

 

Je suis entièrement d’accord, je pense que c’est des questions de vocabulaire qui nous différencient légèrement mais on dit un petit peu la même chose.

Ce qui m’intéresse sur cette partie de Compelling Event, et c’est intéressant que tu le soulignes, c’est que généralement aujourd’hui, tu l’as dit, c’est ce qui drive surtout les sociétés de softs, etc., leur valorisation et beaucoup de choses, et malheureusement, ce que je perçois, c’est que le Compelling Event est plutôt un Compelling Event du sales qui veut finir son quarter,  qui a ses objectifs et qui n’est pas toujours centré sur le client de dire, il y a un nouveau compétiteur, une nouvelle règle, qui sont des points plus que légitimes, avec cette notion de Winter is coming, c’est-à-dire que si  on ne se met pas en action à moyen long terme, ça va avoir un impact sur la structure. C’est plus des choses, j’ai l’impression qui sont faites maladroitement, par exemple de dire si vous ne signez pas en janvier, je ne pourrai pas vous faire telle remise, ou mes consultants ne seront plus dispos, et en fait, ce sont des faux Compelling Events pour essayer d’accélérer, mais ça n’apporte pas de valeur supplémentaire à ton client.
Je vois plus que ce que tu veux dire, c’est malheureusement le quotidien de notre environnement I.T. je ne citerai aucune entreprise, mais ceux qui connaissent le marché les reconnaitront, ces grands éditeurs capables d’aller en clientèle parce qu’on est le 29 ou le 30 mars, et de dire, explicitement, on a notre fin de quarter, comment on fait ? Je trouve que c’est désespérant, ça nuit à toutes les pratiques commerciales,  ça nuit à l’image de l’entreprise, ça nuit à la marge, je ne sais pas si tu sais, mais dans certaines entreprises, on voit des remises de l’ordre de 80% 90%, je n’exagère pas, des 80% de remise en fin de quarter ou en fin de fiscal

 

tout ça pour avoir de nouveaux clients, ton new business, en se disant qu’on ne va pas avoir de churm à moyen long terme
Exactement, et surtout, le problème initial, là on peut dériver sur un autre grand sujet qui est la notion de business review et de comittment, qui est le fait que tous les commerciaux sont incités très fortement à annoncer en début de trimestre leur objectif en tant que Target réaliste. En gros, pour faire simple, si je t’ai donné 500 000 euros de C.A à faire sur le trimestre, comme par magie, tu vas m’annoncer 500 000 euros

 

et paradoxalement, tu seras moins bien valorisé si tu fais en dessous, ce qui est compréhensible, mais si tu fais beaucoup plus, ça veut dire que ton forecast n’a pas été assez précis
Ça ne marche pas non plus. Autant au niveau du commercial, on le pardonne à peu près bien, autant au niveau du manager, ton manager qui a mal forecasté dans un sens ou dans l’autre se fait réprimander vraiment très fort. La bourse n’aime pas l’imprévu, et d’ailleurs,  c’est tout le sujet de quelques ouvrages dont the predictable revenue,  qui consistent à se dire, ou the qualified sales leader de John Mac Mahon, qui consistent à se poser la question de comment on fait pour assurer un forecast qui soit le plus réaliste possible et le problème c’est que comme on ne fait pas cette étape en amont, on a des commerciaux qui ont balancé 500 000 euros de forecast alors qu’ils ne les ont pas du tout, et derrière, n’importe quel deal à 50 000 , même si c’est au détriment d’un deal à 500 000 qui aurait pu se faire dans deux ou trois mois ou six mois, ça me permet quand même de me rapprocher de mon forecast. Donc c’est un peu une politique de la terre brulée, qui nuit, et qui a beaucoup nui, je pense, à l’image que les gens ont de ce métier et de ces pratiques, sans même aller jusqu’aux commerciaux du B2C qu’on connait tous, que ce soit pour vendre des canapés, des fenêtres ou des énergies renouvelables , avec des méthodes de vente basées sur de faux Compelling Events, exactement comme tu le disais, qui sont des Compelling Events du commercial, ce qui en réalité n’a aucun sens. La seule définition du Compelling Event c’est, ce qu’il se passe dans l’environnement interne du client ou sur son marché. On ne peut pas dénaturer le sujet comme ça. Maintenant ils se trouvent que les acheteurs se sont faits à cette situation,  que les commerciaux trouvent ça normal parce qu’ils voient leurs collègues le faire aussi, et que s’il n’y a pas de gens pour bouger un peu les lignes, et on espère chez Euridis faire partie de cette catégorie, ça peut continuer comme ça pendant très longtemps, parce que la nature humaine est ainsi faite, on a quelques réflexes, c’est un peu comme couper la poire en deux, qui est le plus mauvais réflexe de négociation qu’on puisse avoir, mais qui est un réflexe incroyablement ancré,  c’est ce qui vient à l’esprit de tout le monde quand on est en négo

