Apprendre à négocier avec soi même – Lousin Mehrabi

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere, je suis négociateur professionnel. Mon métier est de former, accompagner et assister des entreprises ou organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner des clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir, en direct de Dubaï, Lousin Mehrabi. Salut Lousin !

Bonjour Julien.

Comment est-ce que tu vas ?

Écoute, très bien. Il fait très chaud ici, mais on ne se plaint pas.

J’ai l’impression qu’il fait chaud un peu partout dans le monde en ce moment. Je suis ravi de t’avoir. Ça fait quelque temps qu’on se connaît et qu’on échange, mais surtout, ce Pourparler, ce podcast de la négociation, tu n’y es pas pour rien. Tu es un petit peu à l’origine du concept, pas forcément du podcast, mais en tous cas de cette notion de fédérer une communauté, d’échanger, alors au départ, c’était plus à l’écrit ou sur LinkedIn, en tous cas, je tenais à te remercier de ces échanges qui m’avaient permis de prendre une certaine réflexion là-dessus et qui m’avaient donné cette idée de podcast. Merci beaucoup Lousin.

Je t’en prie. C’est toujours un plaisir d’échanger avec toi. C’est fun et c’est enrichissant, donc avec grand plaisir !

C’est adorable ! Aujourd’hui, on va parler d’un sujet qui est assez particulier parce qu’il n’est pas forcément intuitif, même pour nous qui faisons de la négociation au quotidien, c’est cette notion de « négocier avec soi-même », puisque généralement, on a l’impression que quand on négocie, il faut au minimum être deux, que c’est un processus d’accord avec plusieurs personnes. Toi, tu as travaillé sur un modèle de négociation avec soi-même, avant de négocier avec son écosystème, et je trouvais assez intéressant d’en parler. Il y a pas mal d’acronymes qui vont être en anglais parce que tu négocies beaucoup en anglais, on va en parler, mais est-ce que déjà tu peux te présenter pour les gens qui ne te connaissent pas encore ? Tu as une grosse communauté sur LinkedIn, quasi-influenceuse LinkedIn, en tous cas sur le domaine de la négociation, c’est sûr !  

Donc, Lousin Mehrabi, je suis négociatrice professionnelle, j’habite à Dubaï comme tu disais, j’ai beaucoup d’origines et le français est ma cinquième langue, donc tu me pardonneras les erreurs, et comme toi, j’accompagne les entreprises dans la formation des dirigeants, dans l’accompagnement quand il y a des négociations complexes et j’anime également des conférences, des conférences que j’espère inspirantes, sur comment négocier avec les autres, comment négocier avec soi-même et comment négocier avec la vie. Donc en effet, j’ai donné une touche qui n’est peut-être pas intuitive, mais qui pour moi est très intuitive parce qu’à chaque table de négociation, il y a la même personne, qui est toi-même. Donc comment peut-on devenir un bon négociateur sans se connaitre soi-même, sans connaitre ce qui nous influence, comment on réagit en cas de crise, comment on réagit en cas de stress ? Je pense que pour être un bon négociateur, il faut se connaitre et il faut très bien se connaitre, et ça passe par un travail parce que cette partie-là n’est peut-être pas intuitive. On pense tous se connaitre, mais ce n’est pas forcément le cas, et comme j’ai fait une année d’executive coaching à HEC, j’en ai profité pour apprendre un maximum de choses sur tout ce qui est développement personnel, tout ce qui est psychologie et influence, et j’utilise ça dans la vie de tous les jours quand je négocie avec les autres, et puis tous les jours, parce qu’un travail sur soi-même ne s’arrête jamais.

Je suis complètement aligné avec ce que tu viens de dire. Je pense que notre plus gros adversaire, notre plus grand ennemi dans la négociation, généralement, c’est nous-même et c’est important d’apprendre à se connaitre. On peut avoir l’impression de se connaitre, mais c’est toujours dans les environnements assez déstabilisants qu’on est amené à découvrir de nouvelles facettes de soi. Est-ce que tu peux nous parler un peu de ton référentiel sur cette première étape de connaissance de soi-même, que l’on retrouve dans l’intelligence émotionnelle qui dit qu’avant d’essayer de comprendre les autres il faut déjà se recentrer sur soi, est-ce que tu peux nous parler un peu de ce qu’est le Scale Up, qui est ton référentiel sur cette négociation avec soi-même ou avec la vie ? Et ces mots « avec la vie » sont intéressants, j’aimerais qu’on puisse y revenir, qu’est-ce que tu mets dessus ? C’est quoi ta vision là-dessus ? Parce que ce n’est pas un mot qui est anodin pour toi et j’aimerais qu’on en parle après.

Avec plaisir. Scale Up, c’est la méthode que j’ai créée dans ma tête, ça n’existe pas dans un livre ou autre, mais en ayant travaillé avec énormément de gens pendant les 20 dernières années, que ce soit en vente, en stratégie, pendant ma première carrière en finance, en salle de marché, j’ai négocié énormément, avec d’autres banques d’investissements, avec la bourse, avec des régulateurs, des marchés financiers, c’est un peu le monde dans lequel j’ai grandi, en France, aux Pays Bas, et puis j’ai vu que peu importe dans quel pays on négociait, peu importe sur quel sujet on négociait, peu importe avec qui on négociait, il y avait quelques références qui revenaient tout le temps et c’était tout simplement l’aspect humain. On a tous, universellement, les mêmes peurs, les mêmes contraintes, les mêmes envies. Finalement, on est beaucoup plus identiques que ce qu’on souhaite croire, et à partir du moment où on a un objectif d’aller de A à B, il y a des étapes et c’est risqué de sauter des étapes, de vouloir aller plus vite. Ayant accompagné des milliers de personnes et formé encore plus, j’ai vu qu’il y avait un fil rouge, quelque chose que l’on peut reconnaitre chez la plupart des gens, une forme d’ordre dans lequel, si on passe par ces étapes-là, on grandit, on augmente nos chances de réussir

Quelle que soit la culture ? Parce que toi tu es worldwide, tu le disais tout à l’heure, le français est ta cinquième langue, tu as voyagé et tu as travaillé dans le monde entier à peu de choses près, et je pense que tu as une vision des cultures bien plus précise que beaucoup de personnes. Quelle que soient les cultures dans lesquelles tu as pu évoluer, ces étapes restent quasiment les mêmes ?

Oui. C’est ce que j’ai vu et c’est ça qui est incroyable et je continue de le tester, de l’adapter, mais oui, à quelques petits détails culturels près, ça reste la même chose.

