Comment conquérir la négociation par la voix ? Jean Philippe Lafont
Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere et je suis négociateur professionnel. Mon métier est de former, d’accompagner, d’assister, des entreprises ou organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes
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Aujourd’hui j’ai la chance d’accueillir Jean Philippe Lafont
On va échanger sur un sujet ô combien important qui est l’impact de la voix, mais avant d’aller plus loin pourriez-vous vous présenter pour les personnes qui ne vous connaissent pas encore ?
Je viens d’avoir 71 ans, déjà ! j’ai commencé une carrière lyrique, donc d’opéra, au mois de juillet 1974, et cette carrière s’est arrêtée malencontreusement le 14 septembre 2016 sur la scène de l’opéra Bastille, alors que je dégringolais 18 marches sur la tête et à la renverse, ce qui m’a laissé quelques petits soucis, quelques bris osseux. La voix n’a jamais été touchée, bien heureusement, mais il a fallu recommencer une nouvelle carrière parce qu’il n’était plus question d’être sur les scènes, les douleurs étant très, très inconfortables. Maintenant, grâce à un monsieur que tout le monde connait, qui m’a relancé sans le savoir, Emmanuel Macron que j’ai fait travailler dans la foulée de mon accident, pendant 4 mois, 4 mois et demi, avec lequel j’ai eu grand plaisir d’échanger.
aujourd’hui vous accompagnez, faites du coaching sur cette partie voix et éloquence
Tout à fait, je fais travailler des chefs d’entreprise, des politiques, des journalistes, sans oublier toutes les Masterclasses que je fais en France et à l’étranger, tout en faisant travailler les jeunes artistes internationaux, français dans le domaine de l’art oratoire, chanté cette fois-ci. Le parler et le chanter étant une discipline commune, une technique tout à fait semblable, je vais d’une rive à l’autre avec grand plaisir, traversant un rubicond qui est parfois délicat à traverser, mais on y arrive, avec enthousiasme et volonté, tout est possible
vous avez une voix qui est très présente, est-ce qu’avoir une bonne voix est quelque chose d’inné, ou ça peut s’acquérir
On a tous des qualités, dans quel que domaine que ce soit, en naissant, en grandissant, simplement il faut souvent que quelqu’un vous signale cette qualité. Il y a des gens dans la rue qui ne savent pas qu’ils auraient pu être ingénieurs, pilotes d’avion ou chanteurs d’opéra, simplement ils n’ont pas trouvé la bonne personne pour les guider. On a des qualités intrinsèques, on a un potentiel du moins j’ose l’espérer, pour se réaliser, pour faire en sorte de réussir sa vie, ensuite évidemment, il faut rencontrer la bonne personne, et avoir une énergie au travail, parce que sans le travail, même fort de grandes qualités, sans le travail on n’arrive à pas grand-chose. Sans la répétition obsessionnelle, on n’arrive pas à l’excellence. Mais il y a des qualités que certains ont supérieures à d’autres, vocalement j’avais des qualités supérieures à mes qualités de ballerine par exemple, je n’aurais pas pu intégrer l’école de ballet de l’opéra de Paris. Nous avons tous, il faut l’espérer, quelque chose pour nous rendre intéressants, dans la vie, et faire en sorte que la vie soit intéressante
sur une prise de parole, en tant que manager, leader, responsable d’une équipe, j’entends que la voix ça se travaille, alors qu’on pense que c’est un acquis ? je me disais que la voix n’était pas à travailler, mais à vous entendre j’entends le contraire
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C’est un sujet comme tous les sujets, il faut, pour arriver à améliorer sans cesse nos qualités, pour les mener encore une fois à l’excellence, que l’on n’atteint jamais, il faut bien le savoir, il faut prendre conscience de cette dynamique. La voix repose sur une colonne d’air, sur le souffle, si l’on ne travaillait pas, tout le monde parle de la voix, la voix est en pleine actualité, mais je n’entends absolument pas les gens parler du souffle, de cette colonne d’air, sans laquelle rien n’est possible. Si par exemple sur un petit jet d’eau, quand j’étais jeune, dans les fêtes foraines, il y avait un stand avec un petit jet d’eau, une petite balle de ping-pong au-dessus, et il fallait avec un pistolet à air comprimé, décaniller la petite balle. Mais le jet d’eau, la faisait monter, descendre si vous coupiez le jet d’eau, il arrivait que la balle de ping-pong tombait. Si vous n’avez pas ce jet d’eau, cette colonne d’air qui soutient votre voix, qui envoie de l’air sur les deux petites cordes vocales qui émettent un son, la voix ne sortira pas, ne sera pas projetée. Si, elle pourra l’être par le forçage, comme ça, là je force pour essayer de parler plus fort, mais si je continue comme cela, dans trois minutes, je n’ai plus de voix. C’est une pratique tout à fait négative.