 

parce que tu t’achètes la paix sociale
Ben ouais mais je te dis 100, tu veux 50, la proposition d’après, c’est 75, c’est quasi universel. On a comme ça quelques traits de caractère qu’il faut changer, modifier, et c’est de l’éducation, c’est pour ça qu’on est dans la formation chez Euridis, c’est ça notre job, éduquer à des nouvelles meilleures pratiques, mais c’est du boulot, et ça nécessite aussi de nouvelles personnes. Je crois que le commercial de demain sera sensiblement différent du commercial d’hier, on va aller de plus en plus, et on le voit de plus en plus, des analytiques, introvertis même c’est ma catégorie préférée, des gens à qui personne n’a jamais dit qu’ils deviendraient commerciaux.  Tu sais, il y a deux catégories, les gens à qui ont dit depuis qu’ils ont 8 ans, toi tu as la tchatche, tu seras commercial, le drame ! ben oui mais c’est ça le gros des troupes, quand on a créé cet ancrage, toute ta vie on t’a dit que tu serais commercial, à 18 ans c’est très compliqué de savoir ce qu’on veut faire, donc quand tu as 50 personnes qui t’ont dit, toi tu seras un commercial, ben tu t’orientes vers ce métier-là. et quand tu étais plutôt timide,  introverti, mais très intelligent, personne ne t’a jamais parlé de ce métier, voire quand tu en parles, des gens vont te dire, attention, ce n’est pas un métier fait pour toi, avec cette image d’Épinal du commercial qui a la tchatche, etc.

 

le Jean Claude Convenant
Oui, mais JC Convenant, c’est vraiment la version qui est un peu triste, mais même un JC Convenant ++ qui ne serait pas un gros bourrin mais qui serait quand même dans cette attitude très exubérante, extravertie, avec cet excès de confiance. Et le pire c’est que pendant 30 40 ans on n’a recruté que ça. j’ai été recruteur moi-même,  donc je me souviens très bien des profils que je recrutais, et on cherchait des gens ultra confiants qui n’avaient pas peur, et qui étaient très résistants à l’échec et à une forme de « douleur »

 

C’est un métier qui est très difficile, du coup il faut une vraie résistance à l’échec, il n’y a pas beaucoup de métiers où tu pars balle neuve tous les semaines tous les quarters ou tous les ans. J’avais une blague que je faisais quand j’étais sur ces métiers-là, tu as de bonnes semaines et de mauvais mois, donc c’est ta capacité à capitaliser sur tes temps forts. Maintenant, et je pense qu’on sera d’accord, quel que soit le vocabulaire c’est qu’aujourd’hui, ceux qui performent le plus, ce n’est pas tant cette capacité à être beau parleur, c’est plus cette capacité à savoir écouter ton partenaire dans le processus, que de parler
Oui bien sûr, savoir écouter, même si c’est  un tout petit peu une image d’Épinal, il n’y a vraiment pas que l’écoute, et d’ailleurs, qui dit écoute dit question, et quand on pose trop de questions, notamment à des ?? levels,  ça nuit terriblement à la relation. Demain tu rencontres le PDG d’Axa, il n’a pas envie que tu le bombardes de questions pendant une heure, et que tu l’écoutes attentivement. J’adore, chez Euridis, je te parlais d’approche scientifique, on aime beaucoup les approches méthodologiques, et on a validé quelques-unes comme the challenger sale, comme MEDDIC, ou SPIN que tu évoquais, et je pense que c’est ça la qualité première. Je discute avec des Head of sales ou des VP Europ, de compagnie SAS  qui sont ultra performantes, et c’est toujours le même sujet. C’est un, une personnalité, d’abord, mais qui ne soit pas la personnalité exubérante dont on parlait, ils veulent des gens sains, et ça, c’est un nouveau critère, objectivement, qu’on ne mettait pas dans les listes il y a encore 10 15 ans, je ne rencontrais aucun manager qui me disait, je veux une équipe saine. Ça commence à devenir un vrai sujet. Et la capacité à exécuter de la méthode, du processus, que ce soit MEDDIC, challenger, spin, d’ailleurs, toutes les méthodes s’imbriquent, il n’y a pas une seule méthode qui permet d’être totalement pertinent sur l’ensemble du cycle, mais je pense que c’est ça la nouvelle génération de commerciaux qu’on va voir arriver, qui vont être des gens qui vont être beaucoup plus pointus et beaucoup plus en capacité d’aider. Et ça rejoint encore une fois ma vision de tout à l’heure qui est de devenir le médecin du business, et pour l’être, on imagine bien que la tchatche,  ça ne va pas servir à grand-chose, et que si on arrive à avoir cette approche médecin du business, les fameux trois why dont on parlait, on arrive à une situation où la négociation est quasi tout le temps une négo entre personnes de bonne compagnie qui ont envie d’y arriver, et ça change énormément la donne.

