Quel est le code de l’influence – Patrick Renvoise

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere et je suis négociateur professionnel. Mon métier, c’est de former, d’accompagner et d’assister des entreprises et organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner des clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’accueillir de San Francisco, Patrick Renvoisé. Bonjour Patrick !

Bonjour Julien.

Comment est-ce que ça va ?

Écoutez, à part le décalage horaire que l’on a, tout va très bien.

Il est 18 heures chez nous et 9 heures du matin à San Francisco. Je suis ravi de vous accueillir parce que j’ai lu avec beaucoup d’intérêt vos livres avant même que le podcast soit lancé. Est-ce que vous pourriez vous présenter pour les personnes qui ne vous connaissent pas encore Patrick s’il vous plait ?

Oui, je suis un ingénieur français qui a déménagé aux États-Unis il y a une trentaine d’années. J’ai passé ma vie dans la Silicon Valley. Au départ, je travaillais pour une boîte de computer qui était basée à Toulouse, ils m’ont donné un job dans la Silicon Valley, donc j’ai habité dans la Silicon Valley pendant 28 ans et je suis ce qu’on appelle un spécialiste de la négociation complexe, la vente complexe, parce que mon expertise consistait à vendre des choses chères et compliquées, donc j’ai fait ça pendant des années. Après ça, j’ai fait plusieurs start-ups comme tout le monde dans la Silicon Valley et comme je n’ai jamais réussi à vendre mon stock au bon moment, il y a à peu près une vingtaine d’années, j’ai décidé d’écrire un livre, et comme il y a à peu près 20 000 livres sur la vente et le marketing, je ne voulais pas juste écrire un livre pour le plaisir d’écrire un livre, je voulais écrire un livre qui soit un petit peu unique, donc j’ai trouvé un angle qui arrivait à marier mes 2 centres d’intérêt : mon intérêt pour la vente et le marketing, mais aussi mon intérêt pour le cerveau humain. Comme tout bon ingénieur français, je lis beaucoup et je lis beaucoup de livres sur le cerveau, la psychologie, etc. et donc j’ai réussi il y a à peu près 20 ans de ça à écrire un livre qui est un peu unique et qui a lancé une nouvelle branche du marketing, qui s’appelle le neuromarketing. Dans le neuromarketing, on a « neuro » qui veut dire le cerveau, la science du cerveau humain et le marketing qui veut dire « je vais essayer de vous vendre quelque chose ». Je me suis associé à un autre Français de la Silicon Valley qui s’appelle Christophe Morin, qui était CEO d’une boîte à San Francisco à l’époque et voilà. 20 ans plus tard, on est toujours ensemble, on a à peu près chacun 3 millions de miles sur les différentes airlines, on a fait le tour de la planète à peu près 20 fois, on a travaillé avec quelque chose comme 600 entreprises différentes et on a fait le training d’environ 200 000 personnes, 20 000 chefs d’entreprise inclus.

C’est intéressant de le souligner Patrick, je pense que c’est la même chose aux États-Unis qu’en France, mais il y a une sorte de mode de tout ce qui est neurosciences. Il y a 20 ans, le premier ouvrage que vous avez sorti, qui s’appelle Neuromarketing, c’est comme ça qu’il a été traduit en France, je crois que c’est la première fois que je lisais un ouvrage aussi précis sur le mode de fonctionnement du cerveau appliqué au marketing et à la vente parce que la spécificité de votre travail, c’est que quasiment tout repose sur des concepts scientifiques, c’est ça ?

 C’est la promesse que l’on s’est donnée. Si vous voulez, les gens vous disent que le marketing c’est autant une science qu’un art. La partie artistique, c’est non reproductible, et comme nous on est plutôt scientifique, on a essayé et on essaye toujours d’enlever le plus possible de la partie artistique du marketing. Aujourd’hui, je pense qu’on en est à 99%. Il reste encore quelques zones où l’aspect humain, émotionnel est difficile à modéliser, mais en fait, même les émotions sont modélisables puisqu’aujourd’hui il y a 22 modèles scientifiques des émotions.

Top ! ça me fait le parallèle, en négociation, on dit que la négociation est complexe et la notion de complexité, ça veut dire qu’il y a une asymétrie d’information, que l’information est imparfaite et que je suis dans un système avec du risque et de l’incertitude qui impactent mon modèle. D’une certaine manière, je ne sais pas ce que je ne sais pas, ça veut dire que c’est peut-être le pourcent qu’il reste sur cette partie de votre travail, c’est qu’on n’a pas tous les éléments et il y aussi des facteurs exogènes qui vont impacter la prise de décision. J’ai l’impression qu’on ne peut pas encore le résumer à une équation mathématiques.  

On n’en est pas loin ! L’équation est presque formée. La seule partie encore un peu floue, un peu non scientifique, c’est tout l’aspect contact humain. C’est ce qu’on appelle le relationnel, en anglais on appelle ça the rapport, parce qu’en fait homo sapiens est un animal social et homo sapiens aime bien acheter de gens qu’il aime bien. Fondamentalement, si vous et moi on entre dans une relation commerciale et que je ne vous aime pas, on va peut-être closer le deal, mais c’est quand même plus difficile et je risque d’avoir des exigences supérieures, donc pour définir ce qui fait qu’un homo sapiens aime bien un homo sapiens, il y a toute une partie rationnelle et il reste encore une petite partie non rationnelle. Je vais vous donner un exemple. Il y a un scientifique anglais qui a étudié le serrage de mains. Quand on rencontre quelqu’un, typiquement, la première chose que l’on fait c’est qu’on se sert la main, eh bien, la plupart des gens ne le savent pas, mais il existe une équation scientifique qui maximise votre probabilité de construire un rapport positif avec votre interlocuteur et cette équation est compliquée, longue, mais elle est scientifique. C’est un psychologue anglais qui a fait ça pour une grande marque de voitures américaine et même la poignée de main a été modélisée. Encore une fois, même dans la poignée de main, il va rester un petit aspect… par exemple, vous avez les ongles un petit peu sales, il n’a pas pris ça en compte dans sa formule, et si ça se trouve, la propreté des ongles a un impact sur la relation que je vais construire avec vous au moment où on se serre la main !

