Oser dire non pour closer ses ventes et négociation – Rafi Mouhamad

Bonjour à tous, je m’appelle Julien Pelabere et je suis négociateur professionnel. Mon métier est de former, accompagner et assister des entreprises et organisations à la conduite de leurs négociations les plus sensibles et les plus complexes. Bienvenue dans Pourparler, le podcast de la négociation. Notre ambition est simple : vous donner des clés pour mieux négocier, mieux négocier pour un meilleur futur professionnel et personnel. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir pour invité sur Pourparler Rafi Mouhamad, bonjour Rafi.

 Bonjour Julien !

Comment est-ce que tu vas ?

Très très bien, ravi d’être avec toi aujourd’hui.

C’est moi qui suis ravi, parce que tu es le premier expert que l’on invite sur cette chaîne qui est sur la partie vraiment vente, closing, et ça va être très intéressant, parce qu’il y a souvent beaucoup de parallèles à faire entre la négo, la négo commerciale et la vente, et j’ai hâte de découvrir un petit peu ton travail, la façon dont tu l’as conceptualisé et de voir tous les parallèles que l’on peut faire avec la négo et ces sujets-là. Très rapidement, pour les gens qui ne te connaissent pas encore, est-ce que tu pourrais te présenter Rafi s’il te plait ?

Avec plaisir, merci beaucoup. Alors Julien, c’est très simple. Je suis le fondateur de la Closing Académie, qui est un cabinet de conseil et de formation spécialisé dans la performance commerciale. On accompagne historiquement des grands noms, des grands groupes internationaux sur tous les enjeux liés à la performance commerciale, ce qui veut dire qu’il y a 3 dimensions : l’accompagnement des forces de vente B2C, l’accompagnement des forces de vente B2B et l’accompagnement des sales managers. Je travaille essentiellement sur ces 3 enjeux. S’il faut chercher à comprendre mon parcours, c’est très simple. Il y a 22 ans de ça, je sortais de fac de langues et j’étais réceptionniste dans une boite, qui n’était pas connue à l’époque, mais qui est devenue très connue, qui est un des grands acteurs aujourd’hui de la formation en anglais à travers le monde et de réceptionniste, 6 mois plus tard, le PDG de la boîte m’a proposé de devenir consultant commercial, 6 mois plus tard, ils m’ont dit que j’étais le meilleur commercial monde, à partir de cela, ils m’ont proposé de devenir business unit manager à 22-23 ans et de là, j’ai commencé à redresser des BU qui perdaient de la vitesse et j’ai été recruté pour faire la partie B2B, management commercial plus B2B, et puis ça s’est tellement bien passé qu’au bout d’un moment, on m’a demandé de créer la sales academy de mon groupe et je me suis donc retrouvé à formaliser tous les réflexes commerciaux que j’avais naturellement développés au fur et à mesure du bon sens. Pendant quasiment 8 ans, mon travail était d’accompagner tous les jours 150 forces de vente au niveau national et de les entraîner à performer au quotidien, et puis un jour, j’ai eu soif de liberté, donc je crois que vers 2013, je suis parti à l’aventure. Déjà, comme j’étais un très grand complexé de ne pas avoir fait d’études et d’être autodidacte dans une époque où ce n’était pas très valorisé, je suis parti essayer de résoudre mon complexe à travers des études. Je suis donc parti faire un Exec MBA en France, en Chine, aux États-Unis, un cursus global qui était très intéressant, passionnant, où j’ai appris beaucoup de choses. Ça m’a donné assez de confiance pour créer mon cabinet et donc depuis 2015, j’ai mon cabinet sur la partie B2B qui s’appelle MLF Consulting, et j’ai développé une marque qui s’appelle la Closing Académie sur la partie B2C et grand public, et je fais de mon mieux pour aider les gens à développer leur chiffre d’affaires aujourd’hui, en France, Afrique, Asie, Moyen-Orient.

C’est un message fort que tu nous partages, ce côté autodidacte et études, c’est courageux et ça montre qu’avec de la volonté, on peut reprendre ses études à n’importe quel âge et en repartant d’un parcours from scratch, c’est génial ! Beau message ! Et donc tu as appelé ta partie B2C, B2B, Closing Académie, ça va être un petit peu ce sujet que l’on va aborder entre nous. Tu m’as proposé un titre, un angle que j’ai trouvé intéressant, je ne l’ai pas compris du premier coup, c’est pour ça qu’il était aguichant pour moi, c’était : oser dire non pour passer à l’action, l’art de cette notion de closing. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur cette notion d’oser dire non ? Pourquoi ? C’est quoi ce passage à l’action, comment tu closes ? Et je te poserais peut-être même une question piège à un moment, parce que je n’ai pas la réponse : est-ce qu’il y a une différence entre négo et vente ? C’est le sempiternel débat. Moi, dans mon travail, je ne fais pas forcément la différence. On a déjà échangé un petit peu là-dessus, mais je sais que toi tu es vraiment un expert de la vente, du closing, donc si tu fais une différence, je prends avec grand plaisir ! Bon, on a parlé de beaucoup de choses, oser dire non pour passer à l’action, l’art du closing Rafi, c’est quoi ça ?

Il y a pas mal de sujets ! Tu me dis à quel moment tu veux que je réponde à la question de la différence entre la vente et la négociation, si je réponds vers à la fin ou au début.

Je te laisse me closer quand tu veux ! On va y répondre à la fin tiens.

On garde ça pour après. Savoir dire non, pour moi, c’est le levier que personne ne nous explique réellement pour réussir à vendre. Pourquoi je dis ça ? Aujourd’hui, j’accompagne quasiment une trentaine de forces de vente et je remarque que ceux qui cartonnent le plus en ce moment, ceux qui font leurs objectifs fois 2 ou fois 3 sont ceux qui arrivent à mettre en œuvre ce que je leur dis, c’est-à-dire : soi le premier à dire « non ». Ne sois jamais le deuxième à dire « non » face à tes prospects, face à tes clients. Je pense à Maxime en ce moment à Marseille, je pense à Jade sur Bordeaux ou je pense à Georgia à Belfort, parce que j’interviens sur plusieurs villes et donc localement, il y a différentes cultures, et en gros, il y un dénominateur commun, une sorte de colonne vertébrale, de backbone comme on dit dans le monde anglophone, qui est : le premier qui dit « non » est celui qui inspire le plus confiance.

Alors tu dis « non » à quoi ? C’est intéressant, parce que dans l’inconscient collectif le vendeur, encore plus le négociateur, c’est la personne qui ne doit jamais dire « non » – je ne suis pas forcément d’accord là-dessus – mais tu dis « non » à quoi ? Tu dis « non » à l’autre ? Tu dis « non » à toi ? Parce que pourtant j’ai envie de te vendre quelque chose, pourquoi je te dirais « non » alors que c’est moi qui ai la démarche de vendre ?

C’est the good question. Alors, je vais essayer d’être le plus pédagogue possible pour tout le monde.

Oui, surtout pour moi !  

C’est vrai que dans l’art de la vente, dès le début, quand j’ai commencé ma carrière, les gens me disaient : waouh, tu as un taux de closing assez bluffant Rafi, tu signes tous types de populations, donc très rapidement, depuis 22 ans, on m’a étiqueté le mot « closing ». On disait : Rafi c’est un closer, il close vite, donc j’ai commencé à me passionner pour ce mot et au bout d’un moment, quand les gens venaient voir mes rendez-vous pour m’observer, analyser, essayer de comprendre, ils se rendaient très rapidement compte que pour closer, je faisais beaucoup d’openings, c’est-à-dire que pour réussir à conclure facilement à la fin du rendez-vous, je passais ma vie, mon temps de rendez-vous à 80% à poser des questions ouvertes, me taire, créer des silences, écouter les gens avec beaucoup de profondeur et de densité. Ça, c’était la première dimension.