 

C’est important ce que tu dis, parce que les gens, la seule personne qui peut me donner ce que je veux si je négocie avec toi, ça reste toi, est-ce que tu penses que tu me donneras ce que je veux si je te traite avec bienveillance, respect et entre personnes de bonne compagnie, ou si je te mets des ultimatums, des Compelling Events qui sont faux,  si je te mets la pression, si j’ai une asymétrie d’informations, tu seras sur la défensive. Et donc je pense qu’il faut être bienveillant, humble et à l’écoute de son interlocuteur, pas par éthique, ce n’est pas l’éthique qui doit nous dicter,  c’est juste que c’est  la meilleure manière d’obtenir ce que l’on veut, et même totalement ce que l’on veut. Et ce que tu dis, ça fait sens, c’est qu’avoir des personnes sur qui on puisse compter, c’est important
Ce que tu dis fait écho chez moi, il y a une phrase d’un manager de chez Xerox qui nous répétait, il faut être altruiste  par égoïsme

 

c’est ce qu’on appelle l’égoïsme cognitif
Exactement, et effectivement, soit on a des gens qui ont envie d’aller vers ça, vraiment du côté altruisme et ça peut être la clé de la motivation, mais même une personne très, très orientée sur elle-même, on peut l’amener à ça en lui expliquant que ça sera la meilleure manière d’y arriver pour elle

 

oui dans le business,  si tu es sur une notion de vision à long terme, parce que tu ne peux plus faire de one shot sur nos industries, c’est exactement ça
J’ai envie de revenir sur ce sujet de négo en B2B, sur ton expertise, qui est vente négociation, quelles sont les clés, les évolutions aujourd’hui, qu’est-ce qu’on peut utiliser dans cette phase de négociation en B2B qui fonctionne le mieux en termes de  facteurs clé de succès, que tu pourrais nous donner ?
Déjà, malheureusement pas de choses nouvelles, j’ai envie de dire, je n’ai pas vu de nouveaux systèmes qui auraient révolutionné le sujet, ces 10 15 20 dernières années, si ce n’est l’accès à l’information. En fait,  pour moi, une négociation qui fonctionne, c’est une négociation qui est à l’intérieur d’une trajectoire globale, avec une très forte création de valeur, et même comme tu le disais, une cocréation de valeur, mais au-delà de ça,  la préparation à la négociation.