C’est incroyable ! Maintenant c’est un peu plus compliqué avec le confirment. C’est vraiment génial, je ne savais pas ça ! Alors vous avez modélisé une grosse partie du travail sur une infographie que l’on peut retrouver sur votre site internet, Neuromap, ce que je vous propose c’est peut-être qu’on rentre plus dans le détail du processus de persuasion parce qu’il est vraiment intéressant, il est en 4 étapes et je pense qu’il y a pas mal de choses que l’on peut aller chercher dans la vente, alors vous parliez de la vente complexe qui était votre cœur de métier, ce sont des cycles de vente assez longs, multi-interlocuteurs, avec des montants assez importants, mais il y a énormément de choses que l’on peut récupérer et utiliser sur de la vente one shot ou des cycles de vente beaucoup plus courts. Quelles sont ces 4 étapes de ce processus de persuasion sur lequel vous avez travaillé ? Et peut-être aussi quelques mots sur la façon dont le cerveau prend des décisions, je vois le cerveau qui est derrière vous, je vois le livre Persuasion Code, comment fonctionne le cerveau et puis peut-être après le parcours de persuasion ?

Je vais essayer d’utiliser un argument rationnel et d’utiliser un argument linéaire, c’est-à-dire de vous dire : il faut que vous achetiez mon produit parce que 1, 2 et 3, dans cet ordre-là, et cet enchainement logique de concepts intellectuels, si j’étais une machine rationnelle, j’arriverais à la conclusion qu’il faut que j’achète votre produit, mais en fait, depuis à peu près 20 ans – les travaux d’un chercheur qui s’appelle Daniel Kahneman, qui était un professeur de psychologie à Princeton et qui a gagné le prix Nobel d’économie en 2002 – Daniel Kahneman a démontré de manière irréprochable que quand on décide, quelle que soit la décision, on n’a pas un cerveau, on a 2 cerveaux. Si on prend un modèle du cerveau comme ici, dans la prise de décision, il y 2 étapes. La première étape est effectivement rationnelle et pour ça on utilise ce qu’on appelle le cerveau rationnel, c’est la partie externe du cerveau, que l’on appelle aussi de temps en temps le néocortex, le nouveau cortex, mais en fait Kahneman a démontré que ce cerveau est simplement un influenceur de la décision et ce n’est pas le décisionnaire. En fait, plus à l’intérieur du cerveau, on a une partie du cerveau qui s’appelle le cerveau primaire qui est formé de 3 sections différentes, d’une partie, le cerebellum, la fin de la colonne vertébrale, la partie qui unit les 2 hémisphères qui s’appelle le cerveau reptilien et le cerveau que l’on appelle le midbrain, le cerveau moyen, tout ça ensemble, ces 3 cerveaux, ça s’appelle le cerveau primaire et Kahneman a démontré et ça reçu le prix Nobel pour ces travaux que c’est ça le centre de la décision. Le process de l’influence de la décision démarre dans le cerveau primaire et irradie vers le néocortex, donc c’est un petit peu paradoxal, parce que ce que je viens de vous dire c’est que bien que l’on pense qu’homo sapiens est un être très intelligent, en fait la partie très intelligente de notre cerveau, ce n’est pas celle qui décide, elle a un vote mais le boss, c’est vraiment le cerveau primaire, c’est un cerveau que l’on partage avec tous les vertébrés. Tous les animaux vertébrés doivent prendre des décisions. Si vous prenez par un exemple un éléphant, la décision qu’il doit prendre c’est : est-ce que je vais aller à gauche ou est-ce que je vais aller à droite ? Est-ce que je vais manger ci ou est-ce que je vais manger ça ? Tous les vertébrés prennent des décisions et la plupart des vertébrés n’ont pratiquement pas de néocortex, c’est-à-dire que leur néocortex est quasi inexistant et pourtant ils prennent plein de décisions.

C’est génial, en plus ces deux cerveaux ont des objectifs légèrement différents si je me souviens bien.  

Ah oui complètement !

Autant ce système plutôt rationnel a une volonté d’exactitude et puis ça prend du temps, de l’énergie et de la motivation pour ne pas se tromper, autant l’autre partie du cerveau qui est plutôt intuitive a une volonté de bien-être, d’être heureux, c’est un avare cognitif comme nous disent Kahneman et Tversky, c’est-à-dire que moins il en fait, mieux il se porte.

 Exactement. Alors l’objectif principal du cerveau primaire est de vous maintenir en vie. C’est-à-dire qu’il essaye de maintenir votre corps dans un état qui s’appelle homeostasis : homeo qui veut dire le même, stasis, qui veut dire l’état. Le but de votre cerveau primaire est de maintenir votre corps à une certaine température, une certaine humidité, un certain PH, etc. C’est un cerveau qui est rapide. Le livre de Kahneman d’ailleurs s’appelle Thinking fast and slow.

En français, ça a été traduit par Système 1, système 2.

Voilà. Système 1, c’est le cerveau primaire, le cerveau rapide, c’est un cerveau réflexe. Tous les réflexes qu’il prend en permanence, c’est pour essayer de vous maintenir en vie. Système 2 c’est le néocortex, c’est ce qui nous rend uniquement humain, c’est un cerveau beaucoup plus sophistiqué, mais qui est lent. C’est le cerveau que l’on utilise par exemple quand on parle, le langage vient vraiment du néocortex, d’ailleurs, comme vous le savez, on est le seul animal aujourd’hui qui ait un langage très développé. Donc on a cette dualité entre le cerveau rapide dont l’objectif est de vous maintenir en vie et le cerveau lent dont l’objectif est d’avoir un certain confort, de maximiser les probabilités, etc. Et Kahneman a démontré que c’est le cerveau rapide qui décidait. En fait, c’est logique parce que la rapidité est plus importante pour la survie que l’intelligence. Une mouche par exemple a environ 20000 neurones dans son système nerveux, ça peut paraitre important, mais avec 20000 neurones, on ne peut pas faire grand-chose à part être une mouche. Par contraste, notre cerveau a 80 milliards de neurones, donc il est bien plus intelligent que celui d’une mouche. Par contre, les mouches survivent, et pourquoi les mouches survivent-elles ? Elles survivent uniquement avec l’idée qu’elles arrivent à échapper à votre main et elles arrivent à faire ça de manière très rapide. En fait, une mouche vit dans un espace de temps d’à peu près une demi-seconde, mais dans cette demi-seconde, la mouche est extrêmement efficace parce que le cerveau reptilien, même le nôtre, vit dans un lapse de temps très court. Dans le cas de l’humain, c’est à peu près 7 secondes, c’est ce que les experts appellent l’expérience immédiate. L’expérience immédiate, c’est une fenêtre de temps de 7 secondes et ça explique pourquoi on a du mal à économiser pour la retraite par exemple, parce que votre retraite n’est jamais dans cet intervalle de temps de 7 secondes. Donc votre cerveau rationnel a beau savoir que ce serait bien de mettre un peu d’argent de côté pour la retraite, parce que ça vous permettra de voyager, etc. oui, mais ce n’est pas le decision maker, donc à la fin de la journée, les gens n’arrivent pas à économiser. La découverte que Kahneman a faite il y a à peu près 20 ans, c’est la dominance du cerveau primaire, ce qu’il appelle système 1. Il a publié un livre, il a reçu le prix Nobel, il a fait beaucoup de recherches et nous, depuis 20 ans, on a pris les recherches de Kahneman et on a appliqué ce qu’il a trouvé à la vente et au marketing moderne.

