Comment vendre ou pitcher une idée quand on est entrepreneur ? Laodis Menard

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere et je suis négociateur professionnel. Mon métier est de former, accompagner et assister des entreprises et organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner des clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’accueillir sur le podcast Pourparler Laodis Menard. Bonjour Laodis !

 Salut Julien.

Comment est-ce que tu vas ?

Ça va très bien et toi ?

En pleine forme ! Est-ce que tu peux te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas encore Laodis s’il te plait ?

Absolument. Je m’appelle Laodis, ça fait une dizaine d’années que je suis dans l’écosystème entrepreneurial. J’ai commencé par bosser dans une start-up qui s’appelle Teads, qui a fait une très belle croissance, c’est une des plus belles pépites françaises, à la suite de quoi j’ai entrepris de mon côté, levé des fonds plusieurs fois, bossé aussi avec des business angels, des gens du côté investissement, ce qui a été très utile pour comprendre un petit peu comment ça marchait et comment on était jugé en tant qu’entrepreneur. Ensuite, ces deux dernière années, j’ai bossé dans un start-up studio dont l’objet de créer des start-ups, d’aider des entrepreneurs à les créer, période pendant laquelle on a créé 3 boîtes, et pendant toute cette période, j’ai coaché, aidé des entrepreneurs à lever des fonds. Il y a 3 jours, j’en ai justement une que j’ai coachée cet été qui a fait une très belle levée, une très belle série hack. Et plus récemment, j’ai créé une master class pour aider les entrepreneurs à lever des fonds, mais qui porte plus sur comment pitcher son idée, présenter son idée et se vendre aux investisseurs.

Parfait ! Ça va être vraiment intéressant. C’est quelque chose que l’on retrouve très régulièrement dans le processus de négociation, c’est-à-dire qu’avant de réclamer de la valeur comme les gens peuvent l’entendre assez facilement, il y a toute une phase de création de la valeur, toute une phase où on va créer du désir et de l’attention, qui passe notamment par une phase de pitch, et si je t’ai invité aujourd’hui, c’est vraiment pour parler de ça parce que c’est un sujet que tu maitrises bien et dans un écosystème qui est assez particulier, avec des investisseurs, donc ce sera intéressant d’échanger là-dessus. Je te propose qu’on rentre dans le cœur du sujet qui est cette notion de pitch. Déjà, est-ce que tu peux nous rappeler ce qu’est le concept du pitch pour les gens qui ne savent pas forcément de quoi il s’agit : pitch, pitcher les acteurs ?  

Bien sûr. Déjà, le pitch et le pitch deck, c’est un peu la même chose. Le pitch deck est le support d’un pitch et le pitch est la présentation, mais souvent, ce que les gens oublient et c’est l’une des remarques que je fais le plus souvent aux entrepreneurs que je coache, et le premier axe sur lequel on bosse : à quoi ça sert. La plupart des gens ne comprennent pas que ça a vocation à être un teaser, à donner envie à quelqu’un d’aller plus loin et de mieux comprendre, et le but est de raconter une histoire. Ce n’est pas de tout dévoiler, de donner un maximum de bullshit, des termes techniques, des choses comme ça, le but est vraiment de donner envie de manière très rapide à quelqu’un de s’intéresser à ce qu’on fait et surtout à qui on est. Comme tu le dis souvent et tes invités sans doute aussi, ce qui fait 90% de l’effort de convaincre quelqu’un, c’est de faire appel à la partie émotionnelle de son cerveau et de lui faire partager une histoire, des valeurs, des choses comme ça. Donc il y a la partie très rationnelle, ce qu’on est, la boîte qu’on crée, ce qu’on va chercher et il y aussi une partie très humaine que l’on doit aller chercher. On doit créer ce lien avec l’investisseur ou la personne à qui on pitche. Donc le pitch, c’est un teaser simple, efficace et impactant sur les raisons de créer notre boîte, ce qu’elle va apporter au monde et à la personne que l’on essaie de convaincre.

D’accord. Ce que tu dis, pour que les gens comprennent, c’est que ce n’est pas forcément une liste de data qui pourrait toucher de façon très rationnelle une partie analytique, mais paradoxalement, c’est tout ce que l’on va mettre en place qui va faire vivre une émotion et qui est peu rationnel pour son interlocuteur ?

 Exactement. La data pour le coup c’est hyper important ! Ce n’est pas quelque chose qu’il faut négliger, mais c’est choisir quelle data, quels chiffres on va donner et qui vont dans le sens de notre histoire. Ça fait partie de l’exercice et vraiment, on ne peut pas passer à côté, sinon on risque de passer pour un robot. L’une des choses les plus importantes que l’on me demande, c’est : comment je peux sortir du lot quand je pitche des investisseurs, et paradoxalement, ces mêmes personnes qui me demandent comment faire sont des personnes qui ont suivi des templates sur la manière de faire un pitch deck, les 10 slides qu’il faut mettre à la suite, etc. Et ils n’arrivent pas à comprendre la contradiction entre suivre un template sur la façon de faire un pitch deck ou un pitch et sortir du lot, être unique et se démarquer.

D’accord. C’est intéressant ce que tu dis. Si j’entends ta réponse, c’est déjà que l’on ne sort pas du lot de prime abord par rapport à son expertise métier ou sa technique ?

Ça peut être une des manières par lesquelles on sort du lot. Le problème c’est que l’on fait reposer notre pitch entier sur cet aspect-là. Il y a 1000 aspects par lesquels on sort du lot, on ne s’en rend pas compte et en plus, on peut pitcher en tant qu’une seule personne, mais souvent quand on fait une start-up, on a des associés, on a une histoire commune, on a des valeurs communes. Tout ça, il faut le transmettre, c’est indispensable ! Il faut être franc, il faut vraiment transmettre tout l’écosystème autour de notre boite.

C’est intéressant. C’est-à-dire que ces signaux faibles que sont les raisons de s’être mis ensemble, notre vision, on pourrait se dire que ce n’est pas important parce que ce n’est pas forcément ça qui va apporter de la valeur à notre client, mais ça participe à la création de cette histoire, à cette légende que l’on va mettre en place sur le pitch.

Absolument ! D’ailleurs, il y a une citation que j’aime beaucoup à ce propos, je crois que ça vient de Naval Ravikant, que j’invite tout le monde à découvrir s’ils ne le connaissent pas. C’est quelqu’un de très connu dans le monde entrepreneurial, qui dit en fait que les boites ou les start-ups se plantent le plus souvent parce qu’elles ont épuisé l’énergie de leur fondateur plutôt que parce qu’elles manquent d’argent, et ça, c’est un élément qui va vraiment dans ce sens. C’est-à-dire qu’un investisseur aujourd’hui, quand il veut investir dans une boite ou quand il veut se faire convaincre, la chose la plus importante qu’il a en tête c’est comment il s’assure que cet entrepreneur ne va pas abandonner au bout de 6 mois, 1 ou 2 ans, et ça, ça n’a rien à voir avec la rationalité de la boite, ce sont souvent des choses irrationnelles. D’ailleurs, on dit souvent que pour monter une boite, il faut être un peu fou, optimiste à l’excès. Les investisseurs font chercher quelqu’un ou une équipe qui va continuer à avancer en dépit de circonstances imprévues et difficiles, et ça, c’est quelque chose de très émotionnel plus que de matériel et rationnel.