 

comme pour la vente ?
Oui mais la vente, quand tu maitrises certains frameworks comme SPIN ou comme value selling, ou comme challenger sale, j’ai presque envie de dire que tu peux être moins en préparation, puisque tu vas pouvoir obtenir beaucoup de matières premières lors du rendez-vous. En négociation, il faut venir avec sa matière première, donc la préparation prend pour moi une dimension encore plus importante, avec un, une notion de calcul, comme je le disais, pour moi une des clés d’une bonne négo, c’est d’être en capacité de trouver une zone commune d’agreement qui vraiment fonctionne, et pour ça, d’être créatif dans, ce que je peux te demander si ce que je voulais initialement n’est pas possible. On parlait, en vente, il y a un truc qui m’obsède presque de temps en temps, qu’est-ce qu’on peut répondre d’autre que par rapport à quoi quand on nous dit qu’on est trop cher, et je vois plein de gens inventer des choses, mais quand on creuse un peu, ça ne fonctionne que moyennement. Quand quelqu’un nous dit qu’on est trop cher, il n’y a pas 50 000 sujets, soit on a de la compétition en face de nous,  soit on a un budget, soit on a mal vendu la valeur,  et la personne trouve que, dans sa perception en tout cas, ça ne devrait pas valoir ce prix-là. Quand on a une problématique de budget qui n’est pas modifiable, ça ne sert à rien de marchander, on ne va pas changer la situation. Il y a un dicton que j’aime beaucoup qui consiste à dire qu’il faut mettre toute son énergie sur ce qu’on peut changer, et avoir la capacité rapide d’accepter ce qu’on ne peut pas changer, sinon on perd du temps, on perd de l’influe, on perd de l’énergie et on perd aussi l’attention de notre interlocuteur. Quand un vendeur essaie de t’expliquer 10 fois que ça vaut 900 000, quand tu n’as que 700 000,rapidement tu n’es plus dedans, parce que tu te dis qu’il n’a pas compris que j’ai une forte contrainte ; par contre à ce moment-là, avoir la capacité d’être ultra créatif, et donc d’avoir quelqu’un de collaboratif en face de nous et c’est encore une fois le postulat de départ, quelqu’un qui a envie qu’on réussisse, là on va pouvoir préparer au mieux, en amont, toute une liste de sujets qu’on va pouvoir tester avec notre interlocuteur. On ne se rend pas compte, mais par exemple, et c’est un sujet que les commerciaux aiment assez peu aborder, la notion de conditions de paiement, la notion de flux de trésorerie, qui est un sujet souvent fondamental pour leur entreprise, mais comme il n’est que très peu inclus dans le variable des commerciaux, c’est un sujet que les commerciaux délaissent, c’est souvent spectaculaire comment ça ne les concerne pas, alors qu’on peut trouver ici des gens qui n’ont pas le budget, mais qui ont une très grosse trésorerie, qui ont du cash, et donc à qui on peut demander une structure de paiement complètement différente. Et ça,  je pense que c’est le tip numéro 1 à donner à un jeune commercial ou même à un commercial aguerri, c’est, est-ce que tu t’es posé réellement toutes les questions de tout ce qui est modifiable et qui pourrait compenser le fait que tu ne puisses pas vendre à 900 000 ? Et ça je pense que c’est ce qui est le moins bien traité  chez les commerciaux, on essaie toujours soit de  marchander, soit d’obtenir, la contrepartie la moins pertinente pour moi, même si je comprends le besoin de la bourse et du quarter, qui est de dire, OK je baisse mon prix de 300 000 euros, mais vous signez tout de suite.  Là on sent bien qu’en termes d’échange de valeurs, on est tombé un tout petit peu au fond de la cuvette.

 

Le problème c’est que tu éduques aussi ton partenaire à faire la même chose dans 3 mois, 6 mois un an si tu dois resigner un deal
Mais demande à tous les acheteurs de l’I.T qui achètent des bases de données, pour ne pas citer l’éditeur concerné, mais tout le monde sait les quarters et la fin ( ?) fiscale, tout le monde

sait qu’il y a une grande entreprise américaine à qui il faut acheter impérativement la dernière semaine d’avril, parce que début mai c’est la fin fiscale, et tout le monde le sait. C’est ce que je disais par rapport à Sandler, où on rentre dans un jeu finalement, et un jeu qui n’est sain pour personne, pas pour les clients parce qu’on fait du cinéma,  et ce n’est pas comme ça que les gens ont envie d’acheter, en vrai ce que je préfère c’est quand me donne tout de suite le vrai bon prix.