Donc une vraie volonté de comprendre, de créer du lien dans un premier temps, c’est ça ?

Exactement. Mon obsession était de comprendre les gens. D’abord, je voulais être sûr que j’avais réussi à comprendre les gens et que les gens étaient d’accord sur le fait que je les avais compris.

Ah, OK. Tu voulais les comprendre, mais tu voulais aussi qu’ils aient la perception d’avoir été compris ?  

Exactement, ce sont deux choses totalement différentes. Souvent, les gens pensent comprendre, mais ils n’ont pas validé qu’en face, ils se sont sentis compris.

Oui et ça va permettre de créer cette relation de confiance.

Oui, et ça, toi et moi on peut en parler aussi dans les relations de couple, souvent, je pense avoir compris ma femme, mais elle ne se sent pas comprise, donc c’est bien que je n’aie pas closé quelque chose avec ma femme.

C’est vraiment génial et tu vois, j’ai eu un de mes premiers managers quand j’étais jeune qui est parti aux États-Unis épouser une Américaine et l’anglais n’était pas sa langue maternelle, quand il s’embrouillait avec sa femme, il avait cette volonté d’être compris, parce qu’il y avait la barrière de la langue et très régulièrement, il y avait cette phrase « do you see what I mean » qu’on n’a pas l’habitude de se dire entre Français, entre personnes de la même culture, parce qu’on part du postulat que ce que j’ai pensé, ce que j’ai dit, ce que l’autre a entendu, compris ou retenu, c’est la même chose, qu’il n’y a pas de déperdition, or tu le sais mieux que moi, dans la négo ou dans la vente en général, il y a beaucoup de déperditions et on ne fait pas toujours l’effort de checker que l’autre a compris le message, donc c’est vraiment intéressant ce que tu viens de dire.

Exactement. Quand j’ai commencé ma carrière, comme j’étais très complexé de ne pas être compétent, j’avais une obsession d’être compétent, donc je passais beaucoup de temps à poser des questions, je passais mon temps à dire « je ne comprends pas ou je ne sais pas de quoi vous parlez, donc racontez-moi ». Je me souviens très bien, le sixième rendez-vous de ma carrière, c’était un monsieur qui s’appelait Bernard je crois, il s’est installé devant moi à Place de l’Opéra et il m’a dit : « je suis le numéro 3 de la COB ». Moi, comme j’étais vraiment complexé, j’ai dit : « d’accord, très bien, mais c’est quoi la COB ? Il m’a dit c’est la Commission des opérations de bourse. D’accord, et ça consiste en quoi la Commission des opérations bourse ? Vous ne connaissez pas ? Je dis non : je suis désolé, j’ai 21 ans, je suis un littéraire, je ne comprends pas ». Là, il s’est mis à m’expliquer tout son métier et à la fin, c’était un one shot, il a signé. Ce que j’ai compris, c’est que d’abord je devais être honnête et, de manière sincère et transparente, montrer que je voulais comprendre, être capable de dire que je n’avais pas compris et être capable de dire que je ne connaissais rien à son domaine. Les gens m’ont dit : « il ne faut pas que tu montres que tu ne connais pas ou que tu ne sais pas pour être crédible » et je me suis rendu compte que je construisais ma crédibilité en montrant que je ne savais pas ou que je ne comprenais pas, parce que ça me faisait poser beaucoup de questions, les gens m’enseignaient et cet enseignement faisait que j’interagissais et on construisait un vrai lien, très profond.

C’est génial. C’est vraiment ça. Les gens ne comprennent pas en fait. Ils ont l’impression que poser des questions nous renvoie d’une certaine manière à l’école. C’est la personne qui ne sait pas, qui s’expose au groupe, qui fait qu’on finit plus tard et donc on n’ose pas poser des questions. Généralement, ton métier, tu le connais, ton expertise métier, bien évidemment que tu la connais, tu ne peux pas dire je ne sais pas sauf si tu es sur des produits très complexes, et tu peux, dans ton rôle de sales, mettre des avant-ventes, du contrat, du juridique dedans, mais c’est dire que l’on ne connait pas l’environnement de son client, la façon dont ça fonctionne et le pire je pense, c’est d’avoir des biais et des suppositions, penser que l’on connaît, ne pas faire le travail pour lequel on est payé, qui est quand même de collecter une information de qualité, de créer un pipe qui repose sur une information bancale et de ne pas closer parce qu’on se dit : tiens, j’étais persuadé qu’il voulait ça… Peut-être pas du tout !

Exactement.

Et plus tu vas sur des appels d’offres complexes, plus tu sais qu’en plus, ce ne sont même pas eux qui ont rédigé l’appel d’offre, ce sont peut-être les achats, c’est peut-être un cabinet d’achat et donc le besoin tel qu’il est retranscrit ne correspond ni au métier, ni au sponsor, ni au juridique. Il faut avoir cette volonté de comprendre et au contraire, dire que l’on ne sait pas, c’est génial, parce qu’en plus, l’autre va parler d’un sujet qu’il maitrise le mieux et qu’il affectionne, c’est-à-dire lui et son environnement.

Exactement ! Et ce dont je me suis rendu compte dès ces premières années, c’est que la plupart des gens qui venaient rencontrer un commercial, c’est-à-dire moi, venaient avec des curseurs de méfiance et de vigilance assez élevés, et donc finalement mon premier devoir n’était pas de vendre, mon premier devoir était de faire baisser ces curseurs de méfiance et de vigilance et d’augmenter à la place un curseur de confiance, et le seul moyen de faire baisser les curseurs de vigilance et de méfiance et d’augmenter le curseur de confiance, c’était de créer un vrai lien et le seul moyen de créer un vrai lien, c’est d’écouter pour comprendre et non d’écouter pour répondre

Deuxième étape de travail : passer d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre, tu sécrètes de l’ocytocine, hormone de la confiance, tout simplement. C’est passionnant Rafi ! Donc première étape, opening, questions ouvertes, volonté d’aller plus loin, d’aller chercher de l’information, de créer de la confiance, tu n’as toujours pas dit non à ce moment-là ?

Exactement. Pour répondre à ta question, je vais prendre la métaphore d’un jardinier qui doit planter une plante. Imaginons que l’on est tous des jardiniers. Notre produit, notre service, notre vente ou notre action de closing, c’est une plante que l’on doit planter, mais pour la planter, on doit être sûr que le terreau est bon. Le terreau, c’est construire la confiance et cette confiance demande cette phase d’opening. Une fois que tu as fini cet opening, ce terreau, tu l’aères, tu mets de l’air dedans, tu mets tout ce qu’il faut comme nutriments. Une fois que c’est prêt, tu peux attaquer ton action de vente et l’action de vente, je l’ai subdivisée en un mot qui est maintenant utilisé dans le monde francophone, en closing, en processus de closing. Au fur et à mesure des années, ce qu’on l’appelle le closing, je l’ai subdivisé en 10 mini closing.

Intéressant, ça veut dire que pour toi le closing, c’est quand tu as créé la dynamique de confiance ? A partir du moment où tu bascules dans ce schéma de vente, c’est pour toi cette notion de closing, c’est ça ?

Exactement. C’est-à-dire que j’ai commencé à planter la plante dans le terreau que j’ai façonné et il y a 10 gestes de jardinier pour que la plante soit bien plantée et ces 10 gestes, je les ai baptisés les « 10 mini closing ». Ma méthode s’appelle « ten steps », parce que j’ai essentiellement évolué dans un monde anglophone, anglo-saxon, donc j’utilise beaucoup de termes anglophones dans ma pédagogie, et ces 10 steps, ce sont 10 « oui » à obtenir, mais pour obtenir ces 10 « oui », il faut potentiellement être capable de dire 10 fois « non » en premier.