Est-ce que tu peux nous parler un peu de ces différentes étapes et de comment tu les appréhendes, comment tu les approches s’il te plait ?  

A partir du moment où on a un objectif, il y a cette méthode Scale up que j’utilise. Ce sont 7 étapes et je veux bien te donner les détails, c’est en anglais, je suis désolée.

Pas de problème.

La première lettre, c’est le S pour start, c’est-à-dire qu’il faut bien commencer. Il y a énormément de gens qui ont un objectif, mais ça devient un rêve parce qu’on y pense et on ne fait rien pour y arriver, donc la première étape c’est déjà de prendre l’initiative, de faire quelque chose.

Se mettre dans une logique d’engagement.

Exactement, commencer. Ensuite, la deuxième lettre, c’est le C de comprehend, c’est toute la partie analytique, comprendre ce qu’il se passe, de quoi j’ai besoin, quel est mon objectif, quelles sont les skills dont j’ai besoin, les gens avec qui je dois me connecter. Très objectivement, comprendre la situation. C’est un peu ce qu’on fait en négociation quand on essaye d’analyser le marché, la personne, le client. C’est la partie analytique, objective, il n’y a pas d’émotions là, c’est l’effet, et on essaye de comprendre dans quelle situation on se trouve.

Et ça, tu le fais avec toi-même ?

Tu le fais avec toi-même et avec la situation. Tu essayes de comprendre. En gros, sur quelle table je suis en train de jouer.

Une compréhension de ton écosystème, des différents acteurs, est-ce qu’il y a une compréhension des émotions que je suis en train de vivre en disant : là, je suis en colère, pourquoi est-ce que je suis en colère, qu’est-ce qu’il a fait dans son attitude qui m’a mis en colère, ça fait écho à quoi chez moi ?

Bien sûr, c’est une réflexion sur la situation et sur soi-même. J’ai un objectif, je veux aller de A à B, quelles sont les compétences que j’ai ? Ça peut être des skills très rationnelles, mais c’est aussi la partie intelligence émotionnelle : est-ce que j’ai ce qu’il faut pour atteindre cet objectif ?

D’accord, et qui arrive derrière cette étape de start, qui est vraiment cette notion de maintenant j’y vais. Donc je me mets en déséquilibre puisque c’est un premier pas et c’est une succession de déséquilibres pour avancer, et une fois que je suis dedans, je commence à analyser mon environnement avant de prendre une première décision, c’est ça ?

C’est ça.

Ok, top ! 

Une fois qu’on a fait ça, c’est une étape que beaucoup de gens oublient, c’est l’acceptation. A pour accepter. Accepter la situation telle qu’elle est, donc accepter les skills que l’on a, mais aussi les défauts, accepter ce qu’il nous manque, donc accepter, par exemple, de devoir demander de l’aide, de faire une formation, de se connecter avec quelqu’un. C’est accepter où on est aujourd’hui et ça peut paraitre très simple, oui on accepte, mais finalement on n’accepte pas parce qu’on veut tellement ce qu’on n’a pas encore ou la chose qu’on n’a pas encore atteinte, que parfois l’acceptation d’où on est aujourd’hui est difficile. Je donne un exemple : il y a d’excellents négociateurs que l’on connait tous les deux et qui veulent lancer un site web, un LinkedIn ou quelque chose, mais qui n’acceptent pas qu’ils ne se soient pas encore lancés sur ce terrain et donc qu’ils n’aient pas beaucoup de followers. Ils n’acceptent pas et disent : je ne me lance pas parce que je ne veux pas apparaitre comme débutant. Donc c’est : je veux aller sur LinkedIn, je veux avoir de l’influence sur LinkedIn, mais je n’accepte pas qu’aujourd’hui je n’y sois pas et donc forcément que j’aie 0 followers, tu vois ce que je veux dire ?

Complètement. Est-ce que le mot résilience est adapté à ça ? Ou est-ce que c’est plus une situation comme on le voit dans la philosophie grecque, il y a des choses qui dépendent de nous et des choses qui ne dépendent pas de nous, en tous cas, la perception de la situation dépend de nous, mais la situation telle qu’elle est ne dépend pas de nous et je l’accepte avec ses aspects positifs et négatifs, c’est bien ça ?

Il y a l’aspect contrôle, ça c’est sûr, mais je dirais que c’est plus accepter ce qui est, ça parait simple, mais c’est tellement difficile.

Ce n’est pas simple parce que j’imagine que quand tu acceptes ce qui ne dépend pas de toi, tu trouves une sorte de paix intérieure…

Oui, mais tu dois aussi accepter ce qui dépend de toi. Donc aujourd’hui par exemple tu as un objectif, mais le fait de ne pas l’avoir encore atteint, ça dépend de toi. Donc, accepter où tu es aujourd’hui, accepter qui tu es aujourd’hui, et là, c’est bien évidemment, un énorme travail sur soi. Accepter qui on est.

Avec ses forces et ses faiblesses.

 Exactement, et son histoire, son éducation, ses traumatismes et tout ce qui s’est passé. Accepter qui on est, où on est, comme on est.

C’est fort.

 C’est très fort, et vraiment, quand on arrive à ce point, je pense qu’il y a très peu de gens au monde qui en sont là, donc c’est pour ça que ça reste toujours un objectif intéressant.

Et qui peuvent nous toucher sur ce qu’on n’est pas ou ce qu’on voudrait être puisque, d’une certaine manière, je ne sais pas si je mets les bons mots dessus, mais cette phase d’acceptation est une phase de paix avec soi-même ? 

Absolument, et c’est pour ça que je parle de négocier avec soi-même. Une fois que l’on a ça, ce qui est déjà très difficile, on va encore plus loin avec la lettre L, qui est love. Là, c’est non seulement on s’accepte comme on est, mais on va carrément faire un pas pour s’aimer. C’est pareil, beaucoup disent : je m’aime, mais non, il y a beaucoup de gens qui ne s’aiment pas. Ça, c’est un énorme travail parce que ça veut dire qu’il y a tout le travail du pardon de soi et des autres, il y a tout le travail d’acceptation de toutes ces choses que l’on se reproche et donc il y a un énorme travail de négociation, de paix avec soi-même, mais qui va encore plus loin et qui va dire : tu sais quoi, je te pardonne pour le passé, je t’accepte pour qui tu es aujourd’hui et je vais t’aimer.