Je suis assez d’accord. Pour avoir créé cette entreprise, mais aussi pour en avoir créé d’autres avant, ça demande beaucoup d’énergie. J’ai l’habitude de dire qu’au début, il y a de bonnes semaines et de mauvais mois. Ça demande une énergie considérable que d’essayer d’évangéliser une idée, de la partager et de faire adhérer des gens, donc ça a beaucoup de sens. Dans ce cas-là, sur cette partie de pitch, tu me disais qu’il y a des gens qui avaient des templates de 10 slides, est-ce qu’il y a des méthodologies ? De mémoire, tu as créé une trame sur la façon de pitcher, est-ce qu’il y a des choses à faire ou à ne pas faire ? Peut-être que l’on peut commencer par ce qu’il ne faut pas faire, c’est toujours un peu plus simple à comprendre pour le cerveau. Quel est le top 2 ou le top 3 des erreurs à ne pas commettre quand on veut pitcher une idée, que ce soit pour une levée de fonds, une création d’entreprise ou même à projet dans une entreprise dont on veut parler à son boss ?  

Ce que j’ai vu passer et qui m’a beaucoup frustré quand j’ai bossé avec des investisseurs, c’est vraiment quelque chose que l’on réalise quand on reçoit 10-15-20 pitch deck par jour et je pense que c’est un peu similaire à un travail de recruteur qui reçoit 50 CV par jour, parce qu’on a très peu de temps, c’était de voir du bullshit, du jargon. J’ai écrit un article d’ailleurs là-dessus. Répéter blockchain, intelligence artificielle, etc., ne va pas te rendre hyper sexy, à moins que ce soit vraiment ton cœur de métier, mais c’est le cœur de métier de 1% ou 2% des start-ups peut-être, dans 95% des autres cas, quand quelqu’un utilise beaucoup de jargon ou de termes techniques, en tant qu’investisseur ou quand je bossais dans l’investissement, j’avais plus l’impression qu’on essayait de me feinter ou de trouver un moyen détourné pour me vendre quelque chose plutôt que d’être honnête. Le premier truc, c’est donc d’éviter absolument le bullshit, d’utiliser des termes que tout le monde peut comprendre. Il faut qu’on puisse pitcher son idée à un enfant de 8 ans et qu’il la comprenne. C’est Einstein qui disait ça : on ne comprend pas un concept si on est incapable de l’expliquer à un enfant de 8 ans.

C’est intéressant pour le cerveau, parce que d’un point de vue archaïque, mais tu le sais mieux que moi, cette partie reptilienne a peur de l’inconnu, elle a tendance à vouloir nous protéger, elle est liée à notre survie et généralement quand on a un pitch ou un discours qui est trop complexe, le cerveau le voit comme une menace et va s’en dévoyer. Donc le fait d’utiliser quelque chose qui soit accessible au plus grand nombre participe à passer cette barrière du reptilien pour accéder dans un second temps au cerveau limbique, qui est la partie plutôt émotionnelle qui va aider à prendre la décision.

 Oui et puis sans vouloir être le mec qui sort des études, il y a une étude qui a démontré notamment que les chercheurs qui utilisaient le plus de jargon étaient ceux qui manquaient le plus de confiance en eux. Les gens qui avaient déjà démontré plein de choses n’avaient aucun problème à utiliser des mots très simples pour expliquer des concepts complexes, alors que ceux qui avaient le plus de choses à prouver étaient souvent ceux qui utilisaient les termes les plus complexes et les plus difficiles à lire.

C’est assez vrai. Pour avoir fait pas mal de rendez-vous dans des entreprises du CAC 40, j’ai parfois l’impression que quand tu fais des rendez-vous avec du middle management, tu as beaucoup de franglais, beaucoup de discours extrêmement barbares à comprendre avec un jargon très compliqué, et quand tu fais des rendez-vous avec des gens qui n’ont pas besoin de se justifier, qui occupent des postes à responsabilités, la conversation a l’air tellement plus simple, elle est fluide en fait. C’est intéressant ce que tu viens de dire, top !

Souvent, quand tu parles à des gens très juniors, tu te rends compte qu’ils ont quelque chose à compenser. Ils ne vont pas oser poser des questions, ils vont aller très loin. Tu peux jouer à ce jeu, c’est un pari. Le problème, c’est que la plupart des investisseurs sont des gens assez malins et si tu commences à t’embourber dans des sujets d’intelligence artificielle notamment, des choses comme ça, et que tu as en face quelqu’un qui est calé, tu vas passer un mauvais moment et en général, ça te vaccine.

Donc la première erreur à ne pas faire, c’est d’utiliser un jargon que l’on ne s’est pas approprié, qui est compliqué pour compenser un manque de confiance ou de légitimité sur son sujet, c’est ça ?

Oui, absolument.

Une deuxième erreur ?

Ça va aussi dans le sens de la méthode, mais la deuxième erreur est de ne pas comprendre la personne à qui tu pitches ou à qui tu racontes ton idée. C’est pareil dans toutes les situations et je pense que ça l’est dans la négociation. Si tu ne comprends pas les enjeux de la personne en face de toi, tu ne vas même pas savoir par où commencer. Parfois, quand j’aide les gens à faire des pitchs deck ou des pitchs, je vois qu’ils ne savent pas quelles idées il faut mettre en avant parce qu’ils ne comprennent pas les attentes de la personne en face. C’est souvent pour ça que les gens finissent par aller sur des templates, des choses comme ça. Les gens ne savent pas s’il faut parler du business model, ils ne savent pas comment en parler, ils ne savent pas s’il faut parler du marché, ils ne savent pas si ça va intéresser, etc. Honnêtement, ça doit être plus d’un tiers de la master class ou de la méthode que j’ai créée : identifier les investisseurs qui ont des valeurs communes, je dis investisseur pour mon métier, mais quand on pitche une idée, peu importe, c’est la personne à qui on parle, créer la relation avec eux, bien avant d’ailleurs la levée de fonds dans le cadre d’un entrepreneur, et ensuite le comprendre. J’invite toute personne qui veut lever des fonds en tant qu’entrepreneur à ne pas lire des livres qui disent comment lever des fonds, mais plutôt à lire des livres destinés aux investisseurs : comment investir dans une start-up ou comment identifier les bonnes start-ups, parce qu’il n’y a qu’en te mettant dans les baskets de la personne en face de toi que tu vas comprendre ses enjeux, donc j’explique souvent la mécanique d’investissement, quels sont les choix que peut faire un investisseur.

C’est plus faire preuve d’empathie. Ce que tu dis, c’est que techniquement sur mon pitch je peux être un peu maladroit, mais qu’à partir du moment où il fait sens pour mon interlocuteur par rapport à ses attentes, ses valeurs, même s’il ne respecte peut-être pas les canons du pitch, j’ai plus de chances de le toucher, c’est ça ?  

Absolument ! Et d’ailleurs un investisseur va être beaucoup plus enclin à investir avec quelqu’un qui est franc et honnête et surtout qui fait l’effort de comprendre ses enjeux, même maladroitement, plutôt qu’avec quelqu’un qui est une machine ou un robot d’explications, mais qui sert la même soupe à tout le monde. On est tous humain. Un investisseur veut être reconnu pour ses qualités, pour ses compétences, pour son appétence à l’entreprenariat, donc c’est ce lien-là qu’il faut créer.

C’est intéressant ! Alors, pour ne pas avoir travaillé sur le sujet, par exemple sur une levée de fonds, je me dis : c’est quoi l’intérêt d’un investisseur ? Tu vas juste pitcher ta rentabilité, non ? 