C’est ce qui intéressant quand je vous écoute Patrick, c’est que là je suis en train de vous parler, c’est votre partie analytique qui m’écoute, qui est en train de transcoder le message pour votre cerveau, c’est le système 2, or, ce que vous m’avez dit, c’est que c’est le système 1 qui va prendre la décision d’achat ou de non-achat, de se mettre en action, comment est-ce que moi en émettant quelque chose qui vient de mon système 2 je peux toucher votre système 1, est-ce que c’est possible ?

C’est possible, mais c’est compliqué. Je ne sais pas comment répondre à votre question. En fait, quand les 2 cerveaux sont d’accord, la prise de décision est instantanée et tout va très bien. Là où ça ne va pas très bien, c’est quand les deux cerveaux ne sont pas d’accord. Alors bien entendu il y a plusieurs cas de figure quand les 2 cerveaux ne sont pas d’accord. Je vais vous donner un autre morceau d’information parce que ça va vous aider à comprendre.

Avec plaisir.

Le cerveau primaire, c’est aussi le cerveau de l’inconscient, donc votre cerveau primaire par exemple contrôle votre respiration, votre rythme cardiaque et comme vous le savez, vous ne pouvez pas contrôler votre rythme cardiaque. Si votre cœur se met à battre plus vite, il se met à battre plus vite. Si je vous dis : arrêtez de respirer, vous allez pouvoir arrêter de respirer pendant 30 secondes parce que c’est votre néocortex qui dit : Patrick m’a demandé d’arrêter de respirer, donc je vais arrêter de respirer pendant 30 secondes et puis au bout de 30 secondes, votre cerveau primaire va dire : non, non, maintenant il faut respirer parce que sinon je vais mourir, donc encore une fois, votre cerveau primaire gagne. Donc tout le but de la persuasion, c’est d’arriver à donner des éléments rationnels ou pseudo-rationnels au cerveau, au néocortex pour qu’il puisse communiquer avec le cerveau primaire en lui disant : regarde, ça parait logique de faire ça, je vais te donner toutes les informations qui ont des chances de te convaincre et à la fin de journée, si j’ai beaucoup de chance, ça va marcher. Mais toute l’idée c’est que ce cerveau primaire est un cerveau inconscient, c’est un cerveau qui marche beaucoup plus avec de l’émotionnel qu’avec du rationnel, mais il ne faut pas que l’émotion paraisse trop manipulatrice par exemple, parce que là le néocortex va se rebeller. Il y a un concept de la persuasion qui a été formulé par un chercheur américain qui s’appelle Robert Cialdini, qui a dit la chose suivante : « la persuasion marche mieux si la personne persuadée ne sait pas qu’elle est en train d’être persuadée », « persuasion works better when the persuaded don’t know they are being persuaded ». Si j’essaye de vous persuader en utilisant des arguments qui sont vraiment ésotériques etc., votre cerveau va se rebeller, ça ne va pas marcher. Donc toute l’idée de la persuasion c’est d’arriver à communiquer directement avec ce cerveau inconscient mais de le faire d’une manière intelligente pour que le cerveau ne se rebelle pas.

C’est vraiment intéressant parce que ça fait écho à pas mal de choses. Dans notre travail, on dit que dans les processus de vente ou de closing, personne n’aime se faire closer, on a horreur d’une démarche commerciale et de voir les ficelles…

Ça c’est particulier à la France ! Il faut bien dire qu’il y a une exception française de la vente, c’est-à-dire que dans la plupart des pays, surtout les pays anglo-saxons, vendre est une tâche relativement noble. En France, vendre n’est pas une tâche noble. C’est parce que les Français ne comprennent pas très bien la notion de win-win. En fait, vendre et acheter, les Américains ont une expression pour ça : « people love to buy but they hate to be sold », on adore acheter mais on n’aime pas être vendu, en fait c’est parce que tout l’acte de vente doit représenter un win-win. Imaginez que je vous vende un stylo, le stylo je vais vous le vendre à un certain prix, d’un côté, vous allez recevoir mon stylo, vous allez être content, d’un autre côté, ça va vous coûter 2 dollars, je vais être content parce que je vais recevoir les 2 dollars, normalement, dans une négociation, ça doit toujours être un win-win, si ce n’est pas un win-win, il n’y a pas de deal à la fin.

Sur le processus de persuasion sur lequel vous avez travaillé, il est en 4 étapes, c’est plutôt bien fait. La première étape, c’est diagnostiquer les frustrations, il y a 5 niveaux de frustration dans votre travail, est-ce que vous pouvez nous donner quelques éléments dessus Patrick ?