Donc le souffle, ensuite prendre conscience que la voix se fait entendre par des sons qui créent des mots, qui créent des phrases, et donc il faut se dire que les mots sont confectionnés, de consonnes et de voyelles, la consonne étant la tractrice du mot, et la voyelle étant la chair du mot, la beauté du mot, la rondeur du mot. Évidemment si vous parlez comme ça, sans avoir une dynamique des lèvres et de la langue, on ne comprendra rien du tout.
Et puis aussi, se dire que quand on parle, quand on exprime des phrases, il y a la ponctuation, qui va avec, et c’est par cette ponctuation que l’on reprend son souffle, ni trop ni trop peu, c’est dans la ponctuation que l’on se recharge en énergie et que l’on recharge en énergie les gens qui vous écoutent. Et n’oublions pas aussi, ce qui fait partie de la ponctuation, des silences ! des silences, la parole est d’argent, le silence est d’or, et il se dit beaucoup de choses dans les silences, les silences font partie intégrante de la voix.
sur cette première dimension, la partie colonne d’air, souffle, comment peut-on travailler ça dans un quotidien ? il y a des exercices spécifiques pour augmenter cette capacité de colonne d’air ?
Oui. Déjà, avoir autant que faire se peut, une détente physique, être relax, relâché, quand on est tendu, on use malencontreusement de souffle on use d’une énergie négative, donc essayer, et moi je donne le conseil, le matin quand on se douche, de prendre une ou deux minutes sous l’eau chaude, pour essayer de dégager les épaules, de faire des petits ronds avec les épaules, de faire des petits ronds avec le cou, la tête, en arrière, en avant, d’essayer vraiment de trouver une position que l’on a perdue durant la nuit. Déjà être détendu.
Ensuite, ne pas respirer haut, si vous le faites, vous vous mettez une barre au bas de gorge, une barre de souffle qui vous empêchera par trop de vous exprimer.
respirer haut, c’est quoi ?
C’est quand vous prenez une grande bouffée d’air, et que vous levez les épaules, et que vous respirez par la bouche, et que vous emplissez vos poumons par le haut. Alors qu’en laissant entrer l’air par le nez, sans forcer, sans tirer dessus, laisser rentrer l’air, ni trop ni trop peu, pour faire en sorte que le bas des côtes s’écarte. Si vous voyez une photo d’un poumon, les arrivées d’air, les branchies se situent au milieu du poumon et vers le bas des poumons, il n’y a pas d’arrivée d’air dans les poumons en haut des poumons donc , regardez un petit soufflet de cheminée, vous l’ouvrez lentement, pas à le déchirer, et vous voyez que c’est le bas de cet instrument qui s’écarte, comme s’écartera le bas des côtes, laissant entrer l’air. Encore une fois n’aspirons pas trop d’air, ça n’a aucun intérêt de s’emplir les poumons d’air à profusion, parce qu’il y a encore une fois la ponctuation qui est là pour vous permettre de vous recharger, par les virgules, les points, les silences, et par toutes formes de ponctuation, point d’interrogation où on attend la réponse, point d’exclamation, et tutti quanti.