 

si ton interlocuteur te dit, c’est trop cher, ce que tu préconises en réflexe c’est de voir tous les sujets qui peuvent être connexes au prix sans rentrer dans le débat du prix ?
Non c’est d’abord de comprendre, par rapport à quoi je suis trop cher, parce qu’il y a trois situations extrêmement différentes qui nécessitent des traitements extrêmement différents et répondre tout de suite du tac au tac sur le, c’est trop cher, c’est… par exemple, je le sais puisque je suis coupable, on éduque nos commerciaux à beaucoup parler de ROI, de TCO, de démontrer la valeur financière de  l’opération, et malheureusement, c’est souvent le premier réflexe. Je te dis que tu es trop cher, et toi tu m’expliques que oui, mais ça va vous faire gagner 1,5 million sur les trois ans. OK mais si je n’ai pas de budget, je n’ai pas de budget, et si j’ai un compétiteur, on va prendre un cas extrêmement simple qui parle beaucoup aux gens qui écoutent les podcasts de négociation et de vente, qui est le cas du CRM, tout le monde connait sales forces, Microsoft Dynamics,  tout le monde connait Oracle, les trois font de très bons CRM. Donc si tu as basé toute ton approche commerciale sur les bienfaits d’un CRM, le fait de pouvoir piloter, anticiper, etc., et que ton client a une offre 20% moins chère, ton ROI en vrai, c’est le ROI du CRM de manière générique, donc ton ROI est valable pour sales forces et pour Dynamics. Donc l’idée de bien comprendre, parce que c’est l’objection tarifaire qui tétanise le plus les commerciaux, et c’est ça qu’on rencontre le plus souvent et qui a l’air de poser le plus problème, et moi j’enjoins vraiment tous les commerciaux à , avant de démarrer, de lancer l’artillerie lourde,  venez, on se pose une vraie question. Est-ce que j’ai en face de moi quelqu’un qui veut m’acheter ou quelqu’un qui veut me négocier ? Est-ce que je suis dans une posture d’acheteur parce que le mec réfute toute idée de valeur particulière de mon offre, avec la fameuse notion d’USP, Unique Selling Proposition, est-ce que j’ai su mettre en avant un élément différenciant, est-ce que j’ai fait un proof of value et non pas un proof of concept, de ma solution par rapport à d’autres solutions ? Une fois que j’ai déterminé que j’ai quelqu’un qui veut m’acheter, mais qui me  dit que je suis trop cher, je dois impérativement savoir s’il a une problématique budgétaire, s’il a une problématique de concurrence, on lui a demandé d’avoir trois offres et il en a deux moins chères que la mienne, ou est-ce que tout simplement il n’a pas compris la valeur, c’est-à-dire que dans toute ma démonstration, lui y voit un logiciel, et quand je lui annonce que ça coute 2 millions d’euros par an,  pour lui le chiffre est complètement hors propos. Et chacune de ces trois situations nécessite un traitement totalement différent. Si la personne n’a pas de budget, ça ne sert à rien de partir dans la valeur ajoutée, ce n’est pas le débat, il a 700 000, on veut vendre 900 000, donc là il va falloir être créatif. Est-ce que ma solution peut se splitter, est-ce que je peux enlever des morceaux de ma solution ? Est-ce que je peux choisir un périmètre…

 

étaler les paiements
Étaler les paiements, trouver des solutions de financement,  choisir un périmètre un peu plus restreint pour en faire un gros proof of value,  on va démontrer à l’ensemble de l’organisation que ce qu’on fait est très pertinent chez eux, sur un périmètre conscrit pour pouvoir faire le big deal l’année d’après.

Si c’est un problème de budget, est-ce qu’il est mouvant ou fixe ? j’ai déjà vu des situations où la personne qui te dit qu’elle n’a pas le budget est en vérité la personne qui décide du budget, donc c’est drôle ! si tu ne commences pas par essayer de comprendre la nature et la structure du budget, tu peux te retrouver à faire des étapes de négociation alors qu’il suffisait de refaire une étape de vente pour aller chercher le bon budget

 

ce n’est pas une petite erreur d’un sales, de ne pas avoir quantifié une enveloppe plus tôt dans le process, que d’annoncer tardivement un prix qui est surprenant, légitimement, quelqu’un qui découvre que c’est totalement hors scope et qui dit, je n’ai pas le budget ?
Tu as parfaitement raison et ça dépend complètement de la nature du cycle de vente. Il y a des cycles de vente plutôt rapides, où en gros, on fait ce qu’on appelle le Discovery call, on va faire l’entretien de découverte, très rapidement on bascule sur de la démo, et assez rapidement on présente notre offre. Et là il n’y a pas toujours eu cette phase d’éducation au prix qu’on va pouvoir amener, parce qu’on est basé, et surtout l’autre problème, c’est que le commercial est parfois aveuglé par son ROI