 Oui, peut être que je vais vous dire juste en quelques secondes quelques principes de fonctionnement de ce cerveau primaire. Aujourd’hui, tout un tas de chercheurs ont démontré que pour atteindre ce cerveau primaire, les stimuli doivent avoir une certaine composante. Il y a 6 composantes, on appelle ça « the six stimuli to the primal brain ». La première, c’est que le stimulus doit être personnel, pourquoi ? Parce que le cerveau primaire est un cerveau complètement égoïste, il ne s’inquiète que de sa propre survie. Le deuxième, c’est que le stimulus doit être constratable, c’est-à-dire le cerveau primaire ne peut réagir que quand il y a un certain changement d’état. Le troisième, c’est que ce stimulus doit être tangible, il doit être simple, pourquoi ? Parce que le cerveau primaire est aussi celui qu’on appelle le preverbal brain, le cerveau qui existait avant le langage, donc le stimulus doit être simple et tangible, le quatrième, c’est qu’il doit être mémorable, pourquoi ? Parce que typiquement la prise de décision n’a jamais lieu au moment où l’interaction entre le vendeur et l’acheteur a lieu et donc ce qu’il faut se rappeler quand on est vendeur, c’est que ce qui est important n’est pas ce qu’on dit à notre prospect juste maintenant, ce qui est important c’est de quoi notre prospect va se rappeler dans 3 minutes, dans 3 jours ou dans 3 ans, au moment où il va prendre la décision, donc le stimulus doit être mémorable. Il doit être principalement visuel, parce que de tous les sens, le sens visuel est le plus rapide. Le cerveau primaire est à 95% visuel, c’est pour ça que si je voulais vous faire peur, je pourrais vous faire peur en vous montrant un serpent. Si vous voyez un serpent, vous allez réagir instantanément plutôt que si je vous dis : Julien, vous devriez faire attention parce qu’il y a un reptile venimeux sous votre siège, si je vous parle d’un serpent, il va vous falloir une demi-heure pour comprendre et réagir, donc le stimulus visuel est beaucoup plus important. Il y a plein de raisons à ça. D’abord, l’œil a existé avant le cerveau rationnel. Le néocortex a à peu près 5 millions d’années, par contraste le cerveau primaire a 500 millions d’années, et l’œil existerait depuis à peu près 200 millions d’années, et d’autre part le nerf optique se connecte directement au cerveau primaire et là encore c’est un peu logique, une grenouille n’a pratiquement pas de cerveau néocortex et pourtant elle a des yeux. Encore une fois, ça veut dire qu’on avait des yeux avant d’avoir un cerveau néocortex, donc le stimulus visuel est très important et le dernier stimulus au cerveau primaire, c’est l’émotion, parce que l’émotion fondamentalement est très importante pour la survie. L’émotion de base qui nous aide à survivre, c’est la peur. Toutes nos prises de décisions sont basées dans notre inconscient sur la notion d’éliminer la peur et d’éliminer la douleur, bien sûr c’est la peur de mourir. Il y a 6 stimuli : personal, contrastable, tangible, memorable, visual and emotional. Donc en fonction de ces 6 stimuli, on en a déduit 4 étapes au process de la vente qui sont : diagnostiquer les frustrations, différencier les revendications, démontrer l’apport et déclencher la pulsion. Donc la première étape à laquelle vous faites référence, c’est l’importance de diagnostiquer la pain, pourquoi ? C’est très simple en fait. La plupart des vendeurs pensent que l’acte de vente consiste à parler, donc si j’essaye de vous convaincre que mon stylo est le meilleur stylo, je vais commencer à parler. En fait, un des tout premiers trainings de vente, un de mes meilleurs trainings de vente d’ailleurs, c’était le training fait par Xerox, les machines photocopieuses. Le training démarrait de la manière suivante : Julien, votre job va être de vendre ce stylo, allez-y, commencez. Et il n’y a qu’une seule bonne réponse, la bonne réponse ce n’est pas de commencer à parler du stylo, c’est de vous poser des questions pour savoir pourquoi vous avez besoin d’un stylo, donc si je suis un vendeur expérimenté, au lieu de vous parler de moi et de mon stylo, je vais vous dire : Julien, parlez-moi un peu de vos problèmes d’écriture, et là je vais engager un dialogue avec vous, ce dialogue on va appeler ça un diagnostic, qu’est-ce qu’un diagnostic ? C’est une partie de ping-pong entre un acheteur et un vendeur ou entre un patient et un docteur, le docteur c’est le vendeur, c’est l’expert dans le stylo, l’acheteur c’est le patient, c’est celui qui, dans la vente traditionnelle a un besoin, mais nous, on pense que le besoin est moins important que ce qu’on appelle les frustrations, ou en anglais, on a utilisé le mot pain. Donc tout l’acte de vente consiste à ce que le vendeur parle 20% du temps, mais qu’il fasse parler son prospect 80% du temps parce que là le prospect va s’auto-vendre, parce que le prospect, dans sa tête, il va y avoir un dialogue entre le cerveau rationnel et le cerveau primaire, entre le conscient et l’inconscient et peut-être que je vais découvrir qu’inconsciemment vous avez envie d’aller sur la lune, si vous allez sur la lune, vous avez besoin d’un stylo qui sache écrire en zero gravity environment, donc notre première étape, c’est de diagnostiquer les pains. Pour ce faire, ça requiert de la part du vendeur 2 expertises bien particulières. La première, c’est qu’il faut poser les bonnes questions. Bien sûr, si je suis cardiologue et que vous êtes un patient qui a un problème de cardiologie, il va me falloir 20 ans d’expérience en cardiologie pour pouvoir poser les bonnes questions pour comprendre votre condition. Poser les bonnes questions, ça parait évident mais ce n’est pas si évident que ça. Et en général, dès qu’on commence à parler de ventes complexes, il faut des années et des années d’expérience pour avoir un dialogue constructif entre le prospect et le vendeur. Ça, c’est la première étape : ask the right questions. Est-ce que vous pouvez deviner quelle est la deuxième expertise nécessaire pour faire un bon diagnostic de la pain, sachant que la première étape est de poser les bonnes questions ?

Peut-être connaître son environnement, être un expert du sujet, de l’écosystème ?

Ça reste dans la partie poser les bonnes questions, il faut être un expert dans son domaine. J’ai vendu des super computers, donc je peux faire un diagnostic à peu près correct dans le domaine des super computers, mais je ne connais pas grand-chose d’autre, donc je ne pourrais pas faire un bon diagnostic de cardiologue.

Une capacité d’empathie, de compréhension ?

 Oui, alors c’est plus généraliste que ça, on appelle ça l’écoute active. C’est-à-dire qu’un diagnostic implique l’écoute. Les gens ne le savent pas, mais des chercheurs ont modélisé ce qui fait que quelqu’un sait écouter. Il y a 5 skills particulières liées à l’écoute et donc il faut arriver à ce que les vendeurs écoutent, mais le problème est le suivant : on recrute des vendeurs pour leur capacité à parler et non pas leur capacité à écouter. Si vous réfléchissez bien, si on est d’accord qu’un diagnostic c’est 2 étapes : poser les bonnes questions, ça, ça requiert une certaine connaissance technique du domaine, mais il n’y a pas besoin de parler beaucoup, et dans la deuxième étape du diagnostic qui est l’écoute active, il n’y a pas besoin de parler, au contraire ! Il faut écouter, mais encore une fois ce n’est pas si facile que ça et mon expérience après avoir fait le training de milliers de gens, c’est qu’il y a certaines personnes qui pratiquement ne veulent pas changer dans la vie, leur cerveau primaire est très focalisé sur quelque chose et donc il y a des gens qui n’arriveront jamais à être bons dans l’écoute. Pourquoi ? Parce que la science de l’écoute n’est pas quelque chose de très facile.