Là, tu nous aguiches, t’es obligé de nous dire ce qu’il y a dans tes 10 étapes Rafi !

 Toujours en rigolant, en faisant des blagues, parce que je pense que l’humour fait passer les messages plus rapidement, quand j’ai rencontré ma femme il y a 18 ans, je ne vais pas faire Colombo, mais c’est un peu pareil, peut-être qu’elle était intéressée par moi, c’est possible, peut-être que j’étais intéressé par elle, ça, c’est sûr, mais je pense que cette capacité à être celui qui dit « non » en premier, à un moment où l’autre a une méfiance envers nous, crée de la confiance. Si la jolie fille que j’ai rencontrée il y a 18 ans pensait que je voulais juste me vendre, sa vigilance aurait été trop élevée, elle aurait pensé que je voulais me vendre que dans mon intérêt, donc il faut être capable de dire « non », régulièrement, à certains moments : « tu as envie de voir tel film ? Non, tel film, ça ne me plait pas. Tu as envie de bouffer dans tel resto ? Non, moi je préfère ça ». Il faut être capable de dire ces « non » pour créer de la confiance profonde.

D’accord, alors en fait quand tu dis « non », tu te dis « oui » à toi-même. Tu te respectes et, parce que tu te respectes, l’autre va être amené à te respecter. Tu n’es pas prêt à tout pour vendre, ça ne ressemble pas à la personne qui est fausse.  

Exactement.

Donc quand tu dis « dire non », c’est être sincère dans le processus, c’est ça ?

C’est exactement ça. Être sincère, honnête et transparent avec soi, pour l’autre. C’est ça qui est génial, parce que si tu veux que je te rende heureuse ma chérie, il faut que je sois capable de te dire « non » pour pouvoir t’emmener sur ce qui est bien pour toi, donc pour moi, pour nous. En gros, c’est un « nous ». La vente, pour moi, c’est une action où on construit un « nous », on construit un partenariat, donc je ne peux pas faire n’importe quoi avec votre confiance, parce que souvent les clients ne sont pas les mieux placés pour savoir ce qui est bon pour eux. C’est comme un médecin, quand il voit un patient débarquer avec l’automédication en disant : « docteur, donnez-moi du Doliprane, donnez-moi du Dafalgan, le médecin qui dit : oui, allez, je vous en prescris pour 3 mois », c’est un mauvais médecin ! C’est un charlatan ! Donc très jeune, je me suis aperçu que les gens qui venaient vers nous, curieux de notre prestation de service, n’étaient pas compétents pour savoir ce qui était bon pour eux. Ils demandaient tout et n’importe quoi et moi je passais mon temps à dire : « non, si vous faites ça, ça ne va pas être possible », je passais donc mon temps à éduquer mes clients et plus je disais « non », plus les gens signaient !

Ton sujet n’est pas de leur donner ce qu’ils veulent, mais de leur donner ce dont ils ont besoin et toi tu dis : moi, mon expertise, parce qu’effectivement vous avez votre expertise métier, mais moi sur ce sujet-là, ça fait X dizaines de structures que j’accompagne et je peux vous dire que ça, ça marchera ou que ça, ça marchera moins bien.  

Oui, être prêt à perdre le client à chaque instant pour lui faire comprendre que ce qui est bon pour lui n’est pas ce qu’il pense et donc plus on dit « non », plus les gens se rendent compte que nous sommes la bonne personne pour les accompagner, parce qu’ils ne sont pas habitués à entendre une personne qui est soi-disant un commercial qui dit si souvent « non » en si peu de temps. Ils ne sont pas habitués, donc leur curseur méfiance-vigilance chute, leur curseur confiance augmente et le pire, c’est que c’est sincère et honnête, donc nous on est bien dans nos baskets tous les jours.

C’est ça, c’est dans l’intérêt de ton client. C’est passionnant. Alors avant d’entrer dans ces 10 étapes de closing, tu as dit quelque chose d’intéressant, être prêt à perdre le client, j’ai envie de te dire OK, mais tu le sais très bien, les commerciaux sont payés avec un fixe et un variable, variable qui est souvent assez conséquent, ils se disent qu’ils ne peuvent pas perdre ce client, parce qu’ils ont beaucoup de pression, parce qu’on leur demande un closing sur le pipe, le quarter, qui est important, parce qu’ils ont peut-être fait un quarter avant qui était moins bon et, c’est intellectuellement je pense, comment se dire : ce n’est pas important. J’ai envie de closer, mais ce n’est pas important, parce que comme tu le disais, ceux qui closent le mieux marchent sur l’eau après. A la fin de l’année, ils ont fini leurs quarters ou leur année, on ne comprend pas, ils closent encore plus, peut-être parce que ce n’est pas important. Comment est-ce qu’on peut sortir de ce piège des objectifs, de la pression managériale et de tout ça Rafi ?

 Ça, c’est une super bonne question qu’il a fallu résoudre dès le début. Je me suis rendu compte que les trois fois où j’ai foiré mon chiffre d’affaires, l’atteinte de mes objectifs dans ma carrière, c’était le moment où j’ai acheté mon appart et quitté mes parents. Je devais payer les charges, j’ai foiré. La deuxième fois que j’ai foiré mon mois, c’est quand ma grande est née, il y a 16 ans. Il y avait beaucoup de frais, beaucoup de dépenses, j’étais stressé parce que j’allais devenir papa et j’ai foiré mon mois. Et il y a une troisième fois, j’avais d’énormes dépenses par rapport au chantier de rénovation de ma maison, donc pour répondre à cette question, un commercial qui veut vraiment être bon, qui veut être un vrai performer, doit travailler comme un sportif de très haut niveau, il doit faire de la préparation mentale.

Ça, ça me plait ! Dis-moi !

C’est une discipline mentale, c’est de l’hygiène mentale. Il y en a qui vont dire le mindset, moi j’appelle ça le dialogue interne, maitriser son dialogue interne, maitriser l’art du lâcher-prise. On prend le plus grand athlète, on prend un Teddy Riner, on prend un Usain Bolt, n’importe qui, ce n’est pas parce qu’il a peur de ne pas avoir la médaille d’or qu’il va réussir ! La peur ne mène pas à la performance, c’est l’équilibre. Comme disait Maitre Yoda, c’est l’équilibre des forces qui mène à la performance continue. Je ne sais pas si c’est assez concret ce que je dis, parce que j’ai des références très pop culture au vu de notre génération à toi et moi, c’est le juste équilibre entre la peur de ne pas y arriver et la confiance, la certitude d’y arriver. C’est-à-dire que tous les matins, je viens, je sais que je vais signer quelqu’un. Dans ma tête je me disais « one a day », je m’étais programmé comme un sportif de haut niveau, parce que j’avais été entraîné par mon directeur Europe, qui était lui-même un médaillé de bronze des Jeux Olympiques de Barcelone, donc mon grand patron m’avait façonné dès mon plus jeune âge et m’avait dit : « écoute, moi je suis un sportif de très haut niveau à la base, Rafi, c’est très simple, c’est important que tu aies un objectif quotidien dans ta tête. J’étais un gosse de 21 ans, il m’a dit : programme one a day, un client par jour », et moi je venais avec cette certitude, parce que mon patron qui avait 25 ans d’expérience de plus que moi m’avait dit lui-même que ça marchait pour lui, donc je me disais : si ça marche pour lui, pourquoi pas pour moi ? Je venais donc tous les matins en me disant : je vais contacter tant de personnes, je fais faire tant de rendez-vous et je vais faire tant de signatures, donc tant de chiffre d’affaires et je ne pars pas d’ici tant que je n’ai pas un contrat déclaré dans mes stats. Et à chaque fois que j’ai eu peur, j’ai foiré.