 

parce qu’on est sur des cycles de vente qui sont très courts
Oui, et que le ROI peut être très bon. Par exemple, je sais que je vais te vendre quelque chose à 150 000 euros, mais je sais qu’il va t’en faire gagner 80 ou 100 000, donc je ne suis pas inquiet sur mon prix, j’oublie juste qu’il y a une réalité qui est la disponibilité financière, la trésorerie. Est-ce que la personne en face de moi est en capacité de.

Et il y a aussi un autre sujet qui intervient plus en vente complexe, c’est que tu as fait, on  a l’habitude chez Euridis de dire que la proposition commerciale doit être un phénomène itératif, c’est à dire quelque chose  que tu as travaillé avec ton client avec des allers et retours, mais la réalité et ça, je crois que ça s’est avéré quasiment à chaque fois que j’ai fait des soutenances, c’est qu’il y a très souvent des gens que tu n’as pas vus dans ton cycle, qui sont présents à la soutenance.

 

et qui ont d’autres intérêts,  qui peut être le métier, le sponsor, le juridique, l’avant-vente et qui vont chacun prêcher pour leur paroisse
Et tu ne sais pas quel est leur niveau de préparation sur le dossier. Donc le mec surpris un peu parle tarif, ça arrive malheureusement plus souvent qu’on ne l’imagine

 

Est-ce que tu aurais autre chose, un autre tip, une autre clé de négociation en dehors de cette préparation que tu retrouves régulièrement en B2B ?
Oui, c’est , je te disais qu’inconsciemment j’aimerais qu’on me donne tout de  suite le bon prix, mais un tip qui est super important à avoir en tête en vente, c’est que l’être humain n’est pas fait pour fonctionner comme ça, et que la règle numéro 1, qui est vue dans l’ouvrage de Philippe Korda, c’est d’avoir une ambition initiale plus élevée que ton objectif réel. En gros, ne pas se mettre une petite, nos anciens appelaient ça une poire pour la soif, avoir ce petit bout de gras qu’on pouvait négocier, en se disant, si je veux vendre à 100 000, on va démarrer à 110 000, histoire de se laisser une petite marge de négo, et malheureusement quand on veut trop bien faire les choses, et qu’on arrive avec le juste prix, qui a vraiment été étudié pour être le meilleur prix possible pour le client, on génère une frustration complètement délirante

 

je suis entièrement d’accord, mais c’est lié au cerveau
Là on est dans les neurosciences, on adore les neurosciences chez Euridis, donc on travaille beaucoup là-dessus. En négociation on parle beaucoup des profils psychologiques de nos interlocuteurs, et il y a une réalité, c’est que la personne souvent qui nous achète, est mandatée pour ça,  elle est parfois même payée pour ça

 