Ce n’est pas évident et ce que vous dites, c’est top parce que nous, dans notre système d’influence, les 3 étapes si on doit les réduire au minimum, c’est : écouter, comprendre, influencer, et on ne peut pas influencer si on n’a pas écouté et compris, ça n’a pas de sens parce que convaincre ça veut dire vaincre et con- c’est un préfixe intensif qui veut dire de manière plus importante, c’est vous expliquer à quel point vous avez tort et à quel point j’ai raison, et donc c’est totalement ce que vous dites, c’est que vous ne pouvez pas avoir les bonnes questions si vous n’avez pas écouté, creusé, et je pense que le fait d’écouter va me permettre dans le diagnostic, d’aller de façon plus précise sur la douleur, la frustration et d’être de plus en plus pertinent pour, d’une certaine manière, rendre conscient ce qui peut être est inconscient chez mon interlocuteur ?

 Exactement, c’est ça tout le but du diagnostic. C’est d’arriver à rendre conscient quelque chose qui est inconscient. Donc encore une fois si j’essaye de vous vendre votre stylo, il y a peut-être un truc auquel vous n’avez pas pensé sur votre stylo, mais c’est vraiment le stylo que vous voulez. Je vais vous donner un exemple, c’est l’exemple le plus commun que l’on explique. Imaginez que vous vendiez de la pizza livrée à la maison. Mettez-vous dans les chaussures de la personne qui achète cette pizza et la question que je vais vous poser c’est : pouvez-vous me dire quelle est en moyenne la pain n°1 de l’acheteur de pizza aux États-Unis ? Je ne sais pas ce que c’est en France, mais l’étude a été faite aux États-Unis.

Moi je peux vous dire et surtout avec le confinement, c’est une heure, c’est l’attente.

 En fait, il y a à peu près 35 ans aux États-Unis, il y a une petite boutique de pizzas qui a fait cette étude, et elle s’est rendu compte que la pain n°1, c’est-à-dire cette émotion négative qui dicte le comportement du consommateur américain quand il s’agit d’acheter une pizza, c’était l’anxiété de ne pas savoir quand la pizza va arriver. Vous aviez raison, ça a trait au temps de livraison, mais c’était l’anxiété de ne pas savoir. Donc cette petite boutique de pizzas a utilisé un slogan pendant à peu près 30 ans : « Thirty minutes or less, or it’s free » et cette petite société s’appelle Domino’s Pizza et est devenue n°1 dans le domaine de la pizza. Quelle est la morale de mon histoire ? La morale de mon histoire, c’est que si vous vendez de la pizza, vous n’êtes pas dans le business de la pizza, vous êtes dans le business du FEDEX et la pizza est uniquement un accessoire pour éliminer cette pain n°1 et ce n’est pas un concept réservé aux directeurs marketing, en fait, tous les employés chez Domino’s savent qu’ils sont dans ce business de l’élimination de l’anxiété. D’ailleurs, récemment, Domino’s a lancé un logiciel qui s’appelle le pizza tracker qui vous donne en temps réel la position de la pizza, donc ils vous disent : Mary vient de fabriquer votre pizza, John a vérifié la qualité de la pizza et l’a chargée dans le four, Mary a mis la pizza dans la boite et John a mis la pizza dans le camion et voilà où est le camion. Donc pour éliminer complètement cette anxiété de ne pas savoir, Domino’s a développé un outil logiciel bien particulier qui s’appelle le pizza tracker.

C’est génial, parce que là on ne parle même pas de qualité de pizza là !

 La qualité de la pizza, c’est accessoire parce que la pain n°1, la frustration n°1 du consommateur américain, c’est l’anxiété de ne pas savoir. Maintenant, ils savent. Donc tout le but du diagnostic, c’est quoi ? C’est de faire comprendre à son prospect, de le faire prendre conscience qu’il avait une pain qu’il ne connaissait pas auparavant et cette pain réside au niveau du cerveau primaire, donc le mot que j’utilise c’est le mot de confession, c’est-à-dire que si on a l’opportunité d’interagir en live avec son prospect, tout le but du diagnostic c’est quoi ? C’est que le prospect confesse qu’il avait une pain qu’il ne connaissait pas avant le début du diagnostic, et donc l’idée c’est que le vendeur n’est plus un vendeur, il est un psychologue, il est un prêtre qui aide le prospect à faire sortir de son inconscient les pains, donc bien entendu on va passer 80% de notre temps à faire ça et au moment où j’aurais fini le diagnostic, c’est-à-dire au moment où mon prospect va faire sa confession et dire : ah oui, vous avez raison, j’ai tel et tel problème, ensuite on va se mettre à vendre, mais on ne va pas démarrer l’acte de vente, l’acte de persuasion avant que le prospect n’ait confessé cette pain. Bien sûr, pour les vendeurs, ça représente un changement radical parce que si vous donnez un stylo, la première chose que le vendeur va vouloir faire, c’est de vous parler du stylo.

C’est vraiment passionnant. Et puis vous dites l’importance de se positionner comme un psychologue, Kahneman était psychologue, vous avez parlé d’écoute active, Karl Rodgers était psychologue et pour moi les meilleurs sur l’influence ou la persuasion, ce sont généralement des thérapeutes, des psychologues qui travaillent dessus, c’est passionnant ! Une fois que j’ai diagnostiqué cette frustration de ne pas savoir quand ma pizza va arriver, vous m’avez dit quelque chose qui est vraiment intéressante et ça va peut-être nous permettre d’arriver à cette deuxième étape : « livrée en moins de 30 minutes ou c’est gratuit », je pense qu’il y a 20 ans, ça devait être les premiers à faire ça, ça devait être assez unique comme démarche et cette seconde étape, d’une certaine manière, c’est ce que vous avez dit tout à l’heure, c’est : comment est-ce que je différencie ma revendication, en tout cas, ce que je peux apporter à l’autre. C’est bien ça ?