C’est de la discipline. C’est intéressant, parce que le parallèle avec le sportif de haut niveau, je l’utilise énormément. Je dis que dans la performance, dans la négo ou quel que soit le métier, il y a 3 choses à prendre en considération : il y a le mindset, comme un sportif de haut niveau, il y a l’entrainement physique comme un sportif de haut niveau et il y a la globalité. Le mindset, c’est ce que tu viens de dire, Teddy Riner dont tu parlais est accompagné depuis de nombreuses années par une psychologue sur sa préparation mentale et ce n’est plus à démontrer que tout ce qui est techniques d’optimisation du potentiel, qui sont utilisées par les forces spéciales ou par les sportifs de haut niveau, ça fonctionne. La partie physique, j’ai toujours été persuadé que pour réussir dans nos métiers, il fallait avoir une bonne hygiène de vie, sans être un ayatollah du sport, c’est-à-dire faire du sport régulièrement pour le cerveau, faire attention à son régime alimentaire, parce que sinon tu es fatigué, tu es moins bien, donc être présent corporellement comme un sportif de haut niveau et mentalement, et après, mon troisième, c’est la globalité, c’est de dire : quel sportif de haut niveau n’a jamais été coaché ? Ca n’existe pas ! Je n’en connais aucun ! Et donc une fois qu’on a les routines intellectuelles et physiques, il faut avoir une sorte de mentor, une personne qui va nous accompagner à s’entrainer, à faire nos gammes, parce que les gens apprennent les métiers, mais ne s’entrainent pas. Il n’y a que les forces spéciales ou les sportifs qui s’entrainent régulièrement, mais je ne connais pas beaucoup de commerciaux qui s’entrainent. Ce sont vraiment les trois dimensions avec le sport de haut niveau : modification de son état d’esprit, modification de ses aptitudes comportementales et modification de la globalité avec un coach, donc c’est génial ce que tu dis !

C’est ça ! Très rapidement, je comprends que mon patron est un sportif de très haut niveau, tu m’as dit faire ses gammes, moi, très rapidement, je résonne avec ce discours. Je n’ai pas été un grand sportif, mais ma passion c’était le basket quand j’étais jeune. Par contre, quand mon patron, Nick, se met à me parler, il me parle d’entraînement et de répétition. Comme je suis fana de musique, que j’ai toujours fait de la musique, depuis l’âge de 15 ans, je répétais quasiment 4-6 heures par jour avec mon groupe, on faisait beaucoup de scène, ça a résonné en moi : ah c’est la même discipline de répétition du geste commercial et la même discipline mentale, c’est-à-dire qu’il ne faut pas avoir peur de monter sur scène, il ne faut pas avoir peur de se prendre des tomates, parce que si tu as peur de te prendre des tomates et de te faire huer… Je me souviens, avec mes copains, le jour du concert, la moitié de mon groupe disait : on va se faire huer, ma voix ne va pas passer, s’ils nous insultent, qu’ils nous demandent de sortir de scène, qu’est-ce qu’on fait ? Et moi, dès mon plus jeune âge, à 15 ans, je me retrouvais à motiver mes copains : « tout va bien se passer, regardez les filles vont hurler vos prénoms, il y a même des soutiens-gorge qui vont voler sur nos micros », donc je me suis mis à motiver mes gars en leur faisant visualiser uniquement la réussite qui les touchait. Celui qui avait besoin de séduire les femmes, je lui parlais de ça, celui qui avait besoin de montrer que sa voix était la plus belle… Bref, je me mettais à dialoguer. Des années plus tard, j’ai un copain que l’on a en commun, qui s’appelle Laurent Beretta, qui m’a dit : « Rafi, je ne sais pas si tu te rends compte, mais tu fais de l’autohypnose et de l’hypnose tout le temps toi ! ».

Laurent qui est une personne fantastique, géniale ! On va l’avoir comme invité, un magicien connu mondialement qui a une Mandrake d’or, une des plus belles personnes.

 

Un grand monsieur.

On le salue.

 On s’est connu des années plus tard et c’était devenu mon client, et un jour il m’a dit : « je ne sais pas si tu te rends compte, tu as déjà fait de l’hypnose ? J’ai dit : non, je parle avec mon cœur, je parle avec mes tripes et au niveau émotionnel », je parle plus au cerveau limbique qu’au cerveau cortex-préfrontal, donc je parle beaucoup plus naturellement aux émotions des gens depuis tout petit, parce que je suis un artiste pur et dur, j’aime bien faire frissonner les gens et donc quand on cherche à faire frissonner les gens, on parle tout de suite au niveau émotionnel, et donc la discipline mentale, la préparation mentale ou entrainer son lâcher prise, c’est une question de discipline, de maitrise de son dialogue interne pour que son cerveau pense ce qu’il doit penser, ressente ce qu’il doit ressentir avant de devoir performer, donc ça passe par la visualisation, tous les éveils des sens et ce qu’on appelle l’équilibre de la confiance, c’est-à-dire que ce n’est pas parce qu’on a peur que l’on va réussir, ce n’est pas parce qu’on a confiance et qu’on n’est pas vigilant que l’on va réussir, c’est l’équilibre entre la vigilance que la peur crée et la certitude que l’on va quand même réussir à la fin sans être trop arrogant.

C’est ce qu’on a vu dans la négociation comme source de pouvoir. Ce n’est pas le sujet du podcast, je le fais très rapidement : qu’est-ce que tu contrôles dans le processus de vente ? Tu ne peux pas contrôler l’autre, tu ne peux pas contrôler qu’il te dise oui, donc pourquoi tu te mettrais la pression sur quelque chose que tu ne contrôles pas, puisque ça ne dépend pas de toi, tu vois ce que je veux dire ? Tu dois donc être extrêmement motivé à avoir ton deal, mais ça ne doit pas être important. C’est un terme anglo-saxon que tu comprendras bien, mais tu es neediness, tu es dans le besoin, et quand tu es dans le besoin, tu es prêt à accepter des compromis plus facilement, tu es prêt à poser moins de questions, parce que tu n’as pas envie de vexer l’autre ou tu n’as pas envie de lui dire que tu ne sais pas, tu es moins bon en fait, tu es prêt à t’asseoir sur plus de choses, donc tu dois te respecter. Tu dois respecter l’autre et tu dois être la meilleure version de toi-même et comme l’accord ne dépend pas de toi, tu dois créer les conditions les plus favorables pour ça et donc être extrêmement motivé, mais il ne faut pas que ce soit important pour toi. Ce que tu me dis sur une approche un peu différente, avec des mots un peu différents, a beaucoup de sens pour nous.  

Je peux l’illustrer avec un exemple vraiment concret du terrain.

Dis-moi.  

A la fin de ma première année de vente, on m’a remis un award pour me dire que j’avais battu le record historique de la boite, j’étais super touché, on m’avait célébré avec tous les collègues et c’était génial ! La semaine qui a suivi, c’était la semaine du 1er février 2001, je me souviens, j’ai fait 0 euros de chiffre d’affaires, ce qui ne m’était jamais arrivé. Je faisais toujours un chiffre d’affaires par jour et au bout d’une semaine, j’avais fait 0, donc à la réunion du vendredi, j’arrive et on me dit : « Rafi, t’as fait 0, ça fait 5 jours d’affilée que tu n’as pas signé, je dis : ouais, je ne sais pas ce qu’il se passe ». La deuxième semaine, j’ai fait 0, la troisième semaine, j’ai fait 0. J’ai beaucoup appris sur moi en février 2001, je venais de passer les 11-12-13 premiers mois de ma carrière à cartonner tous les mois, et là, il y avait un phénomène physiologique, psychologique qui avait changé chez moi. A l’époque, je n’avais pas la maturité pour dire ça comme ça, en tout cas, le constat, c’est que je faisais 0 et je me souviendrai toute ma vie, ma manager Séverine m’attrape en réunion, devant tout le monde et elle me dit : écoute, tu as foiré ton mois, laisse tomber, concentre-toi sur ton mois de mars, laisse tomber, détend-toi.