C’est ce qu’on appelle en négo ce principe de résistance, qui est de dire que le cerveau n’apprécie que ce qui est compliqué pour lui à obtenir. Plus c’est simple et plus ça peut générer de la frustration. J’ai accompagné une entreprise du CAC où on forme les hauts potentiels, et un des collaborateurs qui a 45 ans, qui trade sur de la matière première en Suisse me raconte sa première négociation de salaire, c’était il y a 20 ans, quelque chose comme ça. Il me dit, ça fait quelques années que je suis sur mon desk, il y a eu un turnover, et sur un hasard de vie, je suis le plus senior, donc je me dis, je vais négocier mon salaire. Il va voir son patron, c’est des gros, gros salaires, et il lui demande une augmentation qui est pour le commun des mortels plus qu’importante, et son patron lui dit, OK, quoi d’autre ? et en fait, il me dit, c’était il y a 20 ans je n’ai jamais été autant humilié de toute ma vie, alors que mon patron m’a donné ce que j’ai voulu. C’est vraiment ça qui est intéressant, de comprendre que même si son patron, sur une excellente intention peut-être lui a donné plus que ce qui était prévu, mais il valorise tellement son interlocuteur, son collaborateur, qu’il dit, je vais faire l’effort, il n’y a pas eu ce principe de résistance, il n’y a pas eu cette difficulté que tu retrouves,  qu’est-ce qui fait que les gens apprécient de faire HEC c’est  parce qu’il y a 300 personnes, aujourd’hui certains peuvent acheter des formations sur des parcours beaucoup plus seniors, ce qui dévalorise d’une certaine manière la marque. La fonction première du bizutage à l’époque c’était, dans la dureté, dans l’effort qu’on va souder ce collectif, c’est ce principe encore de résistance, mais s’il n’y a pas ça, le cerveau a du mal à l’apprécier
Je suis très vigilant sur ces biais cognitifs, cérébraux. Il ne faut pas oublier que notre matière première de notre quotidien, c’est l’être humain, avec toute sa complexité,  et tous ces mécanismes cérébraux incroyables. Il y a ce biais de complexité que tu viens d’évoquer, et aussi ce biais, de, je rentre en négociation, je dois donc gagner quelque chose. Et encore une fois, il faut bien imaginer qu’on doit aider, je disais que notre job c’est d’aider l’autre à acheter, c’est aider l’autre à acheter, sur le moment, quand on est lui et nous autour d’une table avec un contrat à signer, mais il faut aussi prévoir la suite, socialement, comment cette personne va justifier de son achat ? Et si on ne traite pas ce point-là, c’est extrêmement… ça peut mettre en vrac des négociations qui auraient pu bien se passer, juste parce qu’on n’a pas prévu le petit package de, quelle est la belle histoire que tu vas pouvoir raconter.

 

 

 

j’ai eu l’honneur de partager avec William Ury, il y a un mois et demi deux mois, qui me disait qu’aujourd’hui un vrai succès en négociation,  c’était, non pas l’accord entre les parties prenantes, c’était cette capacité à expliquer le succès aux entourages des parties prenantes. C’est exactement ce que tu viens de dire, et je trouvais que Ury faisait preuve d’une modernité assez incroyable là-dessus
On ne se rend même pas compte, j’ai été moi-même victime de ce biais-là, alors que je connais le biais, c’est fou ! c’est dire à quel point il est puissant. Je voulais acheter une cuisine il y a quelques années, et je suis tombé sur une marque de cuisiniste un peu particulière, je fais le devis, on prend tous les métriques, et il me dit, la cuisine va couter 25 000 euros, et je sais, j’ai un petit passif dans la négociation, c’est un peu mon métier depuis un paquet d’années, je dois ressortir de toute cette histoire avec, Ah Sylvain tu es trop fort en négo, tu les as bien eus.  Donc le mec je lui dis OK 25000, c’est quoi votre vrai prix ? Et le mec me regarde, me montre un écriteau accroché au mur,  qui annonçait la couleur en disant,  chez nous on ne fait pas les prix à la tête du client, tous nos prix sont étudiés au plus juste, ce sont les vrais prix, et il n’y a pas de négo. Je suis parti, il était strictement inenvisageable pour moi,  en tant que commercial, en tant que formateur en vente, de repartir avec une cuisine non négociée

 

si ça se trouve, c’était le bon prix à 25

Mais pour de vrai, derrière j’ai acheté une cuisine au même prix, ce n’était pas du tout le prix le problème, c’est juste qu’il m’était rigoureusement impossible de rentrer à la maison et d’expliquer à ma femme que j’avais acheté une cuisine au prix où on me l’avait proposée. Ce n’était techniquement pas jouable.

Donc s’il y a bien des tips à retenir pour la négo pour des commerciaux, c’est, un,  de la préparation, et deux, de la considération pour la personne qui est en face de nous, qui n’est pas que dans son rôle d’acheteur, mais qui va devoir vivre avec cet achat

Et un dernier point, super important pour les vendeurs, c’est que je crois qu’intuitivement, tous les commerciaux ont l’impression que c’est plus facile d’acheter que de vendre, je ne connais quasiment aucun commercial qui ne m’ait pas dit, les acheteurs ont la belle vie,  acheteur c’est cool !