C’est fort. Je ne sais pas si le parallèle est bon, dis-moi, ce que tu me dis me fait penser à Uri, qui a écrit un livre en 2015, Être en accord avec soi-même, et sur sa deuxième ou troisième étape, il parle de faire preuve d’empathie avec soi-même. Cette notion d’empathie avec soi-même m’avait interloqué parce que je m’étais dit : c’est quoi l’empathie avec soi-même, parce qu’on voit la différence entre l’empathie et la sympathie, mais du coup, là, tu mets des mots sur ce que tu es toi, tu t’acceptes. Alors il n’était peut-être pas allé si loin, j’ai l’impression, sur cette notion d’amour, mais je trouve que c’est quelque chose qui est fort, qui est vraiment intéressant, avoir une vision de soi, s’accepter et s’aimer.

Exactement. Se connaitre, s’accepter et s’aimer, et quand on fait ce travail et quand on commence à ressentir cette empathie, et j’irais même plus loin en allant jusqu’à la compassion, c’est là où on peut le ressentir pour les autres. Comment peut-on aimer si on ne s’aime pas soi-même ? Comment peut-on donner de l’amour si on ne sait pas donner de l’amour à soi-même ? On voit ça beaucoup quand on a des enfants, les enfants viennent pour nous réveiller de beaucoup de choses qu’on a longtemps voulu cacher. C’est vraiment fort, et personnellement, je peux dire que quand j’ai fait ce travail, qui n’était pas facile pour moi parce que j’étais assez fâchée contre moi-même, le monde s’ouvre, les connexions avec les autres deviennent plus importantes, plus fortes, plus humaines, plus intéressantes et plus profondes, et imagine toute une génération – pour la nôtre c’est un peu foutu, mais pour la prochaine génération – de gens qui s’aiment, à quoi ressemblerait le monde ? Si tu sais vraiment ce qu’est aimer, accepter, tu as beaucoup plus de mal à faire du mal, et je pense sincèrement qu’on a tous besoin de négociation de paix avec soi-même. 

Ce que tu dis est vraiment intéressant parce que cette notion d’amour avec soi-même, on va la différencier d’un hubris, d’un excès d’amour avec soi-même où on passerait notre journée en selfie, à se prendre en photos et qui est narcissique, toi, pour te connaitre un peu, tu parles vraiment de bienveillance, d’humilité, c’est de l’amour au sens pur du terme, mais qui n’est pas dans cette notion d’hubris, alors qu’on a des générations aujourd’hui, qui sont nées avec ça, qui passent leurs journées à poster, et nous aussi, alors nous, c’est sur LinkedIn…

Quand on étudie ces gens-là, est-ce que c’est vraiment de l’amour ou est-ce un manque d’amour ? Parce que l’arrogance, souvent, c’est pour cacher autre chose. On voit que des gens qui sont vraiment en paix avec eux-mêmes n’ont pas besoin de show off, ils n’ont pas besoin des « regarde-moi », de faire des selfies tout le temps. Je pense au contraire que c’est l’antidote. Quand on s’aime, on n’a pas besoin de montrer qu’on s’aime, on s’aime juste.

Quand on s’aime soi, on n’a pas besoin de quémander des preuves d’amour, des likes, ce qu’on appelle des stroke sociaux en typologie, de personnes qui vont liker, nous dire : tu es le plus beau, tu es la plus belle ou tu es géniale.

Et on n’a moins de triggers aussi. Sur une table de négociation, un des éléments les plus importants pour être un bon négociateur, je pense, c’est le self control, surtout dans les négociations de crise, donc il faut se connaitre. A partir du moment où on se connait, on a fait ce travail, on s’accepte, on connait nos triggers du coup, on s’aime comme on est, et que quelqu’un vient nous insulter, ça nous touche forcément moins, parce que l’avis de soi ne dépend plus de l’avis de l’autre, mais de nous et du travail que l’on a déjà fait en interne. Je pense que ce travail de se connaitre, s’accepter, s’aimer, augmente fortement le self control.

Complètement, et c’est vraiment intéressant ce que tu dis parce que ça dépend aussi beaucoup de la situation. J’ai eu la chance de partager mon travail avec la cellule de négociation du RAID il y a quelques temps, et je l’avais fait sur la recommandation de Fiamenghi, l’ancien patron du RAID. J’étais dans son bureau, c’est un grand flic au sens noble du terme, et il me dit : « Julien, ton travail de recherche est passionnant, mais par contre, tu ne te connais pas toi-même, parce qu’en dehors d’aller braquer une banque et de voir comment on négocie quand on n’a pas le choix, c’est plutôt compliqué. Je ne vais pas t’inviter à prendre un calibre – c’était son expression – et à braquer une banque, mais essaye de trouver des situations un peu hors-normes pour apprendre à te connaitre », et je trouvais que ça avait du sens parce qu’effectivement, dans notre métier, on négocie beaucoup pour des tiers, d’autres personnes, donc on est la soupape de sécurité, on leur permet de prendre de la hauteur, mais on n’est pas impacté directement et c’est pas évident de trouver des situations où on va sortir de soi pour apprendre vraiment à se connaitre, parce que se connaitre dans un quotidien, ça va, c’est se connaitre quand on est confronté à cette notion d’exceptionnel qui est plus difficile. Donc je trouve que cette notion a beaucoup de sens.  

Et alors, comment on fait ? On prend tout le monde et la vie comme profs, et on commence par l’observation. On observe, on observe, on observe. Qu’est-ce que j’ai fait ? Comment j’ai réagi ? Pourquoi ? Comment je peux mieux faire la prochaine fois ? Et à partir du moment où on commence à faire ça, on apprend le pardon aussi parce que, forcément, tous les jours, on fait des erreurs, ça arrive, et quand on a ce réflexe de se pardonner vite : ça, je n’aurais pas dû le faire comme ça, mais j’ai fait au mieux que je pouvais aujourd’hui, maintenant que je sais ça, demain je ferai mieux, et qu’on fait ça en permanence, la vie devient un terrain de jeu, un terrain d’apprentissage et pareil avec les autres, les autres que nous aimons, et surtout les autres que nous aimons moins, qui nous apprennent des choses sur nous-mêmes tout le temps, si on le veut bien.

C’est complètement ça et je trouve que ça répond à une question qu’on me pose, je pense que tu dois avoir le même type de question : j’ai envie de faire un métier similaire, mais comment est-ce que je peux commencer ? Je réponds qu’il n’y a pas de petites ou de grandes négociations, dans toutes nos négociations au quotidien, on a des choses à apprendre, et à partir du moment où on commence à apporter des choses aux autres, on peut se sentir légitime. On n’a pas besoin d’être légitime pour donner aux autres. D’abord, donnons, et puis après la légitimité arrivera ou pas. Aider son voisin ou son copain sur des négos, c’est déjà énorme.