Déjà, c’est intéressant parce qu’il y a plusieurs raisons pour lesquelles les investisseurs investissent et ce n’est pas toujours la même. Effectivement, il y en une qui est très commune, c’est pour des raisons fiscales. En général je conseille aux gens d’éviter les investisseurs qui n’investissent que pour des raisons fiscales parce que du coup, ça devient vraiment une raison bateau et choisir un investisseur, c’est un peu comme choisir un associé, c’est une personne qui va accompagner ta start-up et tes associés sur le long-terme, sur 5-7-10 ans. Il faut que tu prennes des gens qui sont investis dans la réussite de l’entreprise. Ensuite, on a évidemment la raison principale qui est la raison financière. C’est pour faire un retour à 5-7-9 ans, et pour ça il faut effectivement comprendre les mécanismes financiers. Mais il y en a une qui est assez commune, surtout en ce moment, qui est celle d’avoir un impact ! Il y a des investisseurs qui ont évidemment l’objectif de ne pas perdre d’argent, mais qui veulent aussi avoir un impact dans un milieu, et chaque investisseur a ses propres domaines de prédilection, a ses propres marchés dans lesquels il veut investir, mais c’est aussi parce qu’il veut avoir un poids. Il veut pouvoir dire : grâce à mon investissement dans telle boite, j’ai pu avoir un impact dans l’éducation par exemple parce que c’est un sujet qui me tenait à cœur, quand j’étais jeune et j’ai eu du mal à m’intégrer à l’école et finalement, aujourd’hui je rends à la société en investissant dans les start-ups. Ça, il ne faut pas le négliger.

C’est une notion de reconnaissance ?

 Absolument, d’expérience personnelle aussi. Ce que je dis souvent, c’est que quand tu vas chercher des investisseurs, la première étape est de regarder des start-ups qui sont un peu comme les tiennes, de regarder les gens qui ont investi dedans et ensuite d’essayer de comprendre pourquoi ils ont investi dans ces start-ups. Parfois, ça va juste être parce que la start-up est une pépite et qu’elle va clairement faire une belle rentabilité, mais parfois, ce sont les parcours de vie de ces investisseurs et ces gens-là. Si tu les contactes en toute honnêteté, même avant d’avoir un produit, au tout en début, en leur pitchant juste une idée, en leur disant : écoute, j’ai pensé à ça, qu’est-ce que tu en penses ? Tu vas créer un lien et c’est une personne qui va t’accompagner pendant des mois, des années parfois, et quand tu vas lever des fonds un an, deux ans plus tard, ça va être la personne qui va être la plus proche de toi et qui va parfois fois leader ton round ou un round dans l’investissement. Il y a un souvent un investisseur ou une investisseuse qui se démarque du lot et qui va être un petit peu dans ton équipe pendant la levée de fonds. En fait, ça va être la personne qui va mettre le plus d’argent et c’est aussi une personne qui va t’aider à convaincre d’autres investisseurs. En général, déloquer le lead investisseur, c’est une des choses les plus importantes à faire parce qu’après, ça roule ! Déjà, tu as un tampon de crédibilité parce que tu as une personne qui investit, qui investit beaucoup d’argent, qui est connue dans ce milieu-là et qui fait en fait le mentoring et le marketing à ta place.

D’une certaine manière, ça veut dire que si je dois me préparer à une levée de fonds, il ne faut pas que j’ai peur de pitcher quand il n’y a pas d’enjeu, pour avoir une compréhension du système de façon plus large avec des gens, des investisseurs qui ont déjà pitché des entreprises similaires, pour avoir leur retour d’expérience, leur avis, et dans cette capacité à créer une relation et à montrer que ma structure peut faire sens dans la durée, c’est quelque chose qui va m’aider quand j’aurais l’enjeu de cette levée de fonds ou même d’aller chercher quelque chose de différent, c’est ça ?

 Oui. D’ailleurs, il faut bien comprendre qu’un investisseur, notamment une personne qui investit beaucoup dans un domaine, c’est aussi un expert dans ce domaine-là. Quelqu’un qui investit dans 3 boîtes de la santé par exemple, c’est quelqu’un qui connaît le marché, qui connaît la routine, qui connaît les boîtes émergentes et ironiquement, ce sont souvent les investisseurs qui vont être les meilleures personnes pour challenger tes idées très tôt dans la vie d’une boîte. Ce sont des gens qui pourront t’aiguiller en disant : écoute, je pense que cette direction n’est pas idéale parce que ça, ça, ça. Après, tu prends ou tu ne prends pas le conseil, mais souvent ce sont des gens qui vont avoir beaucoup plus d’impact dans ta boite que tes potes, ta famille, etc. Ce que je dis tout le temps c’est que tu peux t’entrainer pour la partie élocution, etc. mais ne prends jamais un pitch au sérieux, en tout cas quand tu veux lever des fonds, à des gens qui n’ont pas un enjeu à investir dans ta boîte. C’est-à-dire que tu peux pitcher à tes potes, très bien, mais ce ne sont pas des gens qui ont un mécanisme d’investissement et du coup tu risques de te planter en prenant leurs feedbacks parce que ce n’est pas ta cible.

C’est intéressant ça. C’est un petit comme le poker si je comprends ce que tu dis. Si on est très bon au poker, mais qu’on ne met jamais d’argent, c’est qu’on n’est pas forcément très bon. Il faut qu’il y ait un enjeu. C’est-à-dire qu’on peut pitcher à nos amis, mais tant que la personne ne sera pas impliquée dans le processus de décision, elle n’aura pas forcément un retour neutre, impartial sur le sujet.

Oui et ça marche pour la levée de fonds, mais aussi pour l’idée d’une boîte. Combien de fois j’ai vu des entrepreneurs venir me voir et me dire : écoute c’est dingue, ça fait 2 ans que je bosse sur mon idée, j’ai investi 50 000 euros de mon argent personnel, tous mes potes et toute ma famille me disaient que c’était un truc génial et le jour où j’ai essayé de la vendre, zéro client, et je me suis rendu compte que les gens qui étaient dans ma cible de clients n’étaient pas intéressés par ça ou trouvaient que c’était un effet gadget. Ces personnes-là se sont malheureusement attachées au jugement de personnes qui n’étaient pas dans la cible pour prendre une décision. Et évidemment, en plus, ses potes ou à sa famille, ce sont des gens qui sont extrêmement biaisés, qui veulent notre succès, donc ce sont rarement des gens qui vont être très francs.

C’est intéressant parce que de que j’entends, dis-moi si tu partages ça, c’est que c’est aussi une façon de se déresponsabiliser. Pour moi, les idées ne sont pas bonnes ou mauvaises, ce qui fait le succès d’une boîte – tu le diras beaucoup mieux que moi et si tu es d’accord avec ça – c’est plus ta capacité à délivrer, c’est ta capacité à faire de cette idée un succès, à l’implémenter, à la vendre. Et si tu as une bonne idée, mais que tu n’es pas en capacité de la délivrer, de l’implémenter, tu n’iras pas très loin. On a vu plein d’idées qui étaient extrêmement moyennes, mais avec des équipes d’un professionnalisme incroyable, qui sont entourées de personnes pertinentes, qui ont du réseau et cette idée qui était moyenne voire mauvaise devient cinq ans après un succès planétaire ou même sur un territoire national.

Oui, complètement ! D’ailleurs c’est pour ça qu’on dit que l’on n’investit pas dans des idées mais dans des gens. Une idée, c’est quelque chose qui est évolutif déjà. Souvent, cinq ans après le début de la start-up, le produit n’est pas vraiment l’idée qu’elle avait au départ. Ça a été sa capacité à réussir à vendre, créer de l’argent, ne pas couler et évoluer jusqu’à son produit actuel. C’est ce qu’on appelle le product market fit dans le milieu, c’est le moment où ton produit correspond à une cible. Mais entre le moment où tu as la première idée et ton product market fit, il se passe en général beaucoup de choses et régulièrement ce qu’on appelle un pivot, c’est-à-dire un changement de produit ou un changement de cible, des choses comme ça. Évidemment, c’est indispensable de comprendre très tôt que ce n’est pas l’idée, mais la manière dont on la délivre. Il y a le fameux « fake it until you make it ». Alors, ça me dérange parce que c’est un terme qui a été un peu galvaudé, il y a des gens qui me disent que c’est malhonnête. En fait, ce n’est pas vraiment malhonnête d’aller voir des gens, ce qui est le cas je pense pour la master class que j’ai lancée, en leur disant : je pense faire une formation pour aller lever des fonds, je leur demande s’ils seraient prêts à payer pour ça et combien. Les gens me disent oui, et moi en toute transparence je leur dis : ça va me prendre un ou deux mois de bosser dessus mais ensuite tu auras quelque chose de très quali qui permettra de t’aider. Il n’y a pas de mensonge là-dedans, c’est très honnête, mais par contre, moi j’ai validé le fait que j’aurais des clients avant de passer un mois à bosser sur ma master class.