 

et je peux t’assurer, pour former les deux côtés du miroir, sur un deal ça m’est arrivé de former à trois mois d’écart les deux équipes sur un malentendu, c’est que les acheteurs pensent exactement la même chose, que c’est plus simple d’être commercial
Évidemment, et ma réalité, c’est que c’est plus complexe et plus engageant d’acheter que de vendre. Imaginons que je loupe un deal, je suis chez un éditeur, on parlait de CRM, je vends n’importe quelle grosse solution à une entreprise , je loupe un deal. Bon, la conséquence on la connait, je vais très certainement foirer mon quarter, ça ne va pas être un grand moment de vie pour moi. Avec un peu de chance, il y a un phénomène dans le business qu’on appelle le swapping, c’est-à-dire que j’ai une autre affaire qui prend la place d’une affaire que j’étais censé signer, un truc tombé de nulle part, au pire j’ai loupé un trimestre, et j’ai perdu une com. Un acheteur qui se trompe dans une solution, qui va l’installer sur 5000 utilisateurs, quand ça ne marche pas, je crois qu’il n’y a que les acheteurs qui savent à quel point c’est une situation de vie terrible, et d’ailleurs on a même vu des acheteurs avoir leur carrière mise à mal à cause d’un achat qui s’est mal passé.

Donc avoir cette considération pour à la fois les mécanismes humains qui vont autour, pour l’enjeu qu’il y a pour la personne qui est en face de nous, et avoir quand même cette saine attitude. Si on est dans cette vision très saine de vouloir apporter une vraie solution, d’être vraiment le médecin du business, on se rend compte que les négos sont toujours, toujours, presque bon enfant. Je n’ai presque pas de souvenir, si, il y a très longtemps, quand j’étais jeune vendeur de copieurs, mais je n’ai pas souvenir de négociation désagréable, avec des gens qui soient vraiment dans l’antagonisme avec moi,  je n’ai pas ce souvenir-là. Pour moi la négo ça suit une relation de qualité

 

c’est la conséquence de tout ton travail que tu as bien fait en amont
C’est ça, et quand les gens ont acheté déjà le projet, avant qu’on rentre en phase de négo, on se rend compte que tout ça se passe plutôt bien, et que si on a face à nous des gens qui jouent un autre jeu, et ça arrive souvent, les entreprises font ce jeu-là d’avoir un service achat qui soit extrêmement décorrélé des métiers. En gros, le service achat demande à la direction marketing de sélectionner trois solutions en fonction de leurs critères métiers, mais d’en sélectionner trois, et il refuse que le métier leur donne ne serait-ce qu’une hiérarchie,  en disant, est-ce que ces trois solutions fonctionnent par rapport à votre besoin.  Si le métier dit oui, et que tu as en face de toi des acheteurs qui jouent aux acheteurs, et que tu n’as pas créé de relations avec le service achat, que tu n’as pas fait tout ton travail aussi avec leurs enjeux à eux en tant qu’acheteurs, là, honnêtement je ne connais aucune tactique de négo qui t’aide à te sortir de ce pétrin.

 

on voit que c’est vraiment la relation qui prévaut, aussi bien dans la vente que dans la négociation
Ben oui, de manière très claire

 

 

 

parce qu’on a avant tout des personnes émotionnelles et je retiendrai de ce podcast, pourquoi c’est aussi important de considérer son partenaire dans la négociation, considérer la fonction achat, considérer l’enjeu, et j’aimais bien cette notion d’être altruiste par égoïsme, qui était une phrase légèrement différente pour le dire là-dessus
Pour finir, toujours la même question, si le Sylvain d’aujourd’hui rencontrait le Sylvain d’il y a 20 ans, quel conseil lui donnerais-tu ?
De rester soi-même, de ne pas être tenté par des modèles qui ne sont pas les nôtres. Je crois que quand on a une petite vingtaine d’années, on a tendance à vouloir un petit peu trop se dénaturer pour suivre des modèles qui nous paraissent performants, pertinents, et au final je crois qu’on ne peut devenir la meilleure version de soi-même qu’en étant extrêmement connecté avec qui on est. Moi, le Sylvain de 8 ans, le Sylvain de 17 ans, et le Sylvain de 46 ans se ressemblent beaucoup.

 

on ne peut être la meilleure version de soi même qu’en étant soi-même
Voilà

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