le piège si je veux augmenter ma colonne d’air, ça serait de vouloir forcer cette respiration vers le haut, et vous nous dites qu’il faut être davantage dans la mesure de sa respiration pour garder le contrôle sur cette colonne d’air et ce souffle
Il faut être naturel. Là nous sommes en train de parler, mais avant que vous preniez la parole, vous ne vous dites pas, bon, je vais parler, je vais respirer, alors je respire et après je parle, vous faites ça naturellement, et il faut, quand on parle à la tribune, quand on chante sur une scène d’opéra, évidemment qu’il faut avoir travaillé la chose suffisamment et suffisamment avant et suffisamment pendant des années parce qu’il faut quand même pas mal de temps pour que tout cela devienne réflexe, pour être prêt à parler, à chanter, à marcher, prêt à vivre en définitive. Le monsieur ou la dame qui est sur son estrade face à un auditoire, il a un parcours vocal à faire pendant le temps de son discours, mais c’est une façon d’être, de vivre, comme quand il ou elle ira prendre son déjeuner, quand elle ira se coucher, la respiration continuera à être, donc tout ça doit être naturel. Mais il faut avoir conscience que c’est la partie absolument obligatoire pour ne pas s’étouffer, pour ne pas étouffer les gens qui vous écoutent, donc prenons notre temps. et évidemment quand les gens parlent trop vite, ils oublient de respirer, ils font fi de cet outil de travail, et donc ils s’étouffent, les fins de phrase ne sont plus soutenues, le dernier mot on ne l’entend pas, souvent ce dernier mot est le plus important, et donc arrive très vite, l’incompréhension de l’auditoire et de là, évidemment, le fait que l’orateur devient inintéressant et on coupe le contact avec lui bien sûr
la voix c’est ce lien entre les mots exprimés par l’interlocuteur et nous qui les écoutons et qu’importe la qualité du message, si la voix n’a pas cette portée, on va y perdre en impact sur notre communication
Évidemment je vous parle de la portée technique de la voix, il y a aussi la portée émotionnelle, intelligente, les mots que l’on prononce doivent évidemment faire mouche. Dans un premier temps, la personne qui va parler se devra de connaitre absolument bien, et plus que bien, le discours, tout ce qu’elle aura à transmettre, il ne faudra pas que l’auditoire ressente des trous dans son allocution. Il faut connaitre très bien son sujet pour faire en sorte que les gens aient confiance en vous, ça, c’est la première des choses. Et la deuxième, penser que le mot, la traduction littérale d’un mot ne suffit pas, le mot doit influencer les gens qui vont le prendre d’une façon ou d’une autre, différemment, mais il faut que ce mot crée un contact d’intelligence pour que les uns et les autres suivent la personne autant que faire se peut, la personne qui parle pour être entendue, compris et être suivie, à des fins très souvent politiques et commerciales. Donc ne pas parler trop vite, ne pas trop dire de choses, mais dire des choses qui vont rester dans la mémoire de ceux qui nous écoutent
J’entends que d’une certaine manière et paradoxalement, pour que la voix se libère dans son discours, on doit maitriser parfaitement son sujet, pour gagner en naturel
Absolument, évidemment, si vous avez fait des impasses, vous allez essayer de les éviter, mais il faut se dire que l’auditoire est intelligent, qu’il a écouté, ou du moins on peut l’espérer, puis il sent très bien quand vous êtes en difficulté. Et il se fera un malin plaisir à vous poser des questions sur des endroits inconnus de vous, ça, c’est la mort du petit cheval !