Je comprends. Ce concept de « fake it until you make it » qui est de faire semblant avant que ce soit le cas, c’est aussi peut-être une vision créatrice, c’est-à-dire que tu projettes le meilleur, tu ne mets dans les conditions pour réussir. J’ai lu pas mal de livres sur du marketing ou sur du business de personnes qui pouvaient conseiller dans le développement commercial de sa structure d’essayer de s’entourer très tôt de processus très carrés, de déléguer certaines tâches où il y avait une valeur ajoutée qui n’était pas forcément la plus pertinente, même si tu avais le temps de les faire, d’agir comme si c’était déjà un succès pour créer les conditions de ce succès d’une certaine manière.  

Ouais. C’est très marrant que tu parles de ça parce que j’écris aussi des newsletters sur des sujets variés et la dernière newsletter que j’ai écrite, c’était justement sur ça.

Elle est géniale ta newsletter ! Je recommande vraiment aux gens de la regarder. Tu publies généralement sur LinkedIn des articles et j’ai l’impression que ça te demande beaucoup de travail parce qu’il y a beaucoup d’informations dans ces articles. Quand je tombe dessus, je prends vraiment du plaisir à les lire et je recommande vraiment les gens soit à s’abonner à ta newsletter, soit à regarder sur LinkedIn ce que tu fais, c’est vraiment intéressant ! J’avais lu des articles sur la négociation avec Steve Jobs que tu avais fait par mail. En plus, je trouve que ta façon d’écrire est intéressante, c’est comme ça que je t’avais contacté d’ailleurs.  

Merci beaucoup, très apprécié effectivement. Depuis quelques semaines j’enregistre aussi des podcasts. Ce sont des formats de 5 minutes et c’est assez pratique. Donc effectivement, le dernier article que j’ai publié était sur le fait que l’on devient ce que l’on pense qu’on est, et parfois se mentir ou mentir à d’autres personnes sur leurs capacités est une forme de prophétie auto-réalisatrice qui fait qu’elles vont réussir à devenir ce qu’elles pensent d’elles-mêmes. Il y a le fameux exemple du coach de Serena Williams, qui lui a menti sur une statistique qu’elle avait dans un tournois en lui disant qu’elle gagnait 80% des points au filet alors que ce n’était pas le cas, et une fois qu’il lui a donné ce mensonge, elle a fini par coller à cette statistique, donc le mensonge est devenu réalité.

C’est intéressant, en fait c’est l’effet Rosenthal-Jacobson, que l’on appelle l’effet pygmalion. Je crois que c’est une étude qui a été faite dans les années 70-80 à San Francisco. On prenait de façon totalement aléatoire des enfants d’une classe qui étaient très jeunes en disant : on a fait des tests de QI sur ces enfants, ils sont extrêmement doués, personne n’est au courant, même pas la maitresse, et on en parlait juste à la maitresse. Au bout de 3-4 ans, on se rendait compte que ces enfants étaient surdoués, ils développaient un QI, donc une intelligence sur le sujet qui était plus importante. Et l’inverse est vrai ! On appelle ça l’effet Golem. Dans le management, si je rabâche à l’autre que c’est un incapable ou même à ses enfants malheureusement, on crée les conditions pour que ça le devienne.  

Complètement et d’ailleurs tu touches un point qui n’est forcément pas lié au pur pitch de l’idée, mais qui est plus lié à la vie d’entrepreneur en général, l’environnement fait 80% de ta vie d’entrepreneur. Très souvent, je vois des gens qui ont plein d’envies et qui sont dans ses situations où leurs proches et leurs amis les tirent vers le bas. Parfois, il faut juste changer d’environnement pour se mettre dans une dynamique où a l’impression que l’on peut réaliser ses rêves. C’est une des très grandes utilités des structures comme les incubateurs par exemple, qui en réalité pour moi n’aident pas de manière démesurée les start-ups à réussir. C’est-à-dire que souvent, ça ne va pas avoir un impact énorme dans la start-up, en revanche ça a souvent un impact énorme sur la vie des entrepreneurs qui composent cette start-up et donc indirectement sur la vie de cette start-up, parce que tu te retrouves entouré de gens qui ont les mêmes envies que toi, qui ont une énorme énergie et ça, c’est indispensable, surtout en temps de Covid où on est tous chez nous et où on a tendance à avoir moins ces liens humains.

Très intéressant et puis on peut faire un parallèle avec la négociation. Il y a notamment les travaux de Daniel Shapiro, même de Dupont, qui montrent que quand on rentre dans un processus de négociation avec de l’appétence, cette envie de créer du lien à l’autre et cette énergie pour trouver une solution, on va créer les conditions les plus favorables pour ça. Or si on rentre dans un processus de négociation en étant persuadé que l’autre est un ennemi qui nous veut du mal, que ça va mal se passer, malheureusement cette prophétie auto-réalisatrice va créer un cercle vicieux où ça va être beaucoup plus compliqué de trouver un accord ou un accord qui maximise la situation pour nous. On voit que ça peut être extrêmement lié sur des cycles de négociation.

C’est le cas dans l’investissement d’ailleurs. Quand tu négocies ta levée de fonds, c’est pareil. Ce n’est pas ton ennemi l’investisseur, c’est quelqu’un qui veut trouver des termes qui lui conviennent aussi. Il y a plein de leviers différents et ça évidemment c’est ta spécialité, mais il y a plein de choses sur lesquelles tu peux jouer. Tu peux parler de valorisation, mais tu peux aussi parler des termes de rachat des parts dans quelques années, tu as plein de choses à négocier là-dedans, donc ça arrive que des négociations capotent au stade où tout le monde était hyper convaincu, quelqu’un se braque dans l’histoire et c’est un lose-lose à la fin de la journée.

Complètement. Si on revient sur cette notion de pitch, de ce qu’on se dit là, c’est qu’avant de pitcher il faut avoir l’état d’esprit et l’envie de partager et de créer du lien à l’autre, de s’y intéresser et de le comprendre.  

Absolument. Ça c’est l’étape zéro de n’importe quel effort je pense. Pour le coup, en tout cas dans l’écosystème entrepreneurial, c’est quelque chose qui est en général respecté. Les gens ont envie et c’est une des choses qui leur fait prendre autant de risques. Je pense que ça a été le cas aussi quand tu as créé ta boite. C’est assez rare de voir des entrepreneurs qui n’ont pas envie, parce que sinon tu resterais confortablement dans ton CDI et tu prendrais des vacances.

J’ai toujours aimé cette vision, j’étais tombé sur cette photo : l’entrepreneur, c’est la personne qui saute avec son kit, qui a un avion et en même temps qu’il tombe, construit son avion. C’est vraiment l’image que j’en ai, c’est-à-dire que tu te découvres et que tu t’inventes dans ces moments-là parce que tu es incapable de dire au départ comment ça va évoluer à 6 mois ou 1 an. C’est une montée d’adrénaline qui est quand même assez incroyable.  

Et tu connais tes limites pour le coup ! C’est ça qui est intéressant, c’est que tu découvres vraiment tes limites. Tu fais plein de choses quand tu es entrepreneur dont tu ne te pensais pas capable avant, donc tu en sors forcément grandi.