Passe à autre chose.

Et moi je suis sorti de cette réunion ultra vexé, parce que je suis quelqu’un de très fier et très orgueilleux, ça fait partie de mes caractéristiques, donc je suis sorti très énervé contre moi-même, contre ma manager qui ne croyait plus en moi. J’ai passé un coup de fil à ma petite amie, on bossait ensemble, on faisait le même métier et elle me dit : « qu’est-ce qu’il se passe chou ? Écoute, je suis énervé, parce qu’elle vient de me dire que le mois est foiré, alors qu’il reste une semaine. Elle me dit : elle a raison. Comment ça elle a raison ? Je lui dis : je ne suis pas d’accord » et c’est là que je me suis rendu compte du pouvoir du mental humain. Ce jour-là, j’ai vraiment pris conscience de ce que l’être humain était capable de faire. Elle me dit : « non, mais laisse tomber, elle a raison. J’ai dit : mais de quoi tu me parles ? Elle a raison, tu ne peux pas faire le chiffre d’affaires d’un mois en une semaine. J’ai dit : écoute, je travaille, je plante mes graines, donc quoi qu’il arrive, je vais les récolter ! Et puis, je suis capable de faire du one shot, je suis capable de faire du B2B, du B2C, je vais y arriver, mais je n’abandonne pas ! Je n’ai jamais foiré un mois, je ne vais pas commencer maintenant, ce n’est pas possible », et donc là, c’est ma copine qui commence à m’énerver et je vois que là je cultive quand même beaucoup de colère à ce moment-là.

Qui est une énergie qui permet de faire avancer les choses aussi.

Exactement, donc je cultive la colère et là, elle voit que je suis très sûr de moi, elle voit que je n’abandonne pas et c’est une fille très pudique je précise, et elle me dit : « tu sais quoi, si vraiment tu as raison, si tu arrives à obtenir la target du mois en une semaine, je te fais un striptease ». C’est une fille très pudique je précise, c’était inconcevable qu’elle puisse faire ça et je lui dis : « chiche », et là, il y a un challenge, un défi qui se crée dans mon cerveau et le pire, c’est que je visualise le challenge, c’est pour parler de préparation mentale que je vous parle de ça, pour partager un truc concret.

Oui, parce que chacun a sa source de motivation, mais je comprends.

Exactement, et à ce moment-là, il se passe un truc dans mon cerveau, ma colère se transforme en envie et en visualisation très positive et en une semaine, j’ai atteint la target du mois. La dernière heure du mois, j’ai signé le deal et elle était obligée de faire quelque chose qu’elle n’aurait jamais fait, mais j’ai dû transformer mes frustrations, mes peurs quotidiennes, c’est-à-dire que je me sentais coupable tous les jours et plus j’avais peur de ne pas gagner ma paie à la fin du mois, moins j’ai signé et ce jour-là, j’ai réussi à prendre le contrôle de mon esprit et à visualiser autre chose que mes échecs, visualiser autre chose que mes peurs et ma colère et j’ai commencé à visualiser un défi de striptease dans une semaine et bizarrement, en fin de semaine, j’atteins la target.

C’est vraiment intéressant. Ce que tu dis, c’est que ces émotions de frustration, de colère ou de peur, elles sont forcément légitimes, mais ce qui nous permet de performer sur des négociations plus commerciales, c’est cette capacité à transformer cette énergie qu’on ne mobilise pas dans le meilleur sens en une énergie de création, d’audace, de créativité, c’est ça ?  

Exactement. Il faut une attraction. Il faut une comète qui nous tire en avant et une comète qui, pour certaines personnes comme moi vous challenge, mais ça peut être une comète qui vous fait rêver, qui va sécuriser les gens que vous aimez, en tout cas, chacun a besoin d’une comète qui le tracte pour l’empêcher de penser à des choses qui cultivent des émotions de type frustration, de type colère, de type tristesse, parce que ces émotions-là génèrent des comportements et des ondes électriques avec les gens qui font qu’ils se méfient de nous.

On est d’accord.

Et c’est ça que j’ai découvert dans l’expérience de ma deuxième année. Comme j’étais devenu le meilleur de la boite, reconnu par tout le monde, je m’étais mis une certaine pression, cette pression m’avait fait me comporter différemment, donc j’essayais de faire des rendez-vous beaucoup plus propres, beaucoup plus professionnels, parce que j’étais beaucoup visité en rendez-vous par les autres et je voulais montrer aux autres le bon exemple, et c’est là où je me suis mis à réfléchir, à intellectualiser mes gestes commerciaux et que j’ai commencé à foirer tous mes rendez-vous et après comme je foirais, je pensais à ma paie et plus je pensais à ma paie, moins je réussissais.

T’étais plus dans une volonté de show off et de montrer que tu savais aux autres, mais pas à ton client. T’en oubliais ton client.

 Exactement, peut-être en tout cas, et c’est sûrement ça.

Est-ce que tu peux nous partager 2-3 étapes de ton closing sur cette notion de savoir oser dire non maintenant que l’on a bien compris cette notion de mindset ? Comment est-ce que l’on transforme l’énergie ? Est-ce que tu peux nous partager 2-3 tips ? Ça peut être au tout début, ça peut être sur la fin, je te laisse voir…

Bien sûr, évidemment les deux autres thématiques dont on vient de parler peuvent paraitre abstraites, mais là on va rentrer dans du concret, du pragmatique. Si on prend le processus du closing, peu importe le métier de vente ou de négociation que vous faites, selon ce que vous avez à commercialiser, on peut subdiviser en 10 « oui » à obtenir. Dans ces 10 « oui », on va dire que le « oui » le plus demandé, c’est sur le budget. La plupart des commerciaux me disent : « Rafi, comment tu arrives à closer le budget ? ».

Connaître l’enveloppe de ton client, c’est ça ?  

Exactement, l’enveloppe budgétaire sur laquelle il est prêt à investir pour qu’on puisse travailler ensemble. Je sais que c’est bizarre ce que je vais dire, mais il faut être le premier à être capable de dire « non ». Exemple concret, une fois que l’on a tout découvert, si on se rend compte que son enjeu représente une enveloppe de 500 000 euros ou de 5000 euros, peu importe, ça n’a aucune importance, il faut être le premier, déjà à poser la question : « quelle est l’enveloppe budgétaire que vous avez prévue ? La personne va 100% du temps vous répondre : ça, ce n’est pas à moi de vous le dire, à vous de me faire votre proposition et on verra après ». Le jeu de l’achat et de la négociation, c’est toujours comme ça, le jeu de la vente et de l’achat, c’est toujours comme ça. Il faut donc une succession d’art du questionnement pour passer du « quel est le budget que vous avez prévu ? » à « oui, je vois que vous n’en avez pas prévu et c’est normal, donc je vous donne une indication, je vous éduque avec une fourchette pour vous dire que, par rapport à ce que vous me demandez, pour répondre à vos enjeux, ça va représenter entre 400 000 et peut-être 700 000 euros », mais il faut avoir le courage de donner les infos qui permettent à la personne de se positionner et la personne à ce moment-là peut dire : « ah non, j’ai prévu 50 000 ». Il faut avoir le courage d’entendre cette phrase-là et de dire : « dans ce cas-là, je ne pourrais pas vous aider. Non, je suis désolé mais au vu de ce que vous demandez, de vos enjeux et vos ambitions, au vu de votre projet, qui est juste passionnant, c’est juste impossible ». Il faut être le premier à prononcer ce mot, « impossible ». Et le plus important, c’est de placer le silence qui suit derrière, donc à vitesse réelle, ça donne quelque chose comme : quel est le budget que vous avez prévu ?