dans votre ouvrage voix et éloquence, aux éditions Larousse, pour la petite anecdote, vous m’avez dit, c’est un ouvrage assez conséquent, que vous l’avez tapé entièrement avec un iPhone
Absolument, avec le bout du doigt, parce que devant un ordinateur tout ça, je ne sais pas m’en servir, je n’ai jamais essayé parce que, pas que je sois plus intelligent ou plus bête qu’un autre, mais ça ne m’a jamais intéressé du tout, j’étais plus totalement dans l’artistique. Donc j’ai pris mon iPhone l’été 2017,et pendant deux mois, à hauteur de 3 ou 4 heures par jour (coupure), parce que très souvent, comme j’ai des mains assez importantes (coupure)
on peut tout faire quand on veut
Presque tout faire quand on veut !
vous parlez ensuite de timbre, et de couleur de voix, qui fait partie de l’architecture vocale. Est-ce que cette couleur de voix est quelque chose qui se travaille ? Quand je regarde des séries étrangères, j’ai l’impression que les acteurs, les comédiens anglo-saxons ont des voix très graves, imposantes, un peu comme la vôtre, très agréable à écouter. Et dans les films, séries françaises, les voix sont moins graves, rocailleuses. Cette couleur de voix, ce timbre, ça se travaille, et quel intérêt de le travailler. Quand je vous écoute, l’intérêt est flagrant, vous avez une voix qui est envoutante, chaleureuse, qui juste dans cette tonalité peut susciter une forme de confiance peut-être. Quand on est une femme, ça se travaille également ?
Encore une fois, ça se travaille bien évidemment. Il faut savoir que le médium d’une voix, le médions (?) grave d’une voix, c’est la partie la plus belle chez tout un chacun, qui que ce soit, c’est la partie la plus belle, la plus ronde, la plus charnue de la voix. Si je vous parlais comme ça (plus dans les aigus), vous entendriez quelqu’un qui est très énervé, et qui parle à une hauteur qui est relativement peu agréable. Si je vous parle très comme ça (très grave), vous vous direz il a peut-être encore des restes de covid, il est un peu fatigué, ça ne marche pas très bien.
Donc il faut essayer autant que possible de travailler le centre de sa voix, c’est à partir de là que l’on va améliorer la qualité un tout petit peu plus haut, un tout petit peu plus bas dans l’échelle de sa voix, ce qu’on appelle chez nous la tessiture de la voix. Donc c’est à partir du centre névralgique je dirais, du nœud, du focus central de sa voix que vont se développer toutes les couleurs qui vont donner la grâce (coupure), sa force, sa violence. C’est comme un peintre devant sa toile, il a une palette avec x couleurs, et il ne peint pas sa toile avec une seule couleur. Nous avons un grand amour pour Monet ma femme et moi, ma femme qui est peintre, Martina de la Rocca, donc la voix est à l’humain et vocal, ce que la palette est au peintre. Si par exemple je veux être un tout petit peu plus en intimité avec vous, je vais parler moins fort, plus lentement, et peut-être que nous allons évoquer des choses que nous seuls, voulons entendre. Il va y avoir le rythme de la parole, il va y avoir des mots qui vont se faire légèrement attendre, et il y aura cette douceur qui va s’installer. Si nous ne sommes plus d’accord, et nous nous engueulons, je vais être peut-être un peu plus vif, plus incisif, un peu plus brutal (en élevant la voix), et une autre couleur va s’établir
ça veut dire que sur cette prosodie, ce rythme, cette ponctuation au-delà de la couleur de voix, ce timbre, votre dernière façon de parler était beaucoup plus aiguisée, on sentait comme si ça perforait quelque chose alors que juste avant vous étiez tout en rondeur avec de la volupté au niveau de la voix, et ça, m’a permis de comprendre l’émotion que vous étiez en train de jouer. La voix est un vrai messager sur cette partie émotionnelle
Absolument, vous comprenez tout. Il faut savoir que la voix et bien d’autres vecteurs évidemment, la voix, c’est le reflet de votre sensibilité, le reflet de la personne que vous êtes. Moi, on ne me trompe pas beaucoup, au téléphone quand quelqu’un m’appelle, ça va très bien ! mais non, ça ne va pas très bien parce que quand ça va très bien, la personne vous dit, oui ça va très bien (plus doucement dans le ton et le débit), et quand ça va très bien on l’entend et on ne pose pas la question de savoir si ça va bien ou pas. Donc le rythme de la parole est influencé par son état d’esprit, la façon que la personne aura de communiquer avec vous, d’échanger avec vous. Donc tout ça, c’est merveilleux parce que c’est un kaléidoscope qui est sans fin, les couleurs sont sans fin, les rythmes sont sans fin, les silences. Si je vous dis, cher ami, aujourd’hui, je suis heureux de parler avec vous parce que j’ai quelque chose de très important (silence) à vous communiquer.