Derrière cette zone de confort que peut être le CDI, qui n’est pas toujours une zone de confort pour les gens, il y a une vraie zone d’apprentissage avant de tomber sur cette zone de risques qui peut être impactante. Cette zone d’apprentissage te permet de découvrir ce que tu aimes, ce que tu aimes moins. Généralement, aujourd’hui c’est moins le cas, mais au début ça l’était vraiment, tu te rends compte que l’on te demande d’être bon, et pas seulement sur ton métier, sur ton expertise. Ça te demande d’avoir des compétences sur pas mal de choses avant de recruter des équipes. Ça te demande d’être bon sur le marketing, sur la capacité à pitcher, on va y arriver, à ne pas être pas mauvais administrativement, à gérer des relances, tu as un panel de compétences qui est extrêmement varié au tout départ.

Clairement, et en même temps on dit qu’il y a souvent deux phases quand tu montes une boite. La première, c’est de recruter des gens qui sont tous des couteaux suisses. Les 5 ou 6 premières personnes de ta boite doivent toutes savoir tout faire à peu près correctement pour que tu puisses éteindre les incendies dans tous les coins et t’appuyer sur ces gens-là. Ensuite, à partir de là, on dit qu’il vaut mieux avoir des spécialistes, des gens qui ont des compétences que ton équipe n’a pas tout simplement, parce qu’ils ont fait ça dans de plus grosses boîtes ou dans des environnements très compétitifs, et il n’y a que comme ça que ça fonctionne.

C’est intéressant. Au départ tu vas plutôt aller chercher des profils capables de toucher à tout, même s’ils sont moyens / moyens-plus un peu dans tout, et dès que tu vas te développer, tu vas aller chercher des expertises très fortes qui vont pouvoir avoir une complémentarité avec d’autres expertises très fortes et qui ne sont pas forcément capables de tout faire.  

Et recruter des gens qui ont une expertise très forte. Parce que toi, au début, quand tu crées une boite, comme tu n’as pas toutes les compétences, tu n’es pas la meilleure personne pour recruter un très bon product manager, une très bonne personne au marketing, etc. Il faut que tu identifies la personne qui va être capable de les identifier.

Si on revient sur cette notion de pitch, quand on a l’idée, qu’on a un petit avancé sur sa réflexion, qu’est-ce que tu préconises en termes de méthodologie dans ton travail ? Quelles sont les étapes à respecter ? Qu’est-ce qu’il faut mettre en place pour que ce pitch impacte et puisse in fine créer du désir et de l’attention, soit du désir sur les capacités de récompense, soit de l’attention c’est-à-dire que l’on se dit j’ai envie d’éviter de faire ça, j’ai l’impression que c’est une vraie occasion, pour derrière aller chercher une levée de fonds sur ton secteur ou autre si affinité ?

Une fois que tu as bien compris la personne en face de toi, je considère qu’en gros il reste à peu près 3 étapes pour délivrer un bon pitch. La première, c’est de créer, raconter une histoire. Dans ton travail, en tout cas en amont, il faut que celle-ci soit exhaustive. C’est là que tu vas sortir du lot en fait. C’est ton histoire à toi, pourquoi tu as créé ta boite, pourquoi tu es la bonne personne pour l’amener au plus haut, pourquoi toi et tes associés évidemment êtes les bonnes personnes. Il y a un concept que j’aime beaucoup qui est celui du monomythe de Joseph Campbell, qui raconte un petit peu que toutes les histoires, tous les mythes, toutes les légendes depuis la naissance de l’humanité, obéissent un peu à un même cycle avec un personnage, un héros qui rencontre des archétypes, donc il y a des antagonistes, des alliés, des mentors, des choses comme ça, qui va rencontrer des difficultés ou qui va en tout cas avoir un objectif, et sur le chemin de la réalisation de cet objectif, il va rencontrer des difficultés, les surmonter pour pouvoir finir et revenir à un état de base dans lequel il va avoir de nouveaux objectifs, etc. Donc ce cycle est très intéressant parce que pour moi il s’applique à tout le monde. Quand un entrepreneur monte une boite, il a des associés, ce sont ses alliés, il a des antagonistes, ce sont ses concurrents, il a des gens à convaincre, des difficultés, ce sont des abysses. Dans ce monomythe des légendes, on se rend compte que les gens s’attachent beaucoup à quelqu’un quand ils comprennent son écosystème, son environnement, qui sont ses alliés, qui sont ses antagonistes, les personnages qu’il rencontre, quand on se rend compte qu’il va aller dans des abysses de difficultés et qu’il va en ressortir grandi, ce que l’on appelle la résilience dans l’entrepreneuriat. Ce sont des choses qu’il faut absolument réussir à illustrer dans une histoire : pourquoi, plus qu’un autre, on en est là aujourd’hui à pitcher notre idée alors qu’il y a 2 ans, je vais dire une connerie, mais on ne comprenait rien à cette idée ou alors notre associé ne voulait pas quitter son taff, on a réussi à le convaincre et finalement, on s’est retrouvé à galérer, à ne pas signer de contrat, on a mangé des pâtes pendant 6 mois et aujourd’hui, on a enfin trouver des clients et il est l’heure pour nous d’aller lever des fonds. C’est cette histoire qu’il faut transmettre, c’est cette sueur.

La traversée du désert.  

Oui, alors ce n’est pas nécessaire d’avoir eu une traversée du désert, mais en tout cas, si on l’a eue, il faut savoir l’exprimer et il faut exprimer à la personne en face pourquoi on est une personne qui est capable de surmonter autant de difficultés. Il faut tisser notre histoire. Elle est unique à chaque start-up. C’est pour ça que je dis souvent : les templates en 10 slides, pourquoi pas pour avoir un point de départ, mais en réalité, l’ordre des slides doit être différent pour chaque start-up. Un bon exemple, c’est Jeff Bezos. Dans la norme, quand tu pitches une idée de start-up, il faut d’abord que tu dises qu’il y a un problème dans un marché, que tu vas essayer de le résoudre, et pourquoi. Jeff Bezos a un peu inversé ce truc-là. C’est hyper intéressant. Il y a une vidéo de lui qui date de 1998 qui est passionnante et dans laquelle il dit : il n’y avait pas de problème dans mon marché, mais il y avait une stat qui avait attiré mon attention, internet était en croissance de 2300% par an. En fait, Jeff Bezos a fait une analyse ultra cartésienne d’internet. Il s’est dit : c’est un marché qui est en train d’exploser, ça permettra un jour d’acheter des articles de l’autre côté du monde ou des choses que l’on trouve difficilement à proximité de chez nous, qu’est-ce qui est le plus difficile à trouver en grande quantité ? Ce sont les livres, parce qu’il y a tellement de livres différents que même quand tu vas dans la plus grande bibliothèque de New York, tu n’as même pas 3 ou 5% des livres disponibles dans le monde. Lui a fait une vraie analyse de marché, donc le pitch de Jeff Bezos n’est pas du tout problème-solution, c’est opportunité marché monstrueuse, analyse cartésienne du business le plus lucratif là-dedans, personne qu’il est lui parce que c’est quelqu’un qui a 30 ans au moment où il monte Amazon, qui était déjà directeur d’un fonds d’investissement, il gagnait je crois plus de 500 000 euros par an, il avait une position monstrueuse qu’il a quittée, il a tout risqué pour son taff, donc le storytelling est génial dans ce sens-là. Mais s’il avait suivi un template, ça ne marche pas. Il le dit lui-même, au moment où il a commencé à lever des fonds, les gens ne savaient pas ce que c’était internet. S’il avait juste dit : il y un problème, les gens n’arrivent pas à trouver des livres, on lui aurait dit : de quoi tu parles ? On s’en fout. Ce n’est pas un vrai problème.

Ce que tu dis ici c’est que dans le pitch il ne faut pas forcément se concentrer sur un problème, là, par rapport à ta vision de Bezos, c’est une volonté d’anticiper le besoin, c’est une vision ?