J’aurais bien aimé pour 50 000 euros Monsieur Mouhamad.

 Écoutez, très bien, Monsieur Pelabere, pour être très honnête avec vous, au vu de l’expérience que nous avons tous les deux, malheureusement, au vu de vos ambitions, de votre projet qui est vraiment superbe, je ne vois pas comment je vais pouvoir vous aider, je suis vraiment désolé.

Enfin, c’est-à-dire ? On a des concurrents qui nous ont dit qu’à 50 000, c’était faisable, vous ne pouvez pas le faire vous ?

 Sincèrement, si vous connaissez une personne qui est capable de vous emmener au résultat que vous demandez avec le contexte et l’environnement que vous avez aujourd’hui, je serais le premier à signer avec lui.

Hum, intéressant. Ça veut dire que si tu as ce type de problématique, pourquoi est-ce que tu ne le choisis pas s’il te le fait à ce prix-là ? Pourquoi tu fais appel à moi ?  

Oui, tout en permettant à l’autre de sauver la face. Ça, c’est aussi très important. Dans la manière de dire « non », on doit avoir un « non » bienveillant, qui permet toujours à l’autre de sauver la face.

Ah ! Là, ça devient intéressant ! Ça veut dire que ton « non » ne ferme pas la porte. Ton « non » est vraiment ta capacité à faire preuve d’assertivité tout en respectant l’autre et en lui ouvrant un champ des possibles pour qu’il puisse revenir en arrière, qu’il ne se sente pas vexé ou quoi que ce soit, ce qui serait une erreur.

Exactement. C’est là où le mot magique est le mot « aider », c’est-à-dire : « je suis vraiment désolé, je ne vais pas pouvoir vous aider ». C’est une manière de dire non, mais qui est une manière spécifique. Très souvent, 100% des clients disent : « bah, je ne comprends pas ». En gros, ils font exactement ce que tu viens de faire Julien, ils disent : « je ne comprends pas » et très souvent, en culture B2B et même B2C, les gens nous donnent une référence, un référentiel : « attendez, j’ai vu X, Y et Z qui me disent que c’est possible », donc je leur dis « OK », et là je rappelle le point de départ et le point d’arrivée, donc « au vu de vos compétences actuelles, donc dans mon cas je forme des gens en performance commerciale, mais ça peut être des trucs ultra-pointus et technologiques comme commercialiser une centrale nucléaire, un Airbus ou des solutions ultra-technologiques, « au vu de votre contexte actuel Monsieur Pelabere et de vos ambitions, si jamais quelqu’un vous dit que c’est possible avec cette enveloppe budgétaire, je serais moi-même le premier à devenir son client ». Cette phrase-là est une phrase qui éduque le client, c’est-à-dire que ça crée une forme de doute, je pars d’une perception A et la personne en face me dit « non » en premier. Le commercial qui dit « non » en premier, ça brise un paradigme dans la tête des gens, ils ne s’y attendent pas, donc c’est la surprise et cette surprise crée une sorte de mouvement, qui est très intéressant humainement, les gens disent : « je ne comprends pas, parce qu’eux font ça pour 50 000 euros. Dans ce cas-là, je comprendrais ». C’est comme : « emmène-moi faire le tour du monde si tu veux sortir avec moi. Là, ma chérie, je ne vais pas pouvoir t’aider, au vu de ton agenda, de ton planning, de tes contraintes, ce n’est pas possible. Ah, mais Julien m’a dit qu’il était capable de faire le tour du monde. Dans ce cas-là, sors avec Julien ma chérie, vas-y, fonce, moi-même je sortirais avec Julien ».

Tu redonnes du libre arbitre à l’autre et c’est rassurant d’une certaine manière de l’exprimer de cette manière pour lui.

Exactement, c’est de la vraie bienveillance, c’est du vrai altruisme. C’est-à-dire que les gens ne sont pas habitués à voir de l’altruisme, du détachement et du lâcher-prise chez les commerciaux et donc quand ils en trouvent un qui en a, le capital confiance augmente d’un coup, c’est-à-dire que tous les paramètres de vigilance chutent et la confiance augmente. Très souvent, les gens font exactement ce que tu as fait, ils passent d’une position de retrait sur leur chaise ou même au téléphone ou en visio, ils se mettent à avancer, à faire un mouvement, ils s’avancent et disent : je ne comprends pas, et là, ils commencent à s’engager avec une curiosité sincère.

Oui, parce qu’on n’a pas l’habitude d’avoir ce « non ».

 Ouais et là on peut rentrer dans une vraie phase d’éducation et de partenariat : « Écoutez, moi ce que je vous dis, c’est allez-y, foncez et je reste disponible pour vous, pour challenge peut-être ». Maintenant, et c’est là que ça devient intéressant, il va falloir éduquer le client : « est-ce que vous cherchez la solution la moins chère ou vous cherchez surtout à investir pour atteindre votre résultat ? ». Ça, c’est une question qui m’a beaucoup aidé.

Et en plus, la réalité c’est que des fois on a des concurrents sur certains secteurs de niche qui font aussi bien voire mieux, et être en capacité de dire : « là, sur cette demande très spécifique, je ne serai pas le meilleur interlocuteur pour vous accompagner au vu de ce que vous me dites, je vous invite à aller les voir » et qu’il les choisit, ça te permet peut-être, dans le futur, d’avoir quelqu’un qui revient vers toi et qui te dit : en fait, ce que vous aviez fait, c’était le bon choix et là j’ai envie de travailler avec vous sur cette partie où vous avez une expertise.

 Exactement.

Et ce n’est pas une volonté de gagner, c’est une volonté d’être la meilleure version de toi-même dans un processus qui est l’infinite game de la vente ou de la négo. Ça a beaucoup de sens et j’aime beaucoup cette notion de vouloir aider l’autre. C’est un truc que l’on explique quand on est sur des achats, sur des budgets, parce que sur des problématiques de négo commerciale, on est généralement confronté à des achats qui ne veulent pas nous donner leurs budgets, mais c’est : aidez-nous à vous aider. La complexité se trouve chez vous. Vous nous demandez de faire Paris-Lyon en transport, entre un vélo, une voiture ou un avion, ce n’est pas la même chose, on s’adaptera, mais on sera capable de vous dire les avantages et les inconvénients de chaque solution en fonction de vos contraintes.

 Exactement. Et je pense qu’il y a différentes émotions que nous, commerciaux, devons gérer. Par exemple, pas de peur. On ne doit pas cultiver la peur, c’est-à-dire qu’on doit aller avec courage les premiers au front. Si une personne dit : « je n’ai pas prévu de budget », on doit avoir le courage de dire : « vous voulez une solution sans avoir prévu de budget ? Donc en gros vous avez prévu 0 euro ? ». Il faut avoir le courage d’utiliser l’humour sans faire de sarcasme, sans faire d’ironie malveillante, mais il faut avoir le courage de parler amicalement aux gens avec humour : « vous avez prévu 0 euro, dans ce cas-là, je ne vais pas pouvoir vous aider », mais il va falloir provoquer les réponses des gens pour pouvoir provoquer leurs incohérences et grâce à ces incohérences, pouvoir montrer que nous sommes aussi intelligents qu’eux pour renvoyer ces incohérences, et en renvoyant ces incohérences, les gens deviennent de plus en plus cohérents, et grâce au fait de créer de la cohérence par le jeu de dire « non » en premier, les gens deviennent de plus en plus cohérents, ils empruntent le rail que l’on a fixé pour eux.