Bien sûr.

Je trouve ça génial de se dire qu’au quotidien, on a des choses à apprendre, même avec notre conjoint ou notre conjointe, on a des négociations qui ne sont pas toujours évidentes…

Surtout avec nos conjoints et nos enfants !

Oui, je mets les enfants avec ! Ce sont des négociations qui sont dures parce qu’il n’y a pas un timer de début et de fin de négo et puis on n’a pas toujours de la lucidité sur la relation, sur l’émotion qu’on a à l’autre, donc on peut facilement basculer de l’empathie à la sympathie pour le pire, donc c’est génial cette notion de s’astreindre à essayer de voir au quotidien tout ce qu’on pourrait faire un peu différemment et comment on pourrait monter en compétence là-dessus. Comment est-ce que ça passe ? Est-ce que tu prends un temps en fin de journée pour regarder ce qu’il s’est passé dans ta journée et faire une sorte de retex de tes bonnes négos et de tes moins bonnes négos pour essayer de voir comment tu pourrais faire différemment, est-ce que ça participe à ça ?

C’est devenu automatique maintenant. C’est le soir quand je suis en train de nettoyer mon maquillage ou de me brosser les dents, je passe ma journée comme un film dans ma tête, et je me dis : voilà ce que j’ai fait, voilà ce que j’aurais pu mieux faire, voilà ce que j’ai appris, voilà ce qui a marché, pas forcément mes négociations mais tout, mes relations, le sport, tout ce que j’ai fait dans la journée passe par un petit filtre, et tout ça avec bienveillance, avec la volonté d’apprendre et de m’améliorer. Et après, une fois que je suis au lit – c’est aussi une technique pour m’endormir – je revois la journée, mais je passe à la liste de gratitudes : merci pour… soit à moi-même, soit à la vie, on peut appeler ça Dieu, comme on veut ! Merci, bravo de t’être levée alors que tu n’avais pas envie d’aller faire du sport, merci d’avoir fait du sport, merci d’avoir ce corps en bonne santé… et puis je n’arrive jamais à la fin parce que je m’endors !

Génial ! Je crois qu’on retrouve ça dans la psychologie positive, faire une liste en fin de journée sur les éléments de gratitude.

Je ne sais pas. Ça m’aide à dormir, et je trouve que c’est important de terminer ma journée sur une note positive et de se rendre compte de la chance que l’on a d’être en vie tout simplement, d’être en bonne santé, parce que ce n’est pas donné à tout le monde.

Complètement. Tu as une cinquième étape juste derrière cette notion de love qui est ? 

E pour Envision. Envision c’est quoi ? Une fois qu’on a fait tout ce travail sur soi-même, et encore une fois ce n’est pas quelque chose que l’on a fait en 5 minutes, on le fait tous les jours un petit peu, envision, là on revient sur l’objectif. J’ai analysé la situation, je sais ce dont j’ai besoin, j’ai accepté où je suis aujourd’hui, je m’aime comme je suis, j’accepte tout, et l’objectif c’est quoi ? Je veux atteindre A, B, C, envision, c’est-à-dire qu’on va vraiment le voir, l’imaginer et essayer de comprendre : à partir du moment où je suis là, qu’est-ce qu’il se passe ? Qui suis-je ? Avec qui je suis ? On le vit et c’est aussi un double check pour voir si je le veux vraiment. On peut avoir des objectifs parce que le voisin l’a, parce que ça me semble sympa, parce que c’est cool, mais à partir du moment où on va vraiment le vivre, se dire voilà à quoi ressemblerait ma vie à partir du moment où j’ai atteint mon objectif, c’est un double check pour voir si je le veux vraiment ou pas, comment je me sens ayant atteint cet objectif qui est dans l’avenir.

Ça c’est génial. Si je comprends ce que tu dis, tu te projettes mentalement à cette échéance de temps où tu aurais fait la chose avec succès et ça te permet de ressentir si tu as toujours l’impression d’être au bon endroit, au bon moment, si tu as trouvé ta place, si ça te convient et d’une certaine manière, ton cerveau ne différencie pas la réalité de l’imaginaire, donc tu lui apportes cette notion de bien-être que lui souhaite aller chercher voire – ça me fait penser à plein de choses sur la préparation mentale – ça te permet de rectifier le tir, c’est-à-dire d’avoir des réponses à des questions qui ne sont pas encore posées : s’il se passe ça, qu’est-ce que je fais, sauf que ça n’a pas eu lieu. Tu vas avoir des réponses à des questions qui ne sont pas posées, ça va peut-être te permettre de faire preuve d’intelligence, d’agilité plus facilement.

Exactement, et c’est pour ça que ça fait partie de la préparation pour atteindre un objectif. Soit on le vit, du coup ça nous met dans l’état émotionnel qu’il faut si c’est vraiment positif, soit on se dit : finalement non et on s’arrête là. Si c’est oui, en se mettant dans cette situation, le cerveau va aussi nous donner des idées : dans ce cas-là, il faut que je contacte cette personne, il faut que je fasse ceci, il faut que je fasse cela, les idées viennent parce que le cerveau a pour objectif de faire ce qu’on projette.

Complètement, c’est une forme de loi de l’attraction ?

La façon dont ça a été expliqué, je ne suis pas très fan, mais la recherche montre que la visualisation fonctionne, la recherche montre que les athlètes l’utilisent etc. donc autant la mettre dans notre panier d’outils et l’utiliser. J’aime bien cette double notion, et on vérifie si c’est vraiment ce qu’on veut et si c’est oui, alors on l’envisage, on le projette, et puis les idées vont venir pour commencer. Donc ça, c’est toute la partie préparation, le « scale ».

Tu as raison, tous les sportifs de haut niveau l’utilisent, dans les courses pour se préparer, dans les forces spéciales, le RAID, le GE utilisent ça avec tout ce qui est préparation mentale. Ce qui est intéressant aussi, c’est que tu peux le faire dans ton imaginaire, mais tu peux aussi ressentir des choses, imaginer des sons, tu as un champ des possibles…

Tu peux faire un vision board, tu mets des photos

Est-ce que tu as des façons de procéder là-dessus ? Peut-être un cadre aussi pour les gens : faire ça dans un environnement calme, assis, allongé ? Comment est-ce que tu fais ça ? Moi, ce n’est pas quelque chose que j’utilise au quotidien mais pas loin, je trouve que c’est extrêmement puissant. En tous cas, dès que je suis face à une forme d’incertitude, je vais me préparer avec ça. Les travaux de préparation mentale, moi, c’est la partie préparation mentale de la réussite, ce sont les travaux d’Edith Perreaut-Pierre, qui sont une petite déclinaison de ça, mais il y a différentes façons de faire… Toi, Lousin, comment est-ce que tu utilises cette partie-là ?