Dans son cas à lui, mais chaque start-up a sa vision ou chaque équipe a sa raison de créer son produit et il faut identifier laquelle. Il ne faut pas juste suivre des templates. Il faut se dire : c’est ça qui nous a drivés. J’ai un pote qui lance une boîte de paris sportifs dans le tennis, il se lance avec son meilleur ami. Ils se sont rencontrés au tennis quand ils avaient 3 ans, ils en ont 33. Ça fait 30 ans qu’ils rêvent de monter leur boite ensemble, c’est trop beau pour ne pas le mentionner ! Ils ne vont pas commencer leur pitch en disant qu’il y a un problème, ils vont commencer leur pitch en disant : on est une équipe qui se connait depuis 30 ans, on est meilleurs potes depuis 30 ans, on rêvait de faire ce business et on s’est rendu compte que dans notre milieu d’expertise, on était capable de résoudre un problème que peu de gens étaient capables de résoudre et ça, ça vend bien.

Très bien. Là, tu es vraiment dans la partie créer, raconter une histoire et dans ta façon de l’exprimer, peut-être que je l’ai mal compris, j’ai l’impression que tu mets déjà en avant une histoire de personnes avec les difficultés, les succès, tout ce qu’il s’est passé sur la construction de l’équipe ou de la personne et qu’ensuite, dans un second temps, c’est une histoire de produit, de solution, mais ça arrive plus tardivement, c’est ça ?

Oui. Dans la grande majorité des cas, on va investir dans des personnes, donc c’est ça le centre de ton pitch. Il y a des cas où tu n’es pas quelqu’un d’ultra pertinent. Prenons le cas d’un Mark Zuckerberg qui lance Facebook. Lui, en l’occurrence, on s’en fout, c’est un étudiant d’Harvard qui développe. Quand il est allé lever des fonds, en tout cas au tout début, il peut difficilement dire qu’il est la bonne personne pour monter une boite qui vaudra un jour 100 milliards. En revanche, ce qu’il avait, c’étaient des chiffres monstrueux. Il disait : voilà, on parle de la viralité sur les réseaux sociaux et internet, moi j’ai un niveau de bouche-à-oreille où chaque personne qui installe Facebook fait installer 2 ou 3 autres personnes, ce qui était inédit ! Il arrive avec un argument fort, mais sa propre histoire c’est juste : je suis un nerd qui code dans sa chambre d’étudiant, j’ai testé un produit et ce produit-là va être monstrueux, donc un Zuckerberg au début va pitcher un produit. Mais la grande erreur, c’est de ne pas comprendre, dans la start-up que tu vas pitcher, quel est ton angle, et c’est vraiment ça que j’incite les gens à faire. Qu’est-ce qui fait sortir les choses du lot ? Ça peut être ton produit, ça peut être ton marché, ça peut être ton équipe, ça peut être tes concurrents, ça peut être plein de choses. Je vais dire une connerie, mais tu quittes une boite du CAC40 pour faire un concurrent plus agile, plus efficace, etc. L’expérience c’est : je connais très bien les rouages de telle boite, je sais pourquoi elle est dysfonctionnelle donc je vais mieux pouvoir résoudre ce problème et en plus j’ai un portfolio clients, j’ai un carnet d’adresses. Il y a 1000 raisons différentes qui font que tu sors du lot, la seule mauvaise manière de le faire, c’est de suivre un template en ne te posant pas la question du pourquoi ta boîte est unique par rapport à d’autres.

C’est intéressant. Ce n’est pas une question de technique, c’est vraiment une question d’introspection. Il n’y a pas une recette miracle, sinon tout le monde la suivrait. C’est déjà de se poser la question : comment est-ce que je me différencie des autres et pourquoi l’autre devrait m’écouter d’une certaine manière ?

Oui. D’ailleurs, un des chapitres de ma master class, c’est de comprendre et connaitre sa boite, et ce que je dis souvent aux entrepreneurs, c’est que parfois ce travail d’introspection ne va pas être fun. Pour pitcher ta boite, il faut la connaitre parfaitement, ton marché, ton équipe, etc. Parfois, ça veut aussi dire qu’il faut aller chercher les cadavres dans le placard, les choses que tu as mises de côté, les réalités que tu ne t’es pas avouées, ces choses-là. Parfois, c’est désagréable, mais c’est le seul moyen de connaitre ta boite parce que de toute façon, la question que tu évites dans ta tête au moment où tu fais ton pitch deck, l’investisseur va te la poser le jour du pitch, donc autant que tu sois prêt, que tu sois honnête et franc et que tu dises : OK, là on a merdé, sur cet angle, on ne sait pas comment faire, mais on a confiance en notre capacité à résoudre ce problème-là.

Très clair. Et une fois que j’ai créé et que j’ai raconté cette histoire ?  

Ensuite, il faut faire le processus un peu inverse. Tu as créé ce que l’on appelle un ourson avec plein de choses, d’éléments, etc. Il faut que tu synthétises et que tu épures le pitch à mort et ça veut dire virer 80% de ce que tu viens de créer. Dans la première étape, tu écris tous les éléments. En tout cas, quand tu veux créer ton histoire, il faut que tu mettes tout sur papier, tes éléments, tes chiffres, tout ce que tu as à raconter et ensuite tu vires 80% ou 90% du superflu, parce que comme je disais tout à l’heure, un investisseur ou une personne à qui tu pitches ton idée, ça peut être un client ou un prospect par ailleurs, il doit répondre à 100 emails, il a 15 réunions aujourd’hui, donc il n’a que 3 minutes d’attention pour toi. Dans ces 3 minutes, il faut que tu sois bon, que tu sois le plus impactant possible et ça veut dire identifier les choses qui sont vraiment pertinentes. Encore une fois, plus tu connais la personne, plus tu as fait l’effort de connaitre la personne en amont, de créer la relation, plus tu sais ce qui est important pour elle. Si tu connais l’investisseur depuis longtemps, il t’aura sans doute lui-même dit : reviens me voir le jour où ta rétention a dépassé 20%, donc le jour où tu vas le recontacter, tu vas lui dire « deal ». Souvent, c’est donc choisir les éléments très pertinents dans l’histoire et virer 80% du superflu.

Ce n’est pas évident ça ! Les gens ont toujours l’impression que c’est facile. Je fais un petit parallèle avec mon TedX. J’ai fait un TedX et j’ai été accompagné par un coach qui ne connaissait rien à mon sujet. J’en ai eu plusieurs et celui qui m’a le plus accompagné était une personne qui ne connaissait rien à la négociation, ça a été ma plus grosse aide. J’avais l’impression de faire mon TedX indirectement pour des pairs, donc d’avoir un discours, je pense, qui était trop complexe, de vouloir aborder trop de choses pour faire bien ou parce que certaines choses me semblaient évidentes et de ne pas rentrer dans le détail. C’est vraiment ce qu’on a fait pour le Ted, il a été épuré à 80% pour rester sur une idée la plus simple possible, c’est d’éviter de chercher le compromis parce que ce n’est pas la meilleure idée, c’est une solution à disposition, mais ce n’est pas une fin en soi, et puis on l’a argumenté avec 3 axes. Est-ce que ça participe au succès du thème ? Je ne sais pas dire, mais je crois qu’on a dépassé les 800-900 000 vues. Ça a été un vrai travail, parce qu’à chaque fois tu as l’impression de t’amputer d’un bras. Tu te dis : ah non, mais ça c’est vraiment important ! Et j’ai l’impression que si tu n’as pas ce regard extérieur, c’est très dur.