 Absolument ! Le problème c’est que la plupart des gens qui fabriquent de la pizza pensent qu’ils sont dans le business de la pizza. Donc quand ça va être leur tour de vendre, ils vont avoir un biais cognitif, ils vont avoir envie de vous parler de la pizza, ils vont vous parler de la qualité de la pizza, des anchois qu’ils utilisent, etc. Mais en fait, comme la pain n°1 n’a rien à voir avec la qualité de la pizza, eh bien Domino’s a réussi à se créer une petite niche, pas si petite puisqu’ils sont devenus n°1 dans le business, mais vous avez absolument raison, donc la deuxième étape, il est intéressant de la faire parce que fondamentalement le cerveau reptilien, le cerveau primaire, s’intéresse au contraste. Le problème c’est qu’aujourd’hui 98% des sites web démarrent par la même phrase : « We are one of the leading providers », « Nous sommes un des principaux fournisseurs de telle et telle chose » et bien entendu vos concurrents disent exactement la même chose, donc il n’y a absolument aucun contraste entre les différents messages, les différents concurrents. Nous, on dit : ça ne marche pas parce que le cerveau reptilien est sensible au contraste, il faut être capable de dire : nous sommes les seuls fournisseurs de… et bien entendu il faut finir cette phrase avec ce qu’on appelle les claims. Dans le cas de Domino’s, leur claim, leur revendication est très simple, elle est de dire : on va vous livrer votre pizza en 30 minutes ou moins, sinon – la manière dont ils le prouvent – c’est gratuit. C’est ça qu’on appelle le concept de claim. C’est-à-dire qu’aujourd’hui vous avez plein de concurrents, la plupart des concurrents vendent des choses terriblement similaires à ce que vous vendez et vu par les yeux du prospect, il y a très peu de contraste entre les différentes solutions et pour augmenter ce contraste, on va se forcer à trouver quelque chose d’unique à notre solution, mais ça veut aussi dire que si vous vendez une voiture, ça ne sert à rien de parler des ceintures de sécurité, pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui toutes les voitures ont des ceintures de sécurité. Par contre, si ce qui est unique à votre voiture, c’est un truc qui tient la tasse de thé ou de café, eh bien il va falloir que vous ne parliez que de ce cup holder. En France, on a une culture très technique, très ingénieure, quand vous demandez à un ingénieur de vendre quelque chose, l’ingénieur va vous donner 127 raisons d’acheter son produit, pourquoi ? Parce qu’on est excité par la technologie, on veut vous parler de tous les détails, mais d’un point de vue persuasion ça marche très mal, parce qu’il vaut mieux se focaliser sur une ou deux choses uniques plutôt que de parler de tous les autres trucs que les concurrents offrent plus ou moins de manière équivalente. Donc c’est ça la notion de différencier les revendications, il faut être capable de dire nous sommes les seuls fournisseurs, pourquoi ? Parce que s’il n’y a rien d’unique, la seule chose que le prospect va rechercher, c’est un prix plus faible : si j’ai 2 bouteilles d’eau qui sont identiques mais l’une est 20 centimes moins chère que l’autre, je vais prendre celle qui est moins chère. Pour éviter de se battre sur le prix, il faut arriver à différencier ses revendications le plus possible.

C’est ce qu’on appelle la proposition de valeur unique.

 USP en anglais, unique selling proposition.

 Tout à fait. C’est : comment on se différencie dans notre proposition de valeur, dans notre manière de solutionner le problème de l’autre et si on n’a rien qui nous différencie, le seul critère qui nous différenciera, c’est le prix, et on aura en face de nous des gens qui nous diront : soit vous vous alignez avec votre compétiteur qui fait exactement la même chose, soit vous sortez. Une fois que j’ai démontré que j’étais le premier, l’unique à faire ça sur mon secteur d’activité, on arrive à ce côté un peu plus relationnel j’imagine : comment est-ce que je le montre, comment est-ce que je le démontre ?

 Ça c’est l’étape n°3. Après avoir différencié votre offre, il faut réussir à démontrer le gain, la valeur ou l’apport. Dans le cas de Domino’s Pizza, leur revendication c’est « 30 minutes ou moins », mais la preuve, la manière dont ils l’ont démontrée c’est de dire « or it’s free », c’est-à-dire que s’ils ratent cette fenêtre de 30 minutes, vous n’aurez pas à payer la pizza. Donc dans le cas de Domino’s, ils l’ont démontré, ils vous ont donné une démonstration en mettant leur tête sur le billot en disant : or it’s free. En fait, l’analyse de la valeur, c’est un peu compliqué donc on a créé un modèle très simple qui explique la chose suivante, d’abord, il existe 3 types de valeurs. Quand quelqu’un achète quelque chose, la valeur qu’il va en tirer aura une composante éventuellement financière, c’est tout ce qu’on appelle le return on investisment or total cost of ownership, c’est tout ce qui peut être attaché à un signe euro ou dollar. La deuxième dimension de la valeur est une dimension stratégique pour un business, c’est tout ce qui peut être bon pour le business, mais difficilement quantifiable en termes d’argent.

Par exemple ? C’est quoi ? C’est une réputation ? Ce sont des recommandations ? C’est une acquisition stratégique à long-terme ?