Moi, c’est purement dans ma tête. En tant qu’introvertie, j’ai l’imaginaire très large, donc je n’ai aucun problème à avoir les images que je veux, mais il y a des gens qui ont un cerveau qui fonctionne différemment, qui ont du mal à avoir des images, à penser et revoir, et dans ce cas-là, c’est très bien de prendre des photos, d’aller chercher des photos sur internet qui les inspirent, on les colle et comme ça on a un board, on regarde et on fine-tune comme on veut jusqu’à avoir cette vision très claire de voilà mon objectif et voilà le pourquoi. Après, on peut aussi être très rationnel, le faire de façon très rationnelle et aller chercher le pourquoi je veux faire ça : qu’est-ce qui va se passer quand je l’aurais ? Et puis on peut l’écrire, faire une liste. N’importe quoi pour se mettre dans la situation de « what if » : une fois que je l’aurais, à quoi ressemblera le monde, en gros.

Il est génial ce « what if » ! Ça me fait penser, j’étais chez Pegasus, ce sont des anciens des forces spéciales qui sont à Lorient, et sur leur tableau, dans leur war room, dans leur salle de préparation de tout ce qu’ils font, il y a une colonne « what if » qui est exactement ça, qu’est-ce qui se passe si ça ne passe pas convenu.

Et si ça se passe comme convenu, les deux.

Si ça se passe comme convenu, ce sont les autres colonnes qui sont avant, il y a un séquençage très particulier, très minuté, très précis, mais cette notion de « what if » est géniale ! C’est ce qu’ils appellent l’analyse pre-mortem, si on a un échec, qu’est-ce qu’on fait, et on se projette. Est-ce que tu le fais dans un environnement calme, parce que j’imagine que c’est difficilement compatible avec le fait de conduire ? 

Non, j’ai aucun problème à faire ça quand je conduis. Et puis, on le fait tous ! Quand tu y penses, on a plus de 60 000 pensées par jour, donc forcément c’est quand on conduit, quand on marche, et je crois que plus de 40 000 sont négatives, pessimistes. Donc à partir du moment où on commence à activement projeter, on prend un peu le contrôle de cet automatisme dans la tête, on ne va pas penser à ça, on va penser à ça, on va réfléchir à ça, on va visualiser ça, et du coup la vie devient beaucoup plus fun parce que deviens plus maitre de ta vie, plus maitre de toi. Donc oui, on peut faire ça en permanence puisque le cerveau le fait anyway, donc autant hijacker le cerveau et dire : hé oh, maintenant on va penser à ça. Essaye d’observer ton cerveau, on est en train de réfléchir tout le temps, non-stop, il ne s’arrête jamais, c’est pour ça que les gens font de la méditation etc., pour le calmer un petit peu. Donc à partir du moment où c’est quelque chose que le cerveau de toute façon, autant le diriger !

Il le fait tout le temps, effectivement, sauf sur des périodes de méditation qui sont propres à chacun. 

Et ça ne s’arrête jamais ! Même dans le sommeil, ça continue ! C’est pour ça que c’est très puissant de dormir sur une note positive avec gratitude et avec cette projection de dire : ok, quel est l’objectif ? Qu’est-ce que je veux ? On peut même faire ça pour le lendemain : demain, je me réveille, je mets mes chaussures de sport, je vais courir. Si on l’a déjà vu, on augmente fortement les chances de le faire réellement quand on se réveille.

Ça veut dire que c’est quasiment une boucle cette notion de scale, parce que ta notion de envision te permet aussi d’avoir un start peut-être plus facile sur ta prochaine action ou sur ton next day ? 

Exactement, et c’est là qu’on arrive à la prochaine étape, qui est la lettre U pour up, meaning stand up, get up, do it. Là, c’est vraiment l’action. On a fait toute la préparation mentale, émotionnelle, rationnelle, et maintenant c’est l’action, maintenant il faut le faire, et c’est aussi là que beaucoup de gens s’arrêtent ou ne le font pas, ça reste un rêve. Donc là, c’est l’action, l’action, l’action ! C’est basé sur tout ce que je viens de vivre en faisant le processus de scale : qu’est-ce que je dois mettre en place et quelle est ma prochaine action réelle ? Qui est-ce que je vais appeler ? Où est-ce que je vais aller ? Quel livre je vais lire ? Puis, le faire.

De ton retour d’expérience, qu’est-ce qui est compliqué pour les gens qui ne le font pas, c’est-à-dire qui font quand même le travail de scale, mais qui s’arrêtent sur cette notion d’up ?

Il y a deux parties. Soit, avec envision, ils se sont dit, non ce n’est pas mon truc. Parfait. Là, c’est très bien et c’est aussi l’intérêt de envision. Ou alors, ils le veulent, mais ils ne le font pas. Je peux te retourner la question, je suis persuadée que tu as au moins un objectif que tu veux dans ta vie, tu sais exactement comment l’atteindre, et tu ne le fais pas. Pourquoi ?

Tu peux trouver plein d’excuses qui ne sont pas les bonnes…

 Exactement ! Mais comme tu dis, ce sont des excuses pour ne pas le faire.

Je n’ai pas le temps, je ne suis pas motivé, j’ai d’autres choses à faire…

Voilà, je n’ai pas l’argent, je n’ai pas le soutien, je n’ai pas ce qu’il faut. Tout ça, ce sont des excuses. Pourquoi ? Toute cette partie-là est très psychologique, il faut aller chercher dans le pourquoi, dans le qui suis-je, comment je me vois, comment je vois le monde… Parfois, il y a un manque de confiance. C’est encore une fois une opportunité. Si on donne le même exemple, une personne qui a tellement à partager sur LinkedIn, eh bien ! cette partie-là, il dit : je ne veux pas que les autres voient que je suis petit sur LinkedIn.

Donc problème d’ego, c’est-à-dire que l’image que je reflète aux autres n’est pas l’image que j’ai de moi-même ?