C’est génial, parce qu’il faut avoir le courage, et c’est un mot qui est fort, de sortir de sa zone de confort, d’être capable de dire « non », de montrer, de pointer un raisonnement qui n’est pas cohérent ou de montrer à l’autre un raisonnement paradoxal et de lui faire comprendre que, toute chose égale par ailleurs, il n’arrivera pas à ses objectifs et d’une certaine manière, tu es la personne qui annonce la mauvaise nouvelle ou qui a le courage de lui dire « non », mais pour son bien.

Exactement.

C’est fort. Je comprends mieux cette notion de dire « non ». C’est vraiment cette idée d’éduquer avec bienveillance ton interlocuteur. Est-ce que tu as une autre étape sur laquelle tu peux partager Rafi s’il te plait ?  

Bien sûr. Je pense que la plupart des gens sont intéressés par savoir dire non au moment du budget et savoir dire non aussi à deux autres moments je pense. C’est savoir dire non au moment de l’engagement. C’est-à-dire que très souvent quand un client doit acheter, doit consommer une solution de type prestation de service ou un produit, ça l’engage à l’utiliser d’une certaine manière, ça l’engage à l’utiliser avec une certaine régularité. Par exemple, nous qui vendons des programmes d’accompagnement sous forme de coaching ou de formation, très souvent, ça engage nos clients à être réguliers pendant un certain nombre de semaines ou de mois. Donc les gens vont dire : « Quoi ? Il va falloir que je m’engage à pratiquer mes techniques de vente deux fois par semaine ? Il va falloir que je me connecte sur mon espace deux fois par semaine ? Il va falloir que je me connecte en visio avec vous une fois par semaine ? ». Les gens se rendent compte qu’ils veulent un résultat mais sans un certain d’engagement de leur part, sans un investissement de temps ou d’énergie. A ce moment-là, très souvent dans cette phase, on appelle ça un mini closing engagement et donc dans un mini closing engagement, les gens vont dire très souvent « non » en premier : « attendez, votre solution est trop engageante, elle est trop contraignante. Il va falloir qu’on change tout notre service informatique pour ça ? Ah non, c’est trop contraignant Monsieur Mouhamad », c’est là qu’il faut avoir la capacité, dans ce mini closing, de dire « non » en premier, avant qu’ils ne disent que c’est trop contraignant. Il faut être capable de dire : « écoutez Monsieur Pelabere, pour qu’on puisse atteindre les objectifs de chiffre d’affaires que vous voulez et les résultats que vous me demandez, ça va impliquer une réunion entre nous deux, une session entre nous deux toutes les semaines qui va prendre une heure et demie et ça va durer à peu près un an comme ça. Je vais vous accompagner pendant un à peu près une heure et demie par semaine, en plus de tout le travail que je vais vous donner entre les séances, le réflexe humain, c’est de dire quoi à ce moment-là ?

Non.

Non. J’ai trop de boulot, vous ne vous rendez pas compte, avec tout ce que j’ai à faire, avec toutes mes responsabilités, c’est compliqué. Et dès que la personne va dire : « c’est compliqué pour moi », il faut être le premier à dire : « OK, dans ce cas-là – toujours pareil, point de départ, point d’arrivée – au vu de ce que vous me demandez, e vos ambitions et de l’état initial de votre configuration, je ne vois pas comment je vais pouvoir vous aider. Ça me parait impossible ».

C’est génial parce que ça vient jouer plein de leviers au niveau du cerveau. Déjà il y a un principe de résistance, ce qui est compliqué à obtenir, le cerveau l’apprécie, le fait que tu me dises « non » me challenge encore plus à vouloir comprendre et à mériter ce que tu me dis, et deuxième chose, c’est que tu as le courage de mettre sur la table, et je pense que c’est très important que les gens comprennent ça, la complexité à un moment donné qui peut rentrer en compte. Si tu ne le fais pas à ce moment-là, si tu closes et que la complexité arrive après, tu as la personne qui arrive et qui ne s’engagera pas de la même manière, qui pourra être frustrée et qui pourra dire : « vous ne me l’aviez pas dit ou je ne savais pas ce que ça générerait », et le cerveau va le percevoir différemment, alors que toi tu le présentes quasiment comme un challenge et qui est de dire : en fait, j’ai envie de vous choisir, mais méritez-moi d’une certaine manière, montrez-moi que vous avez envie, si vous ne faites pas les efforts, on ne travaillera pas ensemble et ça, c’est pour votre bien. Tu renverses ce rapport de force, ce rapport à l’autre, je trouve que c’est génial, parce que c’est fait avec beaucoup de tact sur le sujet.

Ah génial ! Au fil des années, je me suis rendu compte que je le faisais avec beaucoup de cœur et de tendresse pour les gens, peut-être que j’ai analysé à mesure que j’ai dû devenir pédagogue pour l’enseigner aux autres, je me suis mis à réfléchir : mais qu’est-ce qui se passe dans la tête des gens au moment où je dis ces choses-là de manière très humaine ? Je me suis rendu compte que ma volonté est de faire passer les gens à un niveau de responsabilisation au lieu de rester dans une étape de victimisation où, on va le dire autrement, les gens vont se comporter comme des adulescents, des adolescents ou comme des enfants. Moi, je les traite avec respect comme des adultes, c’est-à-dire que je leur dis ce qui n’est pas possible et je leur dis que s’ils le veulent, ils le peuvent, donc échangeons ensemble. C’est comme un enfant qui dirait : « papa, je voudrais être styliste. Il va falloir dessiner une heure et demie par jour, tous les jours, ma chérie. Ah non, ça je ne peux pas. Désolé ma chérie, tu ne seras pas styliste ». Un parent doit avoir le courage de traiter son enfant comme un adulte.

C’est ça. C’est une vraie volonté d’être transparent pour éviter toute désillusion que tu pourrais avoir dans un second temps : « non, ne vous en faites pas, on va closer », ça semble trop simple et tu as vraiment ce commercial qui veut closer et au final, tu n’as pas l’engagement des parties prenantes. Très intéressant.  

Pour être honnête avec toi Julien, la plupart des gens, quand je leur dis : « je vais former vos commerciaux », je montre aux patrons ce que je vais faire avec leurs gars, très souvent, à ce moment-là, les clients, les patrons flippent quand ils découvrent cette méthodologie : « non mais Rafi tu ne te rends pas compte, on ne fait pas assez de chiffre d’affaires, on va encore plus foirer si tu leur apprends à dire non, on ne peut pas se permettre de dire non à nos clients », donc je briefe les patrons souvent et après je leur fais des simulations et des jeux de rôles, je leur montre et je leur dis : « vous savez quoi, si c’était vrai ce que vous disiez, je serais en train de foirer depuis 20 ans moi ».

Oui, tu es ton meilleur exemple, forcément.

Et tous les gens que vous m’avez confiés dans le passé sans que je vous explique quelle était la méthode, ils ont bien réussi, ils ont bien fait fois 2, fois 3, fois 4 en chiffre d’affaires, donc faites-moi confiance, et pour être honnête, il faut leur expliquer tout le processus en détail. Il faut déjà mettre le terreau comme on a dit pour y arriver, une fois qu’on a fait le terreau, les gens nous autorisent à leur dire « non », une fois qu’on leur a dit « non », il faut être capable de leur expliquer comment obtenir le « oui », parce qu’aujourd’hui l’enjeu, c’est savoir dire « non », mais peut-être que pédagogiquement c’est comme ça qu’il faut que je l’explique pour être honnête et que tout le monde comprenne le truc, en B2B, quand il y a plusieurs acheteurs en face de nous, mon mentor m’a appris : « Rafi, détecte rapidement le bon, la brute et le truand ». Le truand, c’est celui qui te fait comprendre qu’il a le pouvoir, mais il n’en a aucun. Il dit « oui » tout le temps. C’est génial ! Il a donc des signaux très forts d’achat. Il dit « oui c’est bien, c’est super » à chaque moment de ton processus de vente et à la fin tu te rends compte qu’il n’avait aucun pouvoir de décision donc il t’a truandé. 