Imaginez que vous soyez Volvo. Quelle est la claim de Volvo ? La revendication unique de Volvo, c’est la sécurité, pourquoi ? Parce que pendant des années, Volvo vous a dit, si vous voulez une voiture safe, il faut acheter une Volvo. Imaginez maintenant que je veuille vendre des plastiques pour les tableaux de bord de voiture et que vous soyez l’acheteur chez Volvo. Je pourrais vous dire : vous devriez acheter mon plastique, si vous l’achetez, ça va vous faire économiser 1 million d’euros à la fin de l’année parce que mes plastiques sont un petit peu moins chers que ceux que vous achetez aujourd’hui, vous en achetez 200 tonnes par an, je vais vous en vendre tant de tonnes, à tel prix, à la fin de la journée, ça vous faire économiser 1 million d’euros, ça c’est la valeur financière. Maintenant, imaginez que mes plastiques augmentent le coefficient de sécurité du tableau de bord parce que le plastique est plus épais, il est plus souple, ça ne veut pas dire que vous allez vendre plus de Volvo demain, ça ne veut pas dire que vous allez économiser de l’argent, cette valeur-là est stratégique, pourquoi ? Parce que la sécurité est un concept stratégique pour Volvo. Encore une fois : valeur financière, valeur stratégique et il existe un troisième type de valeur qui est la valeur personnelle, c’est-à-dire comment, pour toutes les personnes impliquées dans la prise de décision, votre produit va changer leur vie personnelle, par exemple avoir moins de stress, devenir le héros, travailler moins ou recevoir leur bonus à la fin de l’année, donc toutes ces valeurs-là jouent sur l’individu parce que l’individu est égoïste. Donc si je vous dis : si vous achetez mes plastiques de tableau de bord, vous allez devenir un héros chez Volvo parce que nos plastiques ont un coefficient d’index de sécurité de 97% au lieu de 92% pour celui que vous avez aujourd’hui, et tout le monde chez Volvo aiment la sécurité, vous allez devenir le héros, vous allez être promu et allez devenir le directeur général de Volvo. Cette information-là va biaiser votre prise de décision parce que vous êtes égoïste. Toute l’idée de la valeur est la chose suivante : quel que soit le prix de vente qui est fixé, plus j’arrive à maximiser la valeur financière, la valeur stratégique et la valeur personnelle, plus j’ai de chances de vous le vendre. Parce que bien entendu, si je vous vends des diamants au prix du verre, vous allez venir acheter mes diamants à la pelle, donc il faut arriver à maximiser ces valeurs financière, stratégique et personnelle. Ce qu’on dit c’est que oui, c’est bien, mais ça ne suffit pas ! Non seulement, il faut maximiser la valeur, mais il faut aussi optimiser le type de preuve que vous utilisez. Parce que si je vous dis par exemple : Julien, vous devriez acheter mon bouquin parce que si vous achetez mon bouquin, ça va vous permettre de vendre 20% de plus l’année prochaine. Je vous ai dit : 20% de plus. C’est une valeur financière, vous allez calculer : si j’achète le bouquin de Patrick, l’année prochaine, je vais gagner 20 000 euros en plus, vous avez quantifié cette valeur, mais elle n’est pas prouvée, c’est-à-dire que je ne vous ai donné absolument aucune preuve qu’en achetant mon bouquin, vous allez gagner ça. S’il existe 3 types de valeur, on a trouvé qu’il existait 4 types de preuves, donc on peut organiser la valeur sous forme d’une matrice et le deuxième concept qu’il faut quand on s’intéresse à la démonstration de la valeur, c’est maximiser le type de preuves que l’on utilise. On a trouvé qu’il existait 4 types de preuves qui sont organisées de manière descendante en impact. Le type de preuve le plus fort, c’est un cas client. Dans le cas de mon bouquin par exemple, plutôt que ce soit moi qui vous dise : achetez mon bouquin, que vous rencontriez un type qui s’appelle François et que François vous dise : Julien, tu devrais vraiment acheter le bouquin de Patrick, si tu l’achètes, ça va augmenter tes ventes de 20% par an. La preuve, moi j’ai lu le bouquin de Patrick et l’année dernière j’ai augmenté mes ventes de 15%. Un cas client, c’est une tiers personne et ce n’est pas une projection sur le futur, c’est utiliser le passé pour prédire ce qu’il va se passer avec un prospect. Dans la plupart des cas, le meilleur type de preuve est ce qu’on appelle un cas client. Le deuxième type de preuve, c’est une démonstration au sens d’utiliser de la logique. Dans le cas de Domino’s, quand Domino’s vous a dit « 30 minutes ou moins, ou c’est gratuit », le « ou c’est gratuit » devient une démonstration de la preuve de la valeur et dans ce cas de figure, c’est une preuve assez bonne. Domino’s aurait pu choisir autre chose ou un cas client qui aurait pu être : « le petit fils de Paul Bocuse achète ses pizzas chez Domino’s ». Là, je vais utiliser un cas client pour essayer de vous convaincre d’acheter votre pizza chez Domino’s. Donc, premier type de preuve, cas client, deuxième type de preuve, démonstration, troisième type, des données au sens marketing, au sens numérisation : en moyenne les gens qui achètent notre bouquin augmentent leur revenu de 15% un an après l’avoir lu.

Sur un échantillon de tant de personnes…

Sur un échantillon de 1000 personnes. Le problème, c’est que le cerveau primaire n’est pas très sensible aux données parce qu’elles sont toujours ouvertes à l’interprétation, donc utiliser des données peut marcher ou peut ne pas marcher. Et le dernier type de preuve, c’est ce qu’on appelle une vision, c’est quand vous dites à votre client : faites-moi confiance, si vous achetez mon bouquin, vous allez augmenter vos revenus de 20% l’année prochaine, je n’en ai aucune preuve, mais pour vous convaincre, je vais typiquement utiliser une histoire, une métaphore ou une analogie pour que vous arriviez à me croire. La vision c’est typiquement quand il y a une absence de preuve, mais que l’on dit à son client : crois moi julien, achète mon bouquin, si tu l’achètes, tu vas augmenter tes revenus de 20% l’année prochaine. Encore une fois, 3 types de valeurs, 4 types de preuve : customer case, démo, data, vision et tout l’objectif de l‘acte, de la démonstration du gain, c’est d’arriver à maximiser la quantité de valeur et à optimiser le type de preuve pour que la personne qu’on essaye de persuader accepte cette preuve.

Génial, très clair. Donc si je dis que le livre que j’ai sous les yeux qui en français s’appelle Décoder la persuasion, que j’ai adoré le livre et que j’invite vraiment les auditeurs et les gens qui vont regarder le podcast à le lire parce qu’il est extrêmement complet et intéressant et game changer dans la vente de façon générale, c’est du customer case, un cas personnel. Une fois qu’on a fait tout ça, j’imagine qu’il y a un trigger, quelque chose pour déclencher la décision parce que maintenant il faut qu’il achète, qu’il vende, qu’il se mette en action, est-ce qu’il y a des façons de l’appréhender aussi avec cette approche scientifique Patrick ?