Je suis assez d’accord avec toi pour le coup. Je pense qu’avoir un regard extérieur est toujours très important. D’ailleurs ça nous amène à la dernière étape, je reviendrai sur celle d’avant, qui est l’itération. C’est souvent ce que les gens oublient. Je prends l’exemple d’une levée de fonds. Ça dure 6 mois. Tu vas peut-être parler à 50-100 investisseurs. Si ton deck est le même entre le premier et le dernier pitch, c’est que tu n’as rien compris. Ton deck doit être évolutif, ton pitch doit être évolutif, la manière dont tu pitches les idées va avancer selon les gens que tu rencontres et il faut être très réceptif. Ça, c’est aussi très difficile. Quand tu pitches, que tu es dans une situation de pitch, neuf fois sur dix, tu as envie de dérouler ce que tu as travaillé. Ça fait un mois que tu travailles sur ton truc, tu as envie de raconter ton histoire et tu peux avoir des gens qui vont te poser des questions sur quelque chose qui n’a rien à voir ou sur un point qui ne t’importe pas, et tu ne vas pas comprendre. C’est vraiment quelque chose sur lequel je mets en garde, il ne faut pas que tu essayes de dérouler ton pitch au forceps. Si tu te rends compte que tu es dans une pièce avec 3 personnes, que ça fait 15 fois qu’elles te posent la même question de manière différente et que toi, tu es encore en train d’avancer dans tes slides, c’est que tu te plantes quelque part. Ce qui les intéresse n’est pas ce qui t’intéresse toi. C’est souvent quelque chose que l’on a du mal à faire et tu viens de le dire pour ton Ted. On a beaucoup de mal à se mettre dans les baskets des autres personnes et à comprendre que ce qui les intéresse n’est pas ce qu’on a envie de leur vendre ou ce qui nous intéresse, et souvent nos interlocuteurs sont intelligents, ils ont une très bonne raison de nous poser les questions qu’ils nous posent. D’ailleurs, quand on est au stade du pitch, souvent c’est qu’on a eu des échanges avec un investisseur et qu’il y a 2-3 leviers qui restent à lever que la personne a en tête déjà quand on rentre dans la pièce, et souvent, ce sont ces 2-3 questions qu’elle veut trancher. Donc si toi tu es dans ton idée de dire j’ai 12-15 slides, je veux arriver au bout de ces slides, je ne veux pas rester à la slide 5, donc même quand ils me posent une question, je vais continuer, souvent tu fais la mauvaise chose. D’ailleurs le pitch, c’est ce regard extérieur que tu donnes et tu vas avoir des investisseurs qui ont différents enjeux, différentes choses. Après un pitch, ce qu’il ne faut surtout jamais oublier de faire, c’est de se poser une demi-heure au calme, se dire tout ce qui s’est bien passé. Tu as différents niveaux : élocution, est-ce que tu présentais bien, mais tu as aussi le niveau sur le fond : est-ce qu’ils ont compris le message que je voulais transmettre ? Est-ce qu’ils ont compris nos forces ? Est-ce qu’ils ont partagé nos valeurs ? Est-ce qu’ils ont compris le produit ? Par exemple, ils m’ont posé 3 fois une question sur le marché, clairement, ce n’est pas suffisamment bien écrit dans mon deck, ça arrive trop tard ou alors il y a un problème, il faut que j’amène ça beaucoup plus tôt dans le pitch. Tout ça, c’est itératif, il faut comprendre qu’à chaque pitch, le pitch doit évoluer, être peaufiné, les supports aussi et il n’y a que comme ça qu’à moyen-long terme, on finit par avoir des choses impressionnantes. Dans une de mes newsletters, je crois aussi dans une de mes master class, j’ai fait l’étude du pitch du fondateur de Snapchat, Evan Spiegel. Il y a une vidéo de lui de mémoire avec juste des bouts de papiers sur lesquels il gribouille des choses en 2 secondes et je trouve que c’est un des pitchs les plus impactants que j’ai vus, parce qu’on comprend qu’il a tellement travaillé le truc que ça fait mouche, ça marche hyper bien ! Il utilise des mots très simples, ça dure moins de 5 minutes.

C’est moche il faut le dire !

C’est très laid, il n’y a pas de support. Il porte un t-shirt blanc, dans un cadre très laid, la vidéo est en 240p et pourtant ça marche hyper bien ! A la fin, tu as envie de mettre du blé dedans.

C’est intéressant ! J’entends deux choses dans ce que tu viens de dire. La première, c’est d’avoir de l’agilité dans ton pitch. C’est la deuxième étape dans notre référentiel de négo : passer d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre. C’est-à-dire qu’on a généralement tendance à vouloir argumenter parce qu’on maitrise son écosystème et que face à l’incertitude, c’est quelque chose qui nous rassure. Or ce que tu dis, c’est que dès que l’on va avoir des questions, il faut abandonner ses certitudes pour essayer d’aller comprendre le fond de la question, la perception de l’autre par rapport à ce qu’il soulève pour savoir faire preuve d’intelligence et d’agilité et y répondre totalement dans un second temps, et ne pas vouloir absolument argumenter, argumenter, argumenter en suivant une trame pré-écrite. Et la deuxième chose, c’est cette notion d’itération que l’on va retrouver dans la négociation ou dans d’autres sujets comme chez les militaires avec le terme de Rex, retour d’expérience. C’est prendre le temps, dans le cadre d’un succès ou d’un échec, de voir ce qui a fonctionné, ce qui a moins bien fonctionné, capitaliser dessus, faire évoluer à la marge ou pas, pour aller chercher à être toujours un peu plus pertinent sur les interactions d’après.

 Absolument et on en revient toujours à ton premier point sur l’émotionnel. A la fin de la journée, il faut comprendre ce qui motive dans le fond les personnes en face. Alors après tu peux avoir des gens qui lèvent des fonds avec une seule data, j’en reviens à Facebook, mais leur statistique de viralité était tellement incroyable que pas un seul investisseur rationnel n’aurait passé ce deal ! Ça n’empêche que c’est le cas d’une start-up sur 10 000, et pour les autres, ce qui est important de montrer c’est que tu vas être bon sur le long terme, que tu comprends les gens en face de toi, et encore une fois, ce qu’il faut comprendre quand tu lèves des fonds notamment dans le milieu entrepreneurial, c’est que c’est gens-là, tu vas les côtoyer pendant des années. Tous les mois ou deux fois par mois, tu vas faire un call avec eux, un board meeting dans lequel tu vas challenger des choses, etc. et ça ne sert à rien de se mentir, de mettre un masque quand on les pitche parce qu’en fait après, pendant 10 ans, tu vas devoir les supporter, donc si tu dis aux gens ce qu’ils veulent entendre sans être franc, sans être honnête sur tes problèmes, sans avoir l’impression que tu peux créer une conversation et que tu as juste en face des robots de rentabilité… On entend des histoires, ça arrive souvent qu’au bout de 2 ou 3 tours de table, après 4-5 ans, tu aies des entrepreneurs désespérés : comment je vais virer des investisseurs de mon board parce que je ne les supporte plus. Ça vient souvent de quelque chose qui a été ignoré quelques années plus tôt. Cette personne m’offre du blé, je ne l’aime pas trop, ça ne colle pas trop, mais je vais le prendre, et souvent ça a de vraies conséquences à long-terme.

C’est-à-dire que même quand tu fais ta levée de fonds, il ne faut pas penser court-terme. En négociation, on parle d’infinite game pour reprendre une expression de Simon Sinek. C’est-à-dire qu’il faut bien s’entourer, ne pas avoir rendu la mariée plus belle qu’elle ne l’était peut-être, parce que sinon, à terme, ça va nous impacter et sur notre énergie et notre motivation de ne pas être au rendez-vous qu’on aurait pu promettre à d’autres personnes. C’est réussir à vendre une vision qui donne envie, mais sans toutefois omettre une partie de vérité ou sans aller sur une vision qui n’est pas faisable ou réalisable.