Le bon, c’est souvent quelqu’un de plutôt agréable humainement, qui émet des signaux faibles d’achat, donc il hoche la tête, intéressant, mais c’est plutôt soft, discret, il n’émet pas de signaux brutaux avec toi. Tu as l’impression que c’est un allié, un sponsor, donc tu consommes de l’énergie avec lui. Très souvent, quand tu es débutant, tu te fais piéger par le truand. Comme tu vois qu’il réagit beaucoup, tu te focalises sur lui, tu lui fais ta présentation, tu focalises beaucoup d’énergie sur lui, mais le vrai secret que mon mentor m’a appris, c’est : « focalise ton temps, ton énergie et ton attention sur la brute ». Le bon, la brute et le truand. Celui qui va dire « non » tout le temps pendant ton rendez-vous. Ça peut être le service achats, ça peut être le DAF, le DG, souvent c’est quelqu’un qui peut être assez agressif avec toi, qui te challenge et qui te met des épines tout le temps : « oui, votre truc c’est de la merde, oui mais ça je connais déjà, on a déjà, non mais ça c’est beaucoup trop cher », donc tu te concentres sur la brute et tu dis : « OK, très bien, vous ne voulez pas déployer ça, dans ce cas-là, je ne sais pas comment vous allez avoir votre solution ». Là, il faut rentrer dans une relation de challenge avec la brute et c’est là que tous les contrats B2B, je les ai gagnés. C’est en focalisant mon énergie sur la brute qui était dans le trio. Maintenant, je ramène ça au B2C, en B2B, on est dans un contexte où il n’y a qu’un seul acheteur, chaque être humain, toi le premier, moi le premier, nous avons le bon, la brute et le truand à l’intérieur de nous. Donc si je m’adresse à ton côté truand, c’est-à-dire qu’à ton côté qui dit « oui » facilement, je vais foirer ma vente, si je m’adresse à ton côté bon qui est plutôt agréablement surpris par ce que je dis, je vais foirer ma vente, mais si je te pousse à me dire « non » régulièrement, je vais cartonner en vente, je vais réveiller et activer ton côté brute avec moi, c’est-à-dire que je vais déterrer les sujets où tu as envie de me dire « non », mais avant que tu me le dises, c’est moi qui vais te dire « non », et parce que je vais te dire « non » d’abord, tu vas commencer à me dire « oui ».

C’est passionnant ! Écoute, passionnant et ça fait sens d’une certaine manière sur beaucoup de choses. Petite question puisqu’on arrive sur la fin du podcast, différence entre négo et vente ?  

Oui, bien sûr.

On a le droit d’être en accord sur le désaccord, on a le droit de voir les choses différemment, à toi de me dire ta perception et ça m’intéresse vraiment en plus !  

Pendant des années, je ne comprenais pas le mot négociation. Je pensais que c’était la vente, parce que j’étais vraiment un vrai vendeur pur et dur, pur et doux je dirais même, et négociation, comme je ne faisais pas de la vraie négociation au sens propre du terme, je me suis beaucoup posé la question et un jour, je me suis rendu compte que nég-ociation commençait par « neg ».

Ne pas.

Exactement, par une négation. Et un jour, je me suis rendu compte que finalement, j’étais un super négociateur, parce que c’est moi qui crée la première négation et je me suis rendu compte que la différence entre la vente et la négociation, c’est que quand on est en mode vente, très souvent, on est en mode push, en mode persuasion, en mode j’amène des informations, influencer ta décision et ta perception, alors que quand on rentre en mode négociation, on est en train de gérer des négations, donc c’est mon « non » qui rencontre ton « non ».

C’est une très belle définition ! Je ne m’étais jamais posé la question avec ces mots-là, mais ça a du sens sur la négociation. On est sur un désaccord exprimé et on est sur un processus pour aller chercher cet accord, c’est un mode de résolution conjoint, mais ça a beaucoup de sens, c’est très malin !

Ce qu’il faut quand même pour rassurer les gens et terminer par la cerise sur le gâteau, c’est qu’à partir du moment où la personne dit « non », elle dit très souvent « non » à un paramètre, à un critère, elle ne dit pas « non » à tout. A partir du moment où la personne commence à dire « non » à un ou deux paramètres, critères de notre offre, ça veut dire qu’elle veut signer notre offre.

Sinon elle te sort.

Exactement. Sinon elle te dit : « merci beaucoup pour toutes ces informations Rafi, je vais vraiment prendre le temps de réfléchir et on revient vers vous ». Ça, c’est vraiment la pire des réponses qui existent pour nous sur le marché. Par contre, si la personne dit : « en termes de budget, ça ne le fait pas », ça veut dire qu’elle veut signer, mais que le budget ne lui convient pas. Si elle dit : « l’engagement que ça exige en termes de disponibilité et d’engagement de mes équipes, c’est trop », ça veut dire qu’elle veut signer, donc en gros, quand la personne commence à dire « non », ça veut dire qu’elle veut dire « oui ».

C’est intéressant. Alors il y a plein de travaux dessus, mais le « oui » est fourbe, c’est « oui » quoi ? Oui, tu m’as entendu, tu m’as compris, tu es d’accord ? Combien de fois il y a des commerciaux qui te disent : « oui, très bien monsieur Mouhamad, c’est parfait pour nous, on va y réfléchir » et ça ne signe pas ou « oui je vais le faire la semaine prochaine ». En fait dans notre travail, on va chercher aussi beaucoup de « non » aussi, différemment, parce que le « non » est ferme. « Non » est une décision, il y a les travaux de Jincan qui sont passionnants là-dessus et surtout c’est très clair, on sait à partir de là où on peut évoluer. Passionnant Rafi ! Je te remercie vraiment pour tous ces parallèles, c’est extrêmement intéressant. J’ai l’habitude de poser une dernière question à mes invités pour clôturer, pour closer avec toi ce podcast : si le Rafi d’aujourd’hui devait rencontrer le Rafi d’il y a 20 ans, quel est le conseil que tu lui donnerais ?  

Très bonne question. Déjà, je le rassurais en lui disant que tout va bien se passer.

Ah génial ! T’es pas la première personne à dire ça !

Je dirais : « tu vas avoir une vie extraordinaire à laquelle tu n’oserais même pas rêver ». Déjà, le lui dirais ça, parce que c’était un Rafi qui avait tellement peu confiance en lui. Je pense que je le rassurais pour lui dire bonjour et après je lui dirais : ose encore plus, ose plus et plus vite. Ose plus et plus vite. Je pense que j’ai osé beaucoup mais le jeune garçon n’osait pas à chaque fois aller assez vite et je dirais : ose plus vite.

Nous c’est notre devise à l’institut Nera : qui ose gagne, qui est une devise des SAS.

 Excellent !

Complètement, donc je retiens ce conseil Rafi : rêve, ose et deviens.

 Exactement. Et tu pourrais même aller plus vite, voilà. Ne laisse pas tes peurs te ralentir et faire demain le geste que tu pouvais faire aujourd’hui, fais-le dès aujourd’hui et tout se passera très bien.

Un beau message ! Un très grand merci Rafi.

Merci mille fois Julien pour cette opportunité. C’est un honneur, un plaisir.

C’était passionnant. Merci à vous d’avoir écouté ce podcast, je vous dis à dans deux semaines pour un nouvel épisode de Pourparler, le podcast de la négociation, merci à vous !

 

 

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