Par exemple. Il y a 10 000 raisons et 10 000 excuses mais quand on push through c’est-à-dire : ok, je vois que c’est difficile pour moi, je vois que j’ai des doutes, mais j’y vais anyway, c’est ça le courage, on fait un tout petit pas. Je demande toujours quel est le mini pas que tu peux faire, une personne à appeler, un e-mail à envoyer, just one thing, et après, le soir, tu dis : bravo d’avoir fait cette action, et le lendemain, on recommence.

C’est génial ! Ce que tu dis, sans aller sur une philosophie de magazine, c’est que pour faire des grands pas, c’est une succession de petits pas et il faut, à un moment donné, avoir le courage de se dire : je vais faire ce premier petit pas.

Et le premier pas est beaucoup plus difficile que les autres. Et après, c’est consistency. Ok, premier pas, deuxième pas, troisième pas, et ce n’est pas : ok, on a fait cinq pas, c’est bon, ça suffit, non ! On continue, même avec un petit pas au moment où on n’a pas envie, mais on y va. J’aime bien utiliser les momentum d’un mois : on y va pendant 30 jours, on va le faire tous les jours. Le 1er de ce mois-ci, j’ai dit : je vais faire du sport, une heure de sport tous les jours, peu importe le sport, peu importe avec qui, peu importe quand, mais il y a une heure de sport chaque jour.

Et tu l’as fait ce matin.  

Et je l’ai fait ce matin, et tous les jours de ce mois-ci, et hier, je n’avais absolument pas envie, je suis allée à la piscine avec mes enfants, j’ai juste nagé et je me suis dit : ça fait du sport pour aujourd’hui. Mais voilà, 30 jours, on fait ce qu’on a dit.

C’est vraiment top ! Ça me fait penser à quelque chose cette notion de scale up où tu vas travailler toute cette préparation de négociation avec soi-même, de préparation mentale, où tu fais appel à différents leviers de motivation. De ce que je comprends, la motivation fluctue, mais une fois que tu te mets dans l’action, la motivation passe au second plan pour une forme de discipline que tu as déjà préparée en amont à partir de cette motivation, et là, tu vas t’astreindre, pendant 30 jours, tous les jours, à faire des petits pas, et ça, c’est une notion de discipline. C’est très fort parce que ça veut dire que malgré ton état d’humeur, qu’il soit positif, négatif, que tu sois content, pas content, ou qu’hier, ton pas n’était pas aussi grand que ce que tu aurais espéré, tu as confiance dans l’objectif que tu t’es fixé ?

Exactement, mais tu sais ce qui est génial avec la discipline ? Beaucoup de gens ont peur de la discipline parce que c’est difficile, n’est-ce pas ? On doit faire des choses que l’on n’a pas forcément envie de faire, ça en fait partie, mais au bout de la discipline, pour moi, il y a la liberté, parce qu’au bout d’un moment, on n’a plus besoin de motivation, ça fait partie de nous, ça devient un lifestyle. C’est comme arrêter de fumer, c’est difficile pendant un moment, mais au bout d’un moment, ça ne l’est plus, et on atteint cette liberté. Après, fumer n’est peut-être pas le bon exemple parce que ça peut durer très longtemps avant qu’on arrive au moment où on n’a plus envie, mais je vais arrêter de manger de la viande ou de consommer du sucre, peu importe, ou alors, je veux faire du piano tous les jours un quart d’heure, au bout d’un moment, à la fin de la discipline, il y a la liberté, ça devient un automatisme, on n’y pense plus et on est libre parce qu’on n’a plus besoin de motivation, c’est devenu normal, c’est devenu une partie de nous. Regarde les enfants, tu as un jeune enfant aussi, il n’a peut-être pas envie de se brosser les dents tous les soirs, mais il n’a pas le choix. On le fait, on le fait, on le fait et au bout d’un moment, quand on est adulte, ce n’est pas très difficile de se brosser les dents, c’est devenu normal, ça fait partie de ce qu’on fait tous les jours.

C’est quelque chose qui est fort. Je ne sais pas si ça te parle Jocko Willink, c’est un ancien Navy Seal, il a écrit un livre qui s’appelle Extrem Ownership, et sa devise c’est : « la discipline permet la liberté ».

Ça me dit quelque chose, je vais me le noter parce que j’aime bien le titre déjà.

Extrem Ownership et « la discipline permet la liberté ». Donc c’est très fort, et je ne t’en avais pas parlé, mais quand j’ai créé ma boite, quand on crée une activité, forcément, il y a des moments où on est plus motivé que d’autres et puis il y a des temps faibles qui sont difficiles à gérer, mais par contre, tous les jours sur la première année de création de boite, j’avais la discipline de travailler pour le Julien de demain. Je me disais : un jour, ça va marcher, je ne sais pas quand, mais je veux être prêt au moment où ça marchera, et ce n’était pas une question de motivation, c’était vraiment une question de discipline. Alors j’étais motivé par l’objectif, qu’on pourrait rallier à scale up, mais au quotidien, il y a des moments qui sont plus durs et c’était vraiment de la discipline, donc je trouve que ton message sur cette notion de discipline est très fort parce qu’on a tous des pans de notre vie que l’on veut voir évoluer, que ce soient le sport, l’alimentation, socialement, son travail, monter en compétence sur différents sujets, mais pour moi, la discipline prévaut à moyen / long terme si on veut des résultats.  

Absolument ! C’est pour ça que c’est une des raisons pour laquelle la plupart des entreprises n’y arrivent pas, une petite partie des entreprises qui se lancent existent encore 3 ans plus tard et cette notion de discipline est très importante pour continuer. Ça permet non seulement de prendre des bonnes décisions, de faire les bonnes actions, mais c’est aussi le faire tout court.

Je trouve que ta notion de 30 jours est intéressante, ce n’est pas trop long, ce n’est pas trop court.

Exactement, c’est parfait. Ça ne veut pas dire qu’au bout de 30 jours, c’est un automatisme. La recherche montre qu’avant on pensait que c’était 21 jours, après 60 jours, la dernière recherche que j’ai lue, c’était plutôt 90 jours, on n’y est pas, mais le trentième jour est plus facile que le cinquième jour

Et ce n’est pas forcément évident ! J’ai téléchargé des applis pour faire du sport pendant 30 jours et je me rends compte que je crois que suis rarement arrivé au trentième jour.

Chaque mois, tu as un nouveau défi. Je fais un challenge avec moi-même chaque mois. Chaque 1er du mois, j’ai un nouveau challenge et je dois le faire 30 jours, et c’est soit quelque chose que je fais tous les jours, soit c’est quelque chose que je ne fais pas tous les jours mais pendant 30 jours. Et exactement comme tu disais, 30 jours c’est assez long pour que ce soit challenging, mais assez court pour que ce soit faisable, et après 30 jours, on peut évaluer : est-ce que ça m’a apporté quelque chose ? Est-ce que c’est bien ? C’était trop difficile ? C’est faisable et puis on décide pour le mois d’après.