Alors là ça devient compliqué, c’est l’étape 4 dans le process. On a parlé des pains, des claims et des gains et pour toute cette partie pour déclencher la pulsion, déclencher la décision, il faut rentrer dans ce modèle qui devient plus fin. L’idée est d’arriver à communiquer des preuves de la valeur. Au centre du message, on doit avoir ces preuves de la valeur, c’est l’étape n°3, mais comme le cerveau n’est pas rationnel, qu’il est plus émotionnel, qu’il n’est pas linéaire, il faut arriver à entourer ces propositions de valeur d’un certain nombre d’éléments pour les rendre plus acceptables pour notre cerveau primaire qui est émotionnel et non rationnel, etc. Donc là, il faut rentrer beaucoup plus dans le détail et l’idée est de dire : comment trouver un angle qui va être communiqué de manière relativement rationnelle, mais qui déclenche la bonne émotion au niveau du cerveau primaire ? Dans notre livre, on donne pas mal de conseils. Je vais vous donner un exemple. Imaginez que j’essaye de vous vendre quelque chose de très compliqué et très cher, qui vaut 100 millions d’euros et qu’à la fin de la journée, ma proposition de valeur, c’est que ma solution est plus flexible, c’est-à-dire que si vous l’achetez aujourd’hui et que vos besoins changent, eh bien dans 5 ans, en twistant un peu ma solution, ça va marcher et ce ne va pas vous coûter une fortune de faire ça. Je peux vous parler du concept de flexibilité pendant des heures et des heures mais fondamentalement, ça ne veut rien dire ce concept de flexibilité, alors que si je prends un objet en disant aujourd’hui voilà ma solution, vous allez l’installer dans votre société, elle va être précise, elle est en acier inoxydable, vous voyez, elle brille, c’est une solution parfaite ! Par contre, si vos besoins changent demain, ma solution va être flexible et va s’adapter.

Pour les gens qui ne voient pas, Patrick, vous avez une règle entre les mains et cette règle qui est en fer est totalement flexible, et en fait, ce que vous faites, c’est une démonstration, c’est extrêmement visuel, c’est extrêmement simple à comprendre et votre message m’impacte, je n’ai pas besoin d’aller chercher trop loin pour comprendre ce que vous êtes en train de m’expliquer. Top ! 

Donc utiliser un objet qui devient une représentation symbolique de votre proposition de valeur, dans ce cas la flexibilité, ça aide le cerveau primaire de votre audience à comprendre ce que ça veut dire alors que si je vous parle de flexible, ça reste un concept intellectuel que votre cerveau rationnel va comprendre mais comme ce n’est pas votre cerveau rationnel qui va prendre la décision, il faut arriver à imaginer une méthode de communication et donc utiliser un objet est l’une des techniques.

Et puis c’est mémorable. C’est-à-dire que moi votre exemple avec la règle, je sais que je vais m’en servir, c’est visuel, c’est mémorable, c’est top !

C’est tangible. Pourquoi ? Parce que par définition un objet déclenche 2 ou 3 des stimuli qui sont nécessaires au cerveau reptilien pour comprendre un concept. Une autre technique, c’est d’utiliser une histoire. Il faut une histoire avec une punchline, une chute. Il faut qu’au moment où je communique ma chute, vous compreniez immédiatement l’intérêt d’avoir quelque chose de flexible. Je pourrais vous dire : la flexibilité, oui la dernière fois je partais en vacances en Norvège, je voulais aller à la pêche, j’avais 2 types de cannes à pêche, j’en avais une qui était rigide et malheureusement, je n’ai pas pu la rentrer dans l’avion, mais ô bonheur, j’avais pris ma canne la plus flexible, et cette canne, j’ai réussi à la plier pour la faire tenir dans le compartiment des bagages de l’avion, ce qui m’a permis d‘attraper la truite de mes rêves. Là bien entendu, l’histoire n’était pas préparée, mais il faut que j’arrive à vous raconter une histoire et qu’au moment où je déclenche la chute, vous puissiez vous dire : ah ! Il a complètement raison, il faut vraiment que j’achète une canne à pêche flexible.

Bien sûr, en plus l’histoire, cette notion de storytelling, de vivre une émotion, je suis à fond dedans et ça va m’apparaitre comme une évidence ! C’est top ! Merci beaucoup Patrick. C’est compliqué de parler de tout ce travail en une heure, parce qu’il me passionne au plus haut point. En tous cas, c’était extrêmement concret et ça apportait un regard éclairé. Si les gens veulent aller plus loin, je mettrai les liens vers votre site internet qui est SalesBrain.com de mémoire et sur vos livres que l’on peut retrouver sur Amazon, j’ai l’habitude de poser une dernière question, Patrick, donc je vais vous la poser maintenant : si le Patrick d’aujourd’hui devait rencontrer le Patrick quand il avait 20 ans, quel est le conseil qu’il lui donnerait ?

Si j’avais su il y a 20 ans ce que je sais maintenant, c’est sûr que j’aurais économisé beaucoup de salive dans la vente. J’ai été relativement successufll dans ma carrière de vendeur, mais si j’avais eu quelqu’un qui avait pu m’apprendre cette notion de frustration / revendication / apport, si j’avais su l’impact du cerveau primaire quand j’avais 20 ans, je pense qu’effectivement ma vie aurait été très différente. En fait, ce que je fais, c’est que je m’attache à communiquer ça aujourd’hui à mon fils qui a 23 ans et depuis tout petit, il entend parler du cerveau primaire et je pense qu’il va être un négociateur et un vendeur redoutable. Il veut se lancer dans l’immobilier. Je ne sais pas si vous avez vu, il y a une série française sur Netflix qui s’appelle l’Agence parisienne, c’est une famille de gens qui habitent à Boulogne et qui vendent des appartements de très haut luxe, qui valent 5 millions d’euros et plus et leur approche des choses est complètement reptilienne, c’est-à-dire que je peux expliquer avec mon modèle de manière très simple et très rationnelle tout ce qu’ils font et pourquoi ça fonctionne et donc mon objectif aujourd’hui – j’aurais aimé que quelqu’un m’apprenne ça il y a 20 ans – en tant que père de famille, je m’applique à ce que mon fils l’apprenne

Je ne connaissais pas l’Agence parisienne, je vais regarder ça ce soir, une fois qu’on aura raccroché.

C’est très intéressant cette émission pour comprendre la psychologie de l’acheteur et ce que fait le vendeur dans le domaine de l’immobilier de haut de gamme

Parfait, donc si vous voulez gagner 20 ou 30 années, il faut lire Décoder la persuasion, la révolution du neuromarketing, c’est vraiment intéressant et je ne suis pas incentivé sur les ventes, je vous le dis en toute honnêteté, c’est un livre que j’ai adoré, qui est dans mon top 5 je pense, tous livres confondus et j’en ai lu 2-3. Un grand merci Patrick pour la qualité de l’échange et pour ce call à 9 heures de San Francisco !

Merci Julien, bonsoir !

Merci beaucoup et pour nous, on se dit à dans 2 semaines pour un nouvel épisode de Pourparler, le podcast de la négociation ! Merci beaucoup !

 

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