J’ai l’impression que c’est la dernière partie qui est mise en valeur, et là je suis dans l’attente
Voyez, (coupure) elle est importante, mais il faut que ce que je vais vous dire ait suffisamment de force et d’intérêt pour justifier du silence que je me suis permis d’imposer. Si je vous dis, « je vais vous dire quelque chose de très important », je vous fais attendre 25 secondes pour vous dire, il risque de pleuvoir, vous allez me prendre pour un zozo et vous aurez raison. Également, si j’ai quelque chose de très important à vous dire, et que je vous dis, « je vais vous dire quelque chose de très important» et je vous le dis tout de go, j’aurai perdu la force de cette information importantissime que je voulais vous transmettre. Tout cela est une question de (coupure), d’amour du mot, parce que les gens par exemple, les gens aujourd’hui parlent à toute allure, mangent, contractent les mots, il n’y a plus une personne qui dit naturellement, ou machinalement, on dira naturellment, ou machinalment mais ça n’existe pas il y a un E. On a perdu malheureusement le plaisir de dire le mot, on a perdu le plaisir d’être dynamique, d’aller au bout du mot, et quand on va (coupure) grande chance d’être bien entendu au niveau auditif, et surtout bien compris, être bien suivi, sinon ça ne fonctionne pas
cette économie d’énergie ne sert à rien, vouloir aller trop vite pour ne pas mettre de l’importance sur les mots, c’est peut-être passer beaucoup plus d’énergie derrière si on veut fédérer un collectif derrière une idée
Absolument. On croit qu’on évite une énergie qui est obligatoire, on l’évite en se disant, on se fatigue moins on va plus vite au but, mais non, on se fatigue davantage ; quand je vois, sans faire de politique, Madame Pécresse sur un plateau, qui est une femme remarquable au demeurant, ce n’est pas n’importe quoi ce qu’elle raconte, mais quand elle va de droite à gauche avec son micro, elle va à droite elle revient au milieu, elle repart à gauche, elle fait pendant le discours un kilomètre à pied. Moi je lui dirais, chère madame, 1km à pied, ça use les souliers, mais ça use aussi votre énergie, vous ne respirez pas aussi convenablement que vous devriez, et vous fatiguez les gens qui vous regardent, quand je vais voir un match de tennis, je ne me mets jamais au milieu du court, je me mets en bout, comme ça je n’ai pas à bouger la tête de tous les côtés. Donc il faut être le plus relax possible, décontracté possible, pour poser les éléments de ce que nous avons à prendre, à proposer, à offrir ! et si je parle d’offrande, je vais travailler avec une dynamique bien agréable, le mot offrir, je veux offrir quelque chose, et bien les deux F et le R vont me permettre de donner et d’offrir et de partager avec la personne que je veux honorer, et à laquelle je veux donner une offrande. Offrir, ça ne veut rien dire, je vais vous offrir quelque chose, mais vous n’usez pas du mot, vous passez par-dessus, et vous n’avez pas la chance d’avoir ce plaisir de rentrer dans le mot pour le faire exploser, et qu’il soit entendu, compris, apprécié des gens. Il vaut mieux en dire beaucoup moins, encore une fois, et que ce que vous dites, reste dans la mémoire collective, que de dire beaucoup de choses, et à la fin, qu’est-ce qu’il a dit ? Bof je ne sais pas, mais qu’est-ce qu’il a parlé ! il en a dit !