C’est bien de commencer tous les débuts de mois parce que tu as une sorte de routine, tu es ancrée à chaque 1er mois, c’est smart.

Et j’ai une communauté maintenant. On a grandi beaucoup ces dernières années avec des gens qui se sont dit : ah, j’aime bien ça, et chaque mois, on commence avec quelque chose de nouveau, mes enfants le savent maintenant, mon mari, chaque mois il y a quelque chose que l’on fait ou que l’on ne fait pas, on décide soi-même par rapport aux objectifs que l’on a et ce qui est challenging pour nous. Par exemple, les gens qui disent : je ne vais pas boire d’alcool pendant un mois, moi je ne bois pas beaucoup d’alcool, ce n’est pas difficile pour moi, ce n’est pas un challenge, il faut que ce soit difficile pour soi-même pour avoir cette satisfaction à la fin et se dire : I dit it.

J’ai fait quelque chose de différent, top !

Et quand on le fait et qu’on attend, ça augmente la confiance en soi, ça augmente le respect pour soi, ça augmente toutes ces notions qui sont méga importantes en négociation et dans n’importe quel métier.

Ça augmente notre estime de soi et pour peu que l’on soit capable de célébrer ces victoires chaque mois, si on a fait 5/6 mois avec des victoires, on se dit qu’on n’a peut-être pas envie d’abandonner le 7e mois qui est un challenge peut-être différent.

Mais comme on est passé par scale et qu’on sait se pardonner, c’est ok aussi !

On sait se pardonner à soi et aux autres. C’est top, parce que c’est là où je voulais aller, sur cette notion de pardon et de pardon avec soi-même. Est-ce que tu as quelques conseils pour trouver cette paix intérieure, pour nous aimer plus facilement ? Est-ce que ça passe par faire un état des lieux du passé et se pardonner pour ce sur quoi on a été fort ou moins fort ? Comment est-ce que tu travailles ce sujet-là ? Parce que c’est très particulier…

C’est un travail que l’on peut faire soi-même, soit tout seul, soit avec quelqu’un, un professionnel, un thérapeute, un mentor, quelqu’un à qui on fait vraiment confiance, et on peut tout simplement commencer par une liste avec la question : qu’est-ce que je me reproche ? Et au début, il n’y a : peut-être rien, juste ça, mais quand on creuse, il y a : avoir tapé ce gamin quand j’étais petite, ne pas avoir su sauver mon mariage par exemple ou au contraire être restée dans on mariage trop longtemps, toutes ces choses qu’on se reproche mais avec lesquelles on se balade. C’est dans notre sac à dos. Ça nous tire vers le bas, ça bouffe de l’énergie, ça nous empêche d’avancer et beaucoup de gens portent ce blâme comme une médaille, parce qu’il y a aussi cette notion de « comme ça j’existe ». C’est très psychologique.

Est-ce que c’est une résilience mal placée ?

 Je ne sais pas si c’est une résilience, je pense que c’est dans le monde du subconscient où il y a encore une partie de la population qui pense que c’est bien de souffrir, ça vient du monde religieux aussi. Et une fois qu’on a fait l’état des lieux de ok, qu’est-ce qu’il y a là-bas, il suffit d’une seule chose, la vie nous montrera le reste une fois que l’on est sur ce chemin de développement personnel, et de se dire : ok, qu’est-ce que ça m’apporte de garder cela ? Qu’est-ce que ça m’apporte aujourd’hui de me sentir encore coupable de ce que j’ai fait il y a 10 ans ?

Effectivement, ça nourrit forcément un pathos, sinon on ne le ferait pas.

Bien sûr. Et donc il faut être très honnête avec soi pour répondre à ce genre de questions.

C’est dur seul ! Il vaut mieux se faire accompagner, à moins d’avoir un niveau de maturité sur le sujet.  

C’est dur parce qu’on n’est pas toujours très honnête avec soi-même, et avoir quelqu’un qui peut être un miroir, ça peut être très bien ! Il faut être extrêmement honnête avec soi-même, c’est pour ça que j’aime bien le livre Extrem Ownership dont tu m’as parlé, je pense que ça va dans ce sens, être extrêmement honnête avec soi-même et dire : ok, qu’est-ce que je me reproche ? Qu’est-ce que ça m’apporte ? A quoi peut ressembler ma vie si je laisse ça ? Je dis toujours « let it be » au lieu de « let it go », parce que dans « let it go », il y a quelque chose d’actif, il faut que je fasse quelque chose, non, juste « let it be », c’est là, tu as fait cette erreur, tu te pardonnes et tu avances. Donc c’est un chemin de vie, c’est une philosophie de vie. Je l’applique à moi-même tous les jours. J’ai aidé beaucoup de clients avec, ça fonctionne, ça marche. Après, tout le monde n’a pas envie, tout le monde n’est pas prêt, tout le monde n’a pas la maturité, tout le monde ne voit pas l’intérêt and that’s fine. Ça, ce sont les six étapes de Scale pour arriver à atteindre ses objectifs, et après, il y a le long P.

OK, donc là, on est en amont de ce premier pas. Scale Up nous permet vraiment, à travers un chemin interne, un chemin à travers soi-même, de créer les conditions pour être une meilleure version de soi-même, d’être bienveillant, d’être en humilité avec soi-même et de se mettre en action, tout en ayant pesé les avantages et les inconvénients par rapport à nous, pas par rapport à l’écosystème, ce qui est très puissant !

Quand je l’entends comme ça, quand tu le dis, je me dis que quand on est focus sur soi-même, sur ce genre de choses, avec l’objectif de s’améliorer, forcément, on n’a moins le temps d’être focus sur les autres, sur ce que fait l’autre, combien de likes a l’autre, quel est le poids de l’autre, à quoi ressemble l’autre, on n’a pas le temps pour ça. Améliore-toi toi-même déjà un petit peu tous les jours et regarde comme le monde change entièrement.

Ce qui est intéressant. On ne va pas se définir par rapport à l’autre, on va se définir par rapport à soi-même.

Exactement et le seul concurrent est celui que tu étais il y a 1 mois, il y a 6 mois. Essaye de devenir une meilleure version de cette personne-là, et du coup c’est never ending, c’est génial, c’est pour ça que l’on arrête de voir les autres comme des concurrents, on arrête de vivre dans un monde de manque et on voit qu’il y en a pour tout le monde. Focus sur toi-même déjà, et regarde tout le travail qu’il y a à faire. 

C’est génial puisqu’on a tous des chemins de vie différents et certains sont en avance, certains ont 10-20 ans de plus sur le secteur d’activité. Généralement, on se compare alors qu’on n’a pas le même parcours, la même histoire, et on se compare nous aujourd’hui avec quelqu’un qui a 20 ans de plus sur le métier, forcément, il a un peu d’avance, ou au même âge, est-ce qu’on faisait la même chose… et puis c’est son chemin de vie ou notre chemin de vie. C’est intéressant parce que ce scale up, d’une certaine manière, nous permet d’être en paix avec nous-mêmes et si on est en paix à l’intérieur, c’est plus simple de créer les conditions… Tout à l’heure tu parlais de bienveillance avec les autres, c’est plus facile d’être bienveillant avec les autres quand on est bienveillant avec nous-même ou d’avoir des interactions peacefull avec les autres quand nous-mêmes, à l’intérieur, c’est le cas.

Exactement. Quand on sait comment se parler avec bienveillance, avec empathie, on parlera forcément mieux avec les autres et d’une façon plus intéressée parce qu’on est plus intéressé par qui tu es vraiment, et on arrête de parler de météo et compagnie et ça donne une conversation plus intéressante.

Tout à fait et puis, je pense que je le répète régulièrement, en négociation, on est responsable de l’écosystème que l’on va créer, c’est-à-dire qu’on a tous du bon et du moins bon en nous et si on va chercher le moins bon chez l’autre, c’est sûr qu’on le trouvera, et au final, si toutes nos interactions sont avec des gens qui sont moins bons, peut-être que l’on peut se poser la question, non pas se dire qu’on est entouré que de cons, si tu me permets la vulgarité, mais qu’on crée peut-être les conditions de ça, alors que scale up nous permet de dire : je vais créer les conditions peut-être d’un monde meilleur et ça commence par moi.

 Exact.

Puissant.

Ce n’est pas Gandhi qui disait : « be the change you want to see in the world » ? C’est beau.

C’est très fort ! Merci beaucoup Lousin pour ce retour sur scale up. Dernière question…

Le P j’imagine ?

Ah il y a le P, je pensais qu’il était dans Up.  

Oui, ça pourrait ! On pourrait pour le voir comme ça. J’ai ajouté encore un P que je trouve très important

Pay it forward.

Exactly ! Et avant le pay it forward, il y a beaucoup de P, le P de progress, de Pivage d’ajuster, le P de performance, le P de tout ça et l’ultimate P, c’est le pay it forward. Avec tout ce chemin que j’ai fait, comment j’ai grandi, l’objectif que j’ai atteint ou pas, comment je peux pay it forward, c’est-à-dire aider quelqu’un d’autre avec cette connaissance, avec cette expérience ? Est-ce que je peux partager mon histoire ? Ça n’a pas besoin d’être énorme comme écrire un livre, mais est-ce que je peux partager mon histoire ? Être mentor pour quelqu’un

C’est génial ! Une fois qu’on est peut-être une meilleure version de soi-même, aider quelqu’un d’autre, au moins une autre personne, à devenir, peut-être, une meilleure version de lui-même, un petit peu plus. Le P de partage.

Tu vois il y a plein de P. C’est une belle lettre le P.

C’est vraiment intéressant, parce qu’on oublie cette notion de donner, alors que si on est là, généralement, c’est qu’il y a d’autres personnes qui nous ont donné.

Exactement ! Et tu vas voir que quand on fait ce chemin, on a envie de donner.

Complètement. Et en étant une opportunité pour les autres, indirectement, on a plein d’opportunités pour soi. Égoïstement presque, ce n’est pas le cas de la démarche, mais c’est vraiment intéressant. J’aime bien cette dernière étape. On l’oublie. Ça peut être des retours d’expériences dans des conférences, dans des universités ou avec des enfants autour de soi, du temps dans des associations.

N’importe quelle façon, juste aide quelqu’un avec ce que tu as appris sur ce chemin. Voilà scale up !

C’est puissant ! C’est vraiment intéressant parce que généralement la négociation se fait à travers le processus, à travers les autres, à travers les personnes, à travers plein de choses, mais pas à travers soi-même alors qu’on sait tous qu’on est le plus grand ennemi de notre négo, et ça, ça permet vraiment de créer les conditions pour gagner en maturité / sécurité.  

Quand tu penses aux compétences dont on a besoin tous les jours pour être un bon négociateur, il y a l’écoute, que l’on retrouve dans scale up, il y a l’empathie, il y a le self control, il y a l’analyse, analysons ce qui se passe, il y a l’égo et le management de l’égo, il y a la communication, tout ça, on le retrouve dans scale up. Tout ce dont on a besoin pour être un bon négociateur, on peut le développer en passant par scale up.

Même cette notion de créativité et de curiosité pour sortir du cadre, tu les retrouves sur ta partie « envision ». C’est puissant, top ! Donc en plus, ça nous aide à mieux négocier derrière. Dernière question que j’ai l’habitude de poser à chaque fois : si la Lousin d’aujourd’hui devait rencontrer la Lousin quand elle avait 20 ans, quel est le conseil que tu lui donnerais s’il te plait ? 

Waouh, c’est une bonne question ! Écoute, la première chose à laquelle j’ai pensé c’est : aime-toi.

Ah, love.  

Love oui. C’est beau, et aie une négociation de paix avec toi-même.

C’est fort. Top ! Un très grand merci Lousin pour cette bienveillance, pour cette générosité, c’est toujours extrêmement agréable d’échanger avec toi humainement et professionnellement, et merci pour ça !  

Je t’en prie, c’est toujours un plaisir d’échanger avec toi et bravo pour l’initiative. Bravo pour ce podcast. Je sais que c’est beaucoup de travail parce que j’ai mon propre podcast, mais c’est bien ! Et puis c’est une façon de donner et comme tu disais, quand on donne, on reçoit parce qu’on parle avec des gens intéressants, on apprend des choses, on peut toujours apprendre de n’importe qui !

Top ! Je mettrai les liens pour les personnes qui veulent te retrouver sur LinkedIn, tu es extrêmement présente, et s’il y a d’autres liens à partager, je les partagerai. Un grand merci Lousin !

Je t’en prie, un grand merci à toi !

Et nous, on se retrouve dans 2 semaines pour un nouvel épisode de Pourparler, le podcast de la négociation. Merci !

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