Exactement, et d’ailleurs, ça existe d’un point de vue purement financier. Ça arrive parfois que ce ne soit pas une question de relationnel, mais une question purement financière où tu vas survaloriser ta boite dans les premiers tours de table et si tu veux, il y a des ratios de levée de fonds, en tout cas quand tu es dans une start-up qui va faire des levées tous les 18 ou 24 mois, on considère qu’il y a un ratio global de multiplicatifs de valorisation que tu dois avoir entre tes levées sans quoi ta boite ne va pas assez vite que prévu. Dans ce cas, il se passe des choses très désagréables que l’on appelle les down rounds ou alors tu vas lever des fonds au rabais avec des termes qui sont très désagréables pour l’entrepreneur. Ça arrive assez régulièrement que des boites se survendent sur une valorisation au début, parce qu’elles ont l’impression qu’elles peuvent le faire à ce moment-là et ensuite, les aléas de la vie font que 18 ou 24 mois plus tard, ton plan ne s’est pas déroulé exactement comme prévu et là le moment devient très désagréable parce que tu vas dépendre d’une valorisation qui n’est plus tout celle de ta boite dans un marché qui a évolué. Donc il faut être optimiste, mais il faut garder une dose de réalisme, quand tu rentres dans le délire de vouloir toujours plus, de mentir toujours plus ou de se voir 1000 fois plus beau que tu ne l’es, souvent, tu le payes plus tard.

Il y a un procès en ce moment aux États-Unis d’une femme qui a fait des levées de fonds sur un produit, qui aurait dû être un super succès par rapport à une goutte de sang, j’ai l’impression qu’elle n’a pas écouté complètement ce conseil…

Theranos. Pas du tout ! Il y a un livre d’ailleurs dessus qui est passionnant, je ne me souviens plus du titre, mais il se lit comme un thriller. C’est assez intriguant et même triste parce qu’il s’est passé des choses assez tristes, et oui absolument, c’est un cas d’un écosystème qui est poussé à son paroxysme, dans la folie de gens qui se présentent, dans des excès, etc. Et si tu veux il y a même un mensonge commun. Ce qu’il faut comprendre, en tout cas quand tu lèves des fonds, c’est que les investisseurs qui ont investit chez toi tôt, ils ont parfois tout intérêt à ce qu’il y ait d’autres levées de fonds pour qu’eux puissent sortir le cash qu’ils ont déjà mis et du coup, ils peuvent partager ton mensonge. C’est-à-dire que tu peux avoir une équipe d’entrepreneurs et de primo-investisseurs qui décident de rentrer dans un mensonge collectif juste pour pouvoir sortir leurs pions et laisser le bébé à d’autres gens.

On est sur la théorie de l’engagement, tu es dedans et tu ne peux plus faire marche arrière.

Exactement.

C’est passionnant parce que je m’en rends compte que dans ce que tu nous partages, il y a énormément de parallèles que l’on peut faire sur de la négociation. Pitcher des investisseurs ou pitcher sur un projet, ça reste extrêmement similaire, et ça donne vraiment envie de regarder ton travail sur la master class. Même si on n’a pas forcément envie de faire une levée de fonds ou qu’on n’a pas son entreprise, je pense qu’il y a plein de choses que l’on peut récupérer pour un quotidien personnel ou professionnel. Laodis, j’ai l’habitude sur la fin d’entretien de poser une question à mes invités qui est toujours la même donc je te la pose : si le Laodis d’aujourd’hui devait rencontrer le Laodis d’il y a 15 ans, quel est le conseil que tu lui donnerais ?

Écoute, ça va être très particulier pour moi parce qu’il y a quelques années, j’ai commencé à me lancer dans des choses artistiques, ce que je n’avais jamais vraiment fait. J’ai écrit un roman il y a 2 ans et là je suis en train de réaliser un film. Je l’ai fait trop tard à mon goût, mais en même temps c’est encore assez tôt par rapport à d’autres gens, donc je me dirais : joue un peu moins aux jeux et passe un peu plus de temps à écrire et à lire.

Ah ! C’est intéressant !  

Surtout au moi adolescent. Mais c’était plus global. Si je fais un peu d’auto-analyse, c’était plus une question de croire en ses capacités pour le coup. C’est pour ça que je suis aussi préoccupé par ces sujets-là. C’est-à-dire qu’ayant grandi dans un tout petit village dans le sud de la France, très loin de plein de role models que tu peux avoir dans d’autres endroits, notamment dans des villes comme Paris où j’habite depuis quelques années et où je me rends compte que c’est plus facile d’avoir accès à ces gens qui sont inspirants, dans tous les domaines, je n’avais aucun role model, en tout cas sur les aspects artistiques et pour moi c’était un peu une chimère de se dire : tu veux faire quoi ? Tu veux écrire des livres ? Et après ? D’ailleurs c’est corrélé à mon arrivée à Paris. C’est l’année d’après que j’ai écrit un bouquin. C’est vraiment en ayant rencontré ces gens qui m’ont inspiré que je me suis dit que je pouvais le faire aussi.

C’est aussi davantage croire en soi ?

 Absolument.

Et de ce que j’entends, s’entourer des bonnes personnes, ça aide.

C’est pour ça que je te parlais autant de l’environnement. Dans ma vie, l’environnement a été critique.

C’est quelque chose que je partage totalement. Je fais souvent le parallèle avec le sport, on n’a jamais vu un numéro 1 mondial, quelle que soit la discipline sportive, réussir sans coach. En tout cas, je n’en connais pas. Et je pense que quel soit son niveau dans l’entreprise, on n’a pas besoin d’être CEO d’une boîte ou au Comex, c’est intéressant d’avoir un regard extérieur, d’avoir un mentor, un coach qui va nous accompagner sur ça. En tout cas, c’est quelque chose qui m’a beaucoup aidé parce que mon concept a toujours été de rencontrer des gens qui faisaient 15 ans plus tard ce que je voulais faire. En fait, pour moi c’est comme si tu hackais un jeu vidéo. Il y a des gens qui te disent : ne fais pas ça, parce que ça je l’ai payé de mon expérience ou fais ça parce que ça marche et ça va te faire gagner du temps. Et quand tu es dans une posture d’écoute, tu apprends énormément. Il y a effectivement beaucoup à apprendre de son écosystème.  

Absolument.

Et LinkedIn aujourd’hui le permet facilement. Pour les gens qui en doutent, écrivez aux gens sur LinkedIn qui font des métiers que vous voulez faire, vraiment, ils vous répondront, ils m’ont toujours répondu et ça m’a en plus permis de créer cet écosystème qui crée les conditions les plus favorables, le conditions du succès, ça créé ton réseau et après tu es sur un cercle vertueux incroyable alors qu’au départ, ce n’était pas ça.

Oui, au passage il faut vaincre le fameux syndrome de l’imposteur que l’on a tous. Aujourd’hui, internet est l’une des raisons principales de ce syndrome parce qu’on est tellement confronté à des gens qui sont forts dans tous les domaines. Mais effectivement, je crois que j’ai lu une stat, il n’y a que 2 ou 3% des gens qui créent du contenu, qui postent sur LinkedIn notamment, il faut faire partie de ces gens-là si on veut avancer.

Et on a tous quelque chose à apporter aux autres, il faut juste trouver les bonnes personnes donc il ne faut pas avoir peur.

On a tous une intersection de compétences.

Ah ça c’est joliment dit ! Je n’ai plus rien à dire après ça ! C’est juste parfait ! Laodis, un très grand merci pour ton partage d’expérience sur ce sujet qui est passionnant, merci pour ta venue dans le podcast Pourparler, c’était un vrai plaisir de t’avoir.

Merci à toi et félicitations pour tout ce que tu fais de ton côté ! Comme tu l’as dit, il y a effectivement beaucoup de points communs entre l’entreprenariat de manière générale et la négociation, et il y a des ponts dans tous les domaines qu’il faut explorer un maximum.

Un grand merci ! Merci à vous d’avoir écouté cet épisode de Pourparler et je vous dis à dans 2 semaines pour un nouvel épisode de Pourparler, le podcast de la négociation, merci !

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