dans votre façon de parler, vous pouvez donner de l’importance à un mot plus particulièrement même si on construisait la même phrase. Quand vous parlez de plaisir d’entrer dans le mot, ça peut être compris différemment que cette notion de plaisir d’entrer, dans le mot, ça veut dire qu’on peut jouer sur une phrase qui est haute en couleur, quasiment en 3D, et on peut appuyer là où on le souhaite
Décidément je suis ravi, vous comprenez tout, c’est un grand plaisir de partager avec vous, ça y est, vous avez compris, vous n’aurez jamais besoin de moi, j’en suis persuadé ! vous êtes tout à fait remarquable dans vos questions et dans votre écoute
ça veut dire que, quand j’ai préparé en amont mon discours, je sais sur quoi je souhaite insister dans ce cas-là, une fois que j’ai gagné sur le naturel, sur ma colonne d’air, une fois que j’ai conscience de cette couleur de voix, je peux aborder une nouvelle notion technique qui est cette volonté d’insister plus particulièrement sur certains mots ou de les faire redonder sur des sonorités qui vont ancrer dans les mémoires le message que je veux transmettre
Oui, de là évidemment, une préparation très, très, très, pertinente, une préparation en amont d’une intervention. Parce que prendre la parole devant un auditoire, un auditoire commence à une personne, donc il faut préparer son affaire, et si vous la préparez d’une très jolie façon, vous pourrez vous éloigner d’autant du mot ou de la phrase que vous aurez écrits, et vous pourrez improviser, ce que fait Emmanuel Macron très bien. À l’époque il lisait moins bien, parce que malheureusement on lui donnait les discours trop souvent au dernier moment, mais quand il se permettait de poser le papier, comme il connaissait les sujets parfaitement, qu’il les improvisait, qu’il parlait aux uns et aux autres, les ressentant comme ayant envie de se libérer de l’écriture un peu sévère d’une phrase seulement lue, voilà, tout ça part d’une préparation évidemment bien avant, sans laquelle évidemment ça ne fonctionne pas. Encore une fois, le travail, comme dit l’autre, le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver, mais ça c’est complètement faux, la deuxième partie de la phrase. Comme disait Louis Jouvet à une comédienne, mademoiselle, premièrement, travail, deuxièmement travail, troisièmement, travail, ensuite, vous êtes priée d’apporter votre âme. Et quand on a compris monsieur Louis Jouvet, on a quelques chances de réussir dans son entreprise vocale, qu’elle soit au théâtre, à l’opéra ou sur une scène face à un auditoire, qu’elle soit dite, lue ou chantée, par une personne qui a envie de se faire entendre à des fins positives, à des fins professionnelles, commerciales ou politiques, à toutes fins utiles
c’est fort ce que vous dites, c’est quelque chose qu’on retrouve quelle que soit la discipline, c’est que la préparation en amont permet le succès, et d’une certaine manière, dans ce que j’entends, on peut tous devenir une meilleure version de soi-même par rapport à la voix
On peut tout améliorer en soi, il suffit simplement de le vouloir. Évidemment, vous n’arriverez jamais et moi non plus au niveau du théâtre, à ressembler à monsieur L. Jouvet, si vous voulez courir vite, vous pouvez travailler votre corps pour cela faire, mais vous ne courrez jamais aussi vite et moi non plus, c’est ma spécialité, aussi vite que monsieur Hussein Bolt, vous ne chanterez jamais aussi bien que monsieur Luciano Pavarotti, mais vous irez au bout de vous-même, et vous vous améliorerez dans quel que domaine que ce soit. Simplement il faut le vouloir, il y a beaucoup de politiques qui me disent, un peu timidement, au bout de (coupure), et alors, au niveau du chant, est-ce que vous pensez que je pourrai chanter ? et je leur dis, vous parlez, évidemment que vous pouvez chanter, et que vous pouvez vous améliorer dans l’art du chant. Vous marchez, vous pouvez courir, évidemment, vous pouvez tout, si vous avez conscience que pour arriver à vous améliorer dans quelle que discipline que ce soit, il faut d’abord une réflexion, la pensée avant l’action, et ensuite, il faut mêler cette pensée à l’action, et là il y a la répétition obsessionnelle de l’action, qui fait que cette action deviendra réflexe, et ensuite vous n’aurez plus nécessairement à penser. Quand vous êtes dans une voiture et que vous savez conduire, vous ne vous dites pas, il va falloir tourner à droite, comment on tourne le volant ? je connaissais une dame qui voulait passer son permis, mais qui ne l’a jamais passé parce que pour faire un créneau sur sa droite elle tournait le volant sur la gauche, elle se trouvait perpendiculaire à la rue, pourtant c’était une personne très intelligente, mais elle n’avait pas cette intelligence-là
La pensée doit être réfléchie, si vous n’y arrivez pas trop bien, et dans l’action également, vous prenez, et c’est aussi une qualité, de prendre la personne idoine qui va vous aider à progresser dans le domaine que vous souhaitez. Cela dit, la personne qui vous conviendra peut ne pas convenir à tout le monde, c’est bien entendu !
Il y a aussi toute la notion d’articulation, de diction, d’élocution qui va donner de l’impact aux mots
Absolument. Il y a une chose que je souhaite dire, que les gens ne comprennent pas nécessairement, c’est qu’il y a une différence entre l’élocution et la diction. L’élocution, une bonne élocution, c’est la facilité à mettre en place des mots pour créer des phrases de qualité, avec des mots choisis. On dit de quelqu’un, il a une élocution, parce qu’il exprime avec facilité, avec intelligence, avec grâce ce qu’il a à dire.
Et ensuite, la diction, c’est la façon de dire , d’exprimer sur un plan plus physique, cette élocution venue de l’intelligence et d’une facilité à trouver le bon mot, la jolie phrase, l’expression qui va faire mouche.
Vous pouvez avoir une très belle élocution, avec une mauvaise diction, vous pouvez dire des choses très belles, écrites ou improvisées, mais avec une voix incertaine, et ça c’est dommage, parce que le fond est là, et la forme n’y est pas. La chose la plus facile quelque part, à mon sens, doit être la forme parce que ça s’apprend, il y a des règles à respecter, il faut syllaber les mots. Si vous voulez vraiment qu’un mot fasse mouche, il faut légèrement le syllaber, pour en souligner l’importance. Et là aussi, je voudrais dire, et ça me fait sourire maintenant, parce qu’il y a 99,9 % des gens aujourd’hui qui ne finissent pas les mots en E, mettons, la place, la place que vous prenez, le mot place, les gens disent la plac (e avalé), on entend place, évidemment à 80 cm, on entend, on devine le mot place, mais si vous êtes à 10 mètres, on entend la pla, mais la pla, ça n’existe pas, c’est la place, il faut finir le mot, on ne finit pas les mots. La quantité négligeable par exemple, on entendra, la quantité négligeab, négli quoi ? négligeable, le ble doit s’entendre. Or pour cela faire, moi je prends un yoyo, je le mets dans la main, j’attache le yoyo qui part vers le bas, négligeab, le gea, c’est la syllabe forte, négligea, et pour finir le mot, le ble, il faut bien le finir, et je dis, quand le yoyo remonte dans votre main, négligeable. Les gens me disent, mais on ne veut pas dire négligeableu, évidemment, il n’y a que Fernandel qui pouvait se permettre négligeableu, mais moi je ne dis pas négligeableu, je dis, négligeable, et on entend le ble, parce qu’il faut l’entendre sinon le mot n’a pas sa raison d’être, ou d’être exprimé ou d’être dit, parce qu’il n’existe pas, le mot négligeab n’existe pas
ne soyons pas avares avec les mots que nous utilisons ni avec notre voix
Absolument. et puis bien soutenir la phrase jusqu’au dernier mot, parce qu’encore une fois, le dernier mot, très, très souvent, pour ne pas dire toujours , est le mot le plus important de la phrase et si on ne l’entend pas, la phrase n’a plus aucune raison d’être ou d’avoir été dite
la phrase n’a de raison d’être que parce qu’elle est entendue, par son interlocuteur
Absolument, ne pas accélérer, quand ça n’a pas de sens, quand ça n’a pas d’intérêt. Évidemment dans un discours tout n’est pas de la même essence, tout n’est pas aussi important, dans une phrase, les mots importants sont les verbes, d’état, les verbes d’action, les sujets évidemment, il faut savoir qui fait quoi qui dit quoi, mais les conjonctions de coordinations, quelques adverbes, tout cela, les articles définis, indéfinis, font que la phrase est en bon français, ou en bonne langue si on parle une autre langue, mais on ne doit pas dire tous les mots de la même façon avec la même intensité. C’est pour ça qu’à l’opéra, très souvent, malgré la belle voix qu’ont certains, chantant tous les mots pareils, certains ou certaines en deviennent lassants, parce qu’il n’y a pas de couleur, il y a une couleur générale, une seule couleur générale, qui fait que , quand on a entendu que la voix est belle, bon, elle est belle. Mais si elle n’est que belle, je préfère une voix moins parfaite, mais qui est soutenue, par cette colonne d’air dont on ne parlera jamais assez, et soutenue aussi par une volonté dramatique, une volonté (coupure) de donner (?) les choses d’une façon savante, et originale et (coupure)
donc l’intention et la volonté d’animer cette voix c’est quelque chose d’important
Cette voix, vous n’avez pas dit le TE, vous avez dit CET, mais c’est féminin, cette voix, et pas cet voix
c’est passionnant !
Et on en arrive ensuite à aimer davantage, non pas parler pour se faire remarquer, pour que les gens disent, houlala celui-là, celle-là, non, mais c’est beaucoup plus profond que ça, on en arrive à aimer parler, aimer parler pour partager avec autrui et pour que tout le monde soit content et trouve son compte. Parce que parler un, pour ne rien dire, il vaut mieux se taire, donc si vous parlez à un auditoire c’est bien parce que vous avez quelque chose à échanger ou à apprendre à des fins aussi personnelles. Peu de gens parlent pour uniquement donner, donner, et ne rien recevoir, bien entendu il faut que ce soit dans les deux sens cette affaire.
si le Jean Philippe d’aujourd’hui devait rencontrer le JP d’il y a 20 30 ou 40 ans, quel conseil vous lui donneriez ?
De regarder, d’écouter davantage tout ce qu’il se passe en lui, et surtout autour de lui. Et de choisir, et ça, c’est la chose la plus difficile, de choisir la ou les personnes, mais peu de personnes, la personne qui va vous mener comme une mariée à la messe, qui va vous mener vers la lumière quelque part. Et là en finissant, je voudrais louer une fois encore, Denis Dupleix qui a été depuis 51 ans, je l’ai rencontrée à 20 ans, qui a été mon coach, qui a été une très jolie chanteuse, qui a 95 ans bientôt, et qui a été l’âme, une des âmes de ma vie, avec ma maman et mon épouse Martine qui est formidable avec les ordinateurs, et bien d’autres choses.
Donc vraiment de ne pas se tromper de cible quand on tend la main à quelqu’un et que ce quelqu’un accepte de vous mener joliment, et sans nécessairement grand intérêt personnel.
Voilà, c’est ce que je dirais, écouter, regarder et en faire son profit.
Quand vous aurez besoin de moi de quelle que façon que ce soit, vous saurez